Chapitre 14

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Quatorzième Chapitre

De retour dans son appartement, Esméralda retira sa veste et ses bottines, fila directement dans sa chambre et s’écroula sur son lit. La tête tournant comme un carrousel, elle plongea dans le sommeil.

À sept heures trente, Esméralda se réveilla avec un défilé militaire dans le crâne et le cœur au bord des lèvres. Impossible de se rendormir. Les cheveux défaits, elle se leva pour prendre une aspirine. Depuis la veille, elle n'avait pas changé d'avis. Elle projetait toujours de raccourcir ses jours et ce serait pour aujourd'hui. Enfin, pas dans l'immédiat. Car alors qu'elle traversait les pièces en désordre, insidieuse, la petite voix de Gabrielle la maniaque, la persuada de ranger l’appartement avant de tirer sa révérence. Depuis la veille, Esméralda n'avait pas changé d'avis. Elle projetait encore d'en finir avec la vie. Ce serait pour aujourd'hui, mais pas dans l'immédiat. Il y avait d'abord du ménage. Esméralda-Gabrielle ne pouvait décemment pas se supprimer avec une maison sale et en désordre.

Dans la peau de Gabrielle, elle récupéra le sac poubelle dans la cuisine et ramassa tout ce qu’elle avait déchiré, cassé et abîmé dans sa folie destructrice. À deux mains indifférentes, elle jeta les photos et les lettres dans le sac, quand une photo de mariage capta son attention. Entre le pouce et l'index tremblotants, Esméralda tenait l'un des plus beaux jours de sa vie. Les yeux sur Christian, incroyablement beau dans son habit de cérémonie, elle se rappela ce moment magnifique et heureux. Elle était tellement amoureuse, tellement pleine d’espoir.

Les cils perlés de graines de pluie, Esméralda colla l'instantané sur son visage, et pleura à nouveau sur sa vie gâchée et sur ses illusions perdues.

En larmes, Esméralda s’allongea sur le carrelage glacé.

— Dieu… délira-t-elle. Viens-moi en aide… Délivre-moi de ce mal… Aide-moi à partir.

On frappa à la porte. Esméralda sursauta mais resta sur le sol. Une minute plus tard, il y eu encore de petits coups. Étonnée qu'on toque chez elle aux premières lueurs du jour, Esméralda continua de ne pas répondre.

— Esmée… Esmée…

C’était une voix d’homme. Une voix inconnue qui l'appelait par son petit nom. Elle paniqua, se demanda qui cela pouvait être.

— Esmée… Esmée…

Elle se releva doucement et, chancelante, elle alla regarder dans l'œilleton de la porte. L'homme qu'elle voyait lui était étranger. Interrogative et pas très rassurée, elle garda le silence. De l'autre côté, voyant disparaître la lumière du judas, l'homme comprit qu'on l'observait.

— Esmée… Esmée, souffla-t-il à travers la porte.

— Qui êtes-vous !

— C’est moi Esméralda… Andrès Pasolino…

— Je ne vous connais pas !

— Mais si voyons. Nous avons passé une partie de la nuit à discuter ensemble au bar " Les Minimas ".

— Je ne vous connais pas, partez ! Laissez-moi tranquille !

D’une voix posée, Andrès redonnait des éléments de souvenirs à Esméralda qui, à mesure qu’il les révélait, recouvrait la mémoire.

— Comment avez-vous su que j'habitais ici ! interrogea-t-elle. Je ne me rappelle pas vous avoir donné mon adresse.

— Les voies de Dieu sont impénétrables, ironisa-t-il.

— Quoi !

— En réalité, internet m'a permis d'avoir les coordonnées de votre mari, Christian Duranton.

Au milieu des nuées d'alcool, Esméralda se souvint de manière confuse, avoir parlé de choses intimes avec Andrès. Un peu dessaoulée, elle en avait honte.

— Partez ! ordonna-t-elle. Partez et laissez-moi !

— Avant de partir, j'ai quelque chose d’important à vous dire. Laissez-moi entrer, s'il vous plaît.

— Non ! Je n’ai pas le temps de vous écouter, et puis… Et puis, je vous en ai déjà trop dit ! Je n'aurais pas dû ! Oubliez-moi ! Oubliez tout ce que j'ai raconté ! Partez et laissez-moi tranquille !

— Esméralda, je sais ce que vous avez en tête… Je sais ce que vous avez décidé d'en finir aujourd'hui. Alors, permettez-moi au moins de vous parler quelques minutes…

— Partez, je vous ai dit ! s’énerva-t-elle. Partez !

— Non ! Je resterai tant que vous ne m’aurez pas écouté. Je suis quelqu'un de buté et s'il le faut, je crierai dans la cage d'escalier pour que vous m'entendiez. Voulez-vous que je crie, Esmée ?

— À ça non alors !

— Esméralda ! avait dit Andrès d'une voix forte.

De peur que les voisins n'entendent et ne rappliquent devant sa porte, Esméralda interrompit Andrès.

— Ok, c’est bon ! Je vais écouter ce que vous voulez me dire, mais dépêchez-vous !

Andrès baissa le ton.

— M’entendez-vous suffisamment si je parle comme ça ?

— Oui, je vous entends, soupira Esméralda.

— Rapprochez-vous de la porte s’il-vous plaît. J'ai besoin d'être sûr que vous m'entendrez parfaitement.

— Ok, souffla-t-elle. Voilà, je ne peux pas être plus près.

— Merci.

— Pas de quoi… grogna Esméralda.

— Avant de passer à l'acte, je voulais vous dire qu'hier soir, moi aussi j'avais projeté de me supprimer. Moi aussi, je me disais que la vie n’avait plus rien à m’apporter. Quand vous m’avez vu au bar, j’étais un homme désespéré, ruiné. Un homme qui ne croyait plus en rien… Un homme fini. J'avais perdu Foi en la vie et Foi en ce Dieu créateur de toutes choses auquel j'avais cru autrefois et que j'avais abandonné. Et puis Esméralda, vous êtes arrivée. Vous vous êtes assise à côté et moi et vous avez partagé vos souffrances. Au début, je dois bien l'avouer, je pensais qu'il serait agréable de passer une dernière nuit d'amour avec une femme telle que vous. Puis, vous m’avez fait confiance. Vous m'avez offert vos peurs et vos détresses. C'est alors que mes pensées ont changé. Oui, en vous écoutant, j’ai compris que votre désespoir était bien plus grand que le mien et je me suis senti terriblement honteux. Honteux d’avoir voulu lâcher la vie. Honteux face à votre grande détresse. Et sans que vous le sachiez, alors que vous me partagiez votre calvaire, je songeais en moi-même "Pardon mon Dieu. Pardon d’avoir voulu vivre loin de toi et d’avoir voulu vivre à ma manière. Je m’aperçois aujourd’hui, que si j’étais resté accroché à toi, j’aurais pu saisir les mains de cette femme et faire quelque chose de plus concret pour elle que de l'écouter. J'aurais pu prier pour elle, pour sa vie, pour que son chagrin s’efface, pour qu’elle soit consolée et qu'elle trouve la paix véritable". Voir que j'étais totalement démuni et incapable de vous venir en aide, m'a en quelque sorte, réveillé. En vous quittant, alors que j’avais résolu de me jeter sous une voiture, je suis rentré chez moi et j’ai fléchi le genou. J’ai demandé pardon à Dieu et je me suis repenti pour mon orgueil. Esméralda, grâce à vous, j’ai compris que j’avais tout perdu parce que j'avais perdu l'essentiel. Grâce à vous, je suis retourné dans les bras de mon Père. J’ai renoué avec Lui et je voulais que vous le sachiez. Je voulais vous le dire et vous remercier pour cela. De plus, maintenant que cela m'est de nouveau possible, je souhaiterais prier pour vous. Le voulez-vous ! Accepteriez-vous que je prie pour vous !

— Non, inutile ! Rien ni personne ne pourra me venir en aide ! J’ai choisi la mort, car elle est plus douce que la vie !

— Ne faites pas ça, je vous en conjure ! La vie a en réserve de belles choses pour vous ! Croyez-le !

— Fichez le camp ! Je vous ai assez écouté ! Retournez avec votre bon-dieu et laissez-moi mourir en paix !


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