Chapitre 13 - L'Infini contre le Fugace

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- Un rematch ?

Gojo lui sourit, avant d'acquiescer. De son côté, Reiketsu ne savait pas trop quoi penser : affronter le plus fort des exorcistes était de la folie, mais... En moi bouillonne l'envie de savoir si oui ou non je suis bien un grade "spécial".

Il lui suffit d'un regard.

- Ah, j'adore ta façon de répondre à mes demandes ! rigola l'exorciste. Tu as si faim que ça ?

- C'est juste une question d'honneur, répliqua Reiketsu avec une sueur froide dans le dos.

Le sourire de Gojo s'élargit, mais ça n'annonçait rien de bon ; il écarta les bras, tandis que l'autre se tendit, son énergie se répandant dans tout son corps, traversant son être d'un frisson primal. C'était là. C'était maintenant.

Tenmetsu !

Un éclat de lumière, et il jailli instantanément sur le plus fort de tous, tous poings dehors. Mais son attaque fut stoppée, ou plutôt ralentie. Reiketsu grinça des dents, et Gojo ricana ; l'Infini à son niveau le plus brut était déjà un problème immense. C'est alors que l'autre se recula. La réplique arrive ! pensa Reiketsu, croisant ses bras.

Le choc fut démentiel. C'était tellement... qu'il crût un instant que ses bras s'étaient brisés, mais heureusement il n'avait rien. Cependant, il fut propulsé en arrière, pour parvenir à se réceptionner tant bien que mal quelques mètres plus loin.

Il se redressa, et remarqua que ses bras tremblaient. Ses coups sont lourds, se dit-il en serrant ses poings.

- Alors quoi, tu abandonnes déjà ? se moqua Gojo en posant sa main sur sa hanche.

Le même regard. Son adversaire fit semblant de frissonner.

- Ooouh, comme j'ai peur ! (il sortit son appareil photo) Laisse-moi immortaliser ce mom...

Maintenant !

Reiketsu fit gonfler les muscles de son bras, et le leva au dessus de sa tête. Dans un fracas assourdissant, une lance de lumière se forma dans sa main. Le pouvoir brûla si fort qu'il étrécit ses yeux, à moitié aveuglé.

Yarisho !

Il gonfla ses joues sous l'effort, l'autre applaudissant avec toujours le même air amusé. Et ça, ça mit Reiketsu hors de lui, au point qu'il hurla de plein poumons, et lança l'arme d'énergie sur son ennemi.

- Quand comprendras-tu la différence qu'il y a entre nous ? clama le plus fort d'entre tous en tendant sa main.

La lance percuta le mur invisible, et pendant un instant, on eut pensé que le même résultat allait se produire.

Pourtant, l'impensable se produisit.

La lance ne s'éteignit pas. Elle n'éclata pas plus. À la place, elle vibra de plus belle, avant d'effleurer le doigt de Gojo, qui, malgré son bandeau, écarquilla très visiblement ses yeux. Reiketsu grimaça démoniaquement.

Sans se désister, Gojo éclata l'éclair avec son énergie occulte, impassible. Néanmoins, il semblait troublé, enfin c'est ce que le jeune homme imaginait... Il ne faut pas que je baisse ma garde. Reikestu garda ses distances, attendant la réplique pour pouvoir riposter.

* * *

Il est trop coool !

Satoru était aux anges ; son favori avait enfin ouvert ses ailes, et s'était envolé de la manière la plus majestueuse qui soit.

Avant Reiketsu, le monde autour de lui était fade : tous se pliaient à ses désirs, et pourquoi ? Parce qu'il était le plus fort. Pourtant, ça lui plaisait de faire ce qu'il voulait, et pendant longtemps, il s'y était habitué et même prélassé.

"Sur Terre comme aux Cieux, Moi seul mérite d'être honoré"

Peut-être qu'il avait dû vieillir. Ou bien il avait choppé un truc. Mais en tout cas, l'ennui l'avait gagné. C'était arrivé un peu après que Geto soit parti, mais les deux évènements n'étaient pas liés, il en était persuadé. En fait, c'était plutôt quand il avait vaincu Toji Fushiguro. Ce type là lui en avait fait voir de toutes les couleurs, parce que c'était le seul qui l'avait poussé à bout. Le seul à défier l'Infini.

Mais il était mort, parce que Satoru était meilleur. Une évidence qui l'avait dégoûté pendant longtemps.

En recevant cette lance, les souvenirs remontaient en lui comme les bulles d'un bon soda...

...

L'hiver. Une sorte de saison un peu moche, parce qu'il n'y avait aucune animation, sauf à Noël. Satoru n'était pas vraiment fan de cette période (hormis la fête), parce que tout le monde la trouvait poétique, comme quoi c'était "le cycle de la vie, la transition vers la renaissance". Un truc de vieux qui le débectait.

Il ne sortait donc presque jamais pendant cette période. Et ça le rendait plus revêche que d'ordinaire.

Alors qu'il était en train de regarder l'une de ses séries favorites, mais le coeur n'y était pas. Dernièrement, il avait choppé une rage de dents après une trop forte consommation de sucre. Son dentiste lui avait très crûment déconseillé de continuer sa consommation, ignorant la nature du "plus fort".

Et Satoru, malgré son statut et sa puissance, avait eut l'impression d'être un gamin nul qu'on engueulait après une bourde.

Bref, ça l'avait affecté, alors il était en "dépression". Bien sûr, ça ne durerait que l'hiver. Bien sûr, au moindre appel, il ferait exprès de mettre dans l'embarras l'importun, comme ça il aurait le sentiment de rejeter son fardeau sur quelqu'un d'autre.

C'est en éteignant son téléviseur et en se couchant sur son lit avec un râle qu'il commença à réfléchir sur son existence. Contrairement à ce que tous pensaient, ça lui arrivait assez souvent (surtout en hiver, cette saleté de saison !), et dans ces moments-là il décidait la plupart du temps de commencer un nouveau hobby.

Piano ; il avait gagné trois concours nationaux, puis avait disparu de la scène.

Volley-ball ; écrasant ses adversaires, même ce petit gamin aux cheveux oranges qui sautait très haut.

Même des trucs un peu illégaux, comme le poker... Mais là encore, son sixième oeil faisait tout le travail à sa place, et il gagnait même sans tricher.

"Je sais tout faire" pensa-t-il avec une pointe de... de quoi, en fait ? Il se redressa ; que ressentait-il quand il faisait toutes ses activités et qu'il se rendait compte qu'il était bon partout ? Voyons... Il pensa à ce que Ieiri lui disait à propos des émotions :

"Au début, ça fait pchuiii... Et ensuite, fwaaah, et enfin, vloum !"

Une grosse nulle en matière d'explications, une pédagogue à chier. Pourtant, une question s'imposait de plus en plus à son esprit, le rongeant de l'intérieur, lui, l'élu de l'Infini et des Six Yeux, celui qui avait atteint le stade divin.

Lui, qui pouvait tout accomplir d'un claquement de doigts, à quoi servait-il ?

Soudain, son téléphone sonna. Son regard aux reflets d'un ciel de diamant se tourna vers l'appareil, ses pensées tournoyant encore derrière ces vitres de cristal. Allait-il répondre ? Peut-être que ça rappellerait plus tard...

- SA...

Un gros coup fit trembler la porte de son appartement.

-...TO...

Elle éclata sous un choc puissant, laissant apparaître un visage énervé.

-...RUUUUU !!!

L'interpellé soupira ; c'était Yanagi Tonisuka, l'un des seuls exorcistes vers lequel Satoru avait une appréciation était supérieure à 100 (pour étalonner : Yaga était à 12, Gakukanji à -100). Pour une raison qu'ignorait le plus fort d'entre tous, ce type ne voulait jamais le laisser tranquille durant ses périodes de "dépression". Et le pire, c'est que, malgré les menaces et autres, ce gars ne s'était jamais pissé dessus et répondait juste :

"T'as aucun pote avec qui boire. Et moi, j'ai besoin d'un type sobre pour me ramener chez moi"

Absurde. Idiot. Beaucoup trop honnête, droit et courageux.

Satoru n'aimait même pas l'alcool, en plus ! Pourtant, à chaque fois, il finissait par l'accompagner dans ses soirées où le type racontait ses journées de merde avec un talent hors-norme, et apaisant. Du moins, pour le jeune homme aux cheveux d'albâtre.

Que ressentait-il, au fond de lui, quand il l'écoutait chaque jour parler de ses élèves de Kyoto super chiants ?

- Qu'est-c'tu veux, le vieux ? râla Satoru en le regardant d'un oeil mauvais.

Soudain, il remarqua une silhouette derrière Yanagi, et pencha sa tête pour mieux la distinguer ; il s'agissait d'un jeune homme svelte, châtain et aux yeux d'ambre. Une brûlure sur la joue gauche, des piercings aux oreilles, son regard et sa dégaine lui donnaient un air de voyou qui s'apprêtait à péter deux-trois gueules à la sortie de lycée.

- Comme t'es un ami, je vais te demander un service.

- Heiiin ?!! En quoi j'suis ton ami ?

Pourquoi je me sens bizarre quand je dis ça ? Pourquoi ça serre au niveau de la poitrine ?

- S'il te plaît !

Yanagi fit quelque chose d'à la fois stupéfiant et inattendu ; il s'inclina en dogeza. Satoru cligna des yeux, tellement surpris par ce type prostré, qui d'ordinaire ne se laissait démonter par personne, même par ses supérieurs alors que ceux-là faisaient stresser l'exorciste aux yeux divins.

- Prends ce jeune homme sous ton aile !

C'était là que Satoru avait commencé à comprendre à quoi il servait.

...

- C'est ça ! hurla-t-il à l'attention de Reiketsu, qui se tendit l'accès émotionnel de son adversaire.

Tout pullulait. Les couleurs, les sons, les odeurs. Les choses en lui sortaient et explosaient dans des feux d'artifices intenses et vivaces, dévorant tous ces ténèbres qui avaient, sans qu'il s'en rende compte, altérer sa vision. Non, pas sa vision, sa vie en somme.

- Putain, c'est bon ! éclata de rire l'exorciste, la main sur son bandeau ; Reiketsu fonça vers lui sans attendre, ce qui apporta l'extase de Satoru à des niveaux supérieux : le châtain avait compris qu'il allait devenir sérieux dans la seconde qui suivait.

Il avait ressenti la même chose après son "assassinat' par Toji. Oui, c'était cette même sensation étrange, qui était à l'exact opposé de celle qu'il avait maintes fois ressenti pendant ses longues heures seul dans son appart, seul dans son monde.

Seul dans sa force.

Ce n'était ni du divertissement. Ce n'était pas de la joie, ce n'était pas non plus de l'adrénaline. C'était tout à la fois, et plus que ça.

Ses yeux se révélèrent, et la lumière fut d'une beauté saisissante. Il ouvrit ses bras pour accueillir les cieux qui le remerciaient de sa venue sur terre.

- Montre-moi ce que le monde s'aveugle de lui-même, s'adressa-t-il à eux, mais aussi à lui.

Une droite parfaite fila vers lui. Cette technique, cette grâce ! On aurait dit un serpent qui jaillissait de l'eau de toute sa souplesse, avec pour seule intention la mort pure et simple. Un coup, un seul, et c'était fini pour la proie. Quelle fierté ressentait-il ! Il dévia le coup, ses yeux filant à toute vitesse pour déceler le moindre mouvement.

Un pied surgit devant son regard, visant sa tête, qu'il abaissa dans l'instant. Puis, tout s'enchaîna ; manchettes courtes, coudes qui s'entrechoquaient, poings qui brûlaient l'air de leur férocité déchaînée, jambes qui hurlaient le vent en tranchant l'espace pour tenter d'atteindre un peu plus loin, un tout petit peu plus loin qu'avant.

Son Infini bloquait tous les assauts, et Reiketsu hurla :

- MAIS CRÈÈÈÈÈVE !

Cette rage. Cette voracité de combattre, il la connaissait lui aussi. C'était une faim insatiable qui les arrachaient tous deux du monde, qui les portaient dans cet espace unique, intime.

Soudain, Reiketsu couvrit ses mains de foudre et attrapa le col de Satoru, qui reçut une décharge électrique. Pour une raison qu'il ignorait encore, les attaques chargées de cette technique perçaient son Infini. Il tira son col, Satoru attrapant le poignet de son adversaire, dardant son regard dans le sien.

- C'EST PAS...

C'est là que Reiketsu plaça son autre main vers le bassin de l'albâtre, et le fit basculer par dessus son épaule.

-...TERMINÉ !!!

Mais Satoru s'était téléporté juste à temps derrière lui, et lui balança un coup de pied retourné qui l'envoya manger les pissenlits par la racine... Non ! L'autre avait bloqué son coup, son visage était déformé par une colère sourde, et avec un souffle d'effort il repoussa violemment l'exorciste.

Il haletait.

Le plus fort sentait ses poumons le brûler. L'autre lui avait fait des dégâts ! Lui, le plus fort parmi les forts !

- Allez..., marmonna Reiketsu, la tête baissée.

Un frisson. D'excitation ? De peur ? Je n'ai pas besoin de le savoir, pensa Satoru. J'ai juste besoin de le ressentir !

-...JE T'ATTENDS !

Cette sensation brûlante, qui semblait étirer cet instant dans une éternité fugace, teintant le monde d'une lumière surnaturelle. L'autre sembla vaciller un instant, mais tint bon, et courut vers lui à la vitesse de l'éclair. L'émotion explosa, mais l'exorciste la catalysa dans sa technique ; il ne devait pas le tuer ; il devait juste lui apprendre.

Alors il croisa ses doigts.

Comme autrefois.

* * *

Comme autrefois.

Pantelant, le jeune aux yeux d'ambre essuya le sang qui coulait de sa bouche. Le dernier coup avait ébranlé son corps, et la douleur comme les souvenirs remontaient en lui. La marque ; elle palpitait comme jamais. Cependant, ce n'était pas de la douleur qu'elle provoquait, mais du plaisir. Une extasie qui allait l'emporter d'un instant à l'autre. Je dois vite en finir...

Il fonça sur l'exorciste, mais c'était trop tard ; cette sensation écrasante jaillit en lui avec cette même intensité, la même pression qu'il avait ressenti cette fameuse nuit où ils avaient fait ce putain de Serment.

Merde ! réfléchit le jeune homme à toute allure, son cerveau brûlant comme jamais. Je ne peux pas l'atteindre avant qu'il est terminé... Putain ! La dernière fois qu'il avait utilisé la même technique, c'était là que sa marque s'était "réveillée" et que la spirale l'avait fait souffrir jusqu'à qu'il ne puisse plus utiliser son énergie occulte jusqu'à peu. Pourtant...

Il croisa ses mains, qui formèrent le mudra du dragon.

* * *

RYŌIKI...

* * *

...TENKAI !!!

* * *

MURYŌKŪSHO

* * *

EIŌGAIKI YUMEBO

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