Chapitre 13

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Treizième Chapitre

— Andrès, je n'ai pas le courage de vivre sans Christian. Je n'en ai pas la force... ni l'envie... Et mon passé ? Comment vivre avec ? Je n'en ai pas le courage... Je suis perdue...

Esméralda parla longuement de Christian. Elle expliqua à son confident qu'elle ne pouvait pas vivre sans Christian ; que c'était au-dessus de ses forces ; que la vie sans lui n'avait plus de sens ni d’importance. Elle dit avoir donné à son mari ce qu'elle ne pourrait plus donner à aucun autre. Elle précisa lui avoir donné sa jeunesse, ses rêves, son corps abîmé et son âme meurtrie.

— C'est avec lui que j'ai grandi, appris la vie et mûri, balbutia-t-elle au milieu des bruits de chaises. C’était avec lui que je devais vieillir. Il n’y aura pas de deuxième homme.

Touché par la détresse d'Esméralda, Andrès Pasolino prit ses mains dans les siennes. Ils restèrent ainsi sans bouger ni se parler. Esméralda pleurait doucement. Elle eut soudain des frissons, puis la nausée. Elle avait beaucoup trop bu et un tour aux toilettes s'imposait. C'était urgent. Elle descendit de son tabouret de bar en s’accrochant au bras d'Andrès.

— Je reviens, l'informa-t-elle. Je ne me sens pas très bien.

Comme marchant sur le pont d’un bateau, Esméralda traversa le bar en déséquilibre. Plusieurs clients remarquèrent qu'elle était saoule. Une tablée de jeunes garçons, éméchés eux aussi, l’apostrophèrent.

— Oh là, elle tangue drôlement la pt'ite dame ! s'écria l'un d'entre eux.

— Elle va nous tomber dans les bras ! s'esclaffa un autre en tendant les mains vers Esméralda. Hé les gars, mes genoux sont prêts à l'accueillir !

Esméralda se rapprocha de celui-là.

— Monsieur Cohen ! l'interrogea-t-elle dans son délire. Êtes-vous monsieur Cohen !

— Hé, m'dame ! J'crois bien que vous avez trop picolé ! répliqua-t-il en riant. Y’a pas plus de Cohen ici que de beurre en branche !

Tous les garçons étaient hilares.

Indifférente aux moqueries, Esméralda fit un quart de tour et continua vers les toilettes. Elle s'enferma dans un WC souillé à l'odeur de pisse et d'excréments. La puanteur lui soulevait le cœur. Elle se cambra au-dessus de la cuvette, les jambes légèrement fléchies et les doigts au fond de la gorge et vomit ses tripes. Il lui semblait qu'elle allait mieux, mais deux rots caverneux précédèrent un long chapelet de glaires.

Tremblante mais soulagée, Esméralda retourna s’asseoir au bar. Andrès sirotait son Whisky, tourné vers le comptoir. En le regardant, une pensée traversa l'esprit d'Esméralda : « Pour être aussi gentil et patient avec moi, il doit avoir une idée derrière la tête. Il envisage sans doute de me ramener dans son lit. Pfft... Qu'importe... ça m'est bien égal qu'il veuille coucher avec moi. Il est là, il m’écoute et il est super gentil. C'est ce qui compte... »

— Andrès !

— Oui, belle Esméralda.

— Merci d'être là...

Andrès échangea un sourire avec Esméralda qui repoussa son verre et demanda de l'eau fraîche au serveur. Elle réclama un deuxième verre d'eau puis se reconnecta à Andrès.

— Je m’étais arrêtée où ?

— Vous me disiez être perdue, ne plus pouvoir continuer.

— Oui, c'est vrai...

Esméralda se livra encore à Andrès qui l'écoutait sans l'interrompre. À quatre heures du matin, le petit troquet devait baisser le rideau. Les clients furent gentiment priés de sortir. Sur le trottoir, Andrès Pasolino tenta de convaincre Esméralda de finir leur conversation chez lui autour d'un bon chocolat chaud. Elle refusa l'invitation, soupçonnant malgré son cerveau imbibé d'alcool et ses difficultés à raisonner, qu'Andrès, profiterait de sa faiblesse pour la charmer. Malgré l'opposition, Andrès expliqua qu'il aimerait beaucoup garder le contact avec elle et insista pour avoir son numéro de téléphone. Il argumenta qu'il voulait prendre de ses nouvelles et qu'il la trouvait très sympathique, mais elle refusa une nouvelle fois. Andrès était tenace. Il proposa de la raccompagner chez elle, de marcher dans les rues tout en discutant et d'attendre l'ouverture des cafés à sept heures sonnantes. Esméralda déclina toutes les propositions. Elle remercia Andrès pour le moment passé ensemble, puis elle commanda un taxi et le quitta avec une poignée de main chaleureuse.

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