Episode 66

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Eugénie

On dirait bien que le corps étranger vient de se frotter à notre anti-virus ! Dolorès s'est grillée. Comment a-t-elle eu connaissance d'une information que seules Faustine et moi possédons ?

Je m'apprête à pointer l'incohérence de l'hypothèse, mais Dolorès me devance. Elle essaye comme elle peut de rééquilibrer la balance.

— Moi aussi, je suis bélier, affirme-t-elle. J'ai pensé que, peut-être... Un caractère pareil, ça ne s'invente pas. L'astrologie y est forcément pour quelque chose.

— C'est plausible, l'appuie Luna.

Je n'arrive pas à croire qu'elle puisse se laisser prendre par une pirouette aussi absurde ! À moins qu'elle joue volontairement le jeu de Dolorès...

— Eh bien, soupire celle-ci, on dirait que j'ai perdu ! Je ne sais pas ce que tu es, Faustine. Mon second choix, c'était le rhinocéros. Non plus ? Bon, alors je donne ma langue au chat...

Elle piège aussi Nolwenn dans un regard complice. Le jeu de mots fait pouffer Cerise et Adoria, flouées à leur tour. Plutôt que d'accuser, Emmanuelle garde le silence.

— Ce que je suis, ça me regarde, lâche Faustine.

Pourquoi ne nie-t-elle plus ? Quelqu'un d'autre saurait-il en quoi elle se transforme ? Ce n'est pas bon pour moi. Je ne veux pas que l'on sache en quoi je me changerai, une fois le pilulier vide. Peut-être Dolorès le sait-elle déjà. Je dois faire diversion avant que l'on m'interroge. J'opte pour le premier objet qui me traverse l'esprit.

— L'une de vous a eu des nouvelles de Roxane, récemment ? J'ai des infos pour elle, mais impossible de la joindre. Vous savez si elle compte venir ?

— Sûrement pas, médit Adoria en levant les yeux au ciel. Madame a mieux à faire que nous accorder son précieux temps, maintenant !

— Je crois surtout qu'elle n'a pas le choix, avance Luna.

— Toi tu t'en fous ! Toi aussi, tu t'es fait la malle !

J'ai sans le vouloir ravivé des tensions et je le regrette déjà, d'autant plus lorsque c'est Dolorès qui vient à mon secours.

— Elle est où votre sœur, au juste ?

— Partie faire carrière comme mannequin ou comme poupée de télé, grogne Adoria. Elle peut aller s'faire...

— Sérieusement ? Ça fait combien de temps que vous êtes sans nouvelle ?

— J'dirais un bon mois...

Dolorès se redresse brusquement et nous fustige du regard. Adoria se recroqueville sur son siège, penaude, sans doute sans même savoir pourquoi.

— Mais vous êtes inconscientes ? nous réprimande l'étrangère. Votre sœur s'est envolée depuis un mois et personne ne s'inquiète ? Vous croyez qu'on débarque comme ça dans une agence de mode avec la bouche en cœur ? Mais vous avez grandi où ?

— Sur une île préservée, hasarde Nolwenn.

— Ouais, je sais bien, souffle sa copine en retombant. Vous avez vraiment pas conscience de ce qui peut traîner, en fait. Du stade de pourriture dans lequel baigne le vrai monde. Je sais que vous êtes toutes vraiment intelligentes, sinon vous ne seriez pas là. Alors je vais vous dire ce qu'aucune d'entre vous n'a envie de voir, apparemment. Il a dû arriver des bricoles à votre sœur. Si vous la retrouvez, vous aurez de la chance. Et encore, dans quel état ? Soit vous l'acceptez, soit vous vous mettez à sa recherche mais, bon sang, arrêtez de vous voiler la face !

— Je partage cet avis, la rejoint Emmanuelle.

Finalement, Dolorès les a toutes prises dans son filet, ou presque. Faustine se tord la mâchoire à côté de moi, les yeux rivés sur le convoyeur. L'à, l'évidence me frappe. Je vois double. Les deux mêmes corps pâlots à l'ossature prodigieuse. Ma sœur et l'étrangère, elles sont de la même espèce.

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