Chapitre 9

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Neuvième chapitre...

Moteur tournant et phares allumés, le taxi attendait déjà Esméralda. Depuis son volant, le chauffeur la regardait arriver. À sa façon de venir jusqu'à lui, il voyait qu'elle était éméchée et pas dans son assiette.

Esméralda s'accola à la vitre descendue, côté passager. Elle entra sa tête à l’intérieur du véhicule et indiqua au chauffeur de l'emmener au centre-ville. L'homme dans l'ombre acquiesça, puis l’invita à s’asseoir à l’arrière du véhicule. C'était une belle berline gris anthracite qui sentait le neuf. Esméralda caressa les sièges en cuir tièdes à la texture veloutée, pendant que le chauffeur remettait son compteur à zéro.

— Tic... Tic... Tic... faisait l’appareil d’un petit bruit discret.

À peine la voiture avait-elle fait quelques mètres, que les secondes se comptabilisaient déjà en centimes d’euros. Le chauffeur ne disait pas un mot. Il roulait à vitesse raisonnable dans les rues calmes et endormies. Ce silence insupportait Esméralda. Elle le rompit en engageant la conversation :

— À tout hasard, votre nom ne serait pas Cohen ?

— Vous dites ? s'étonna le chauffeur, un œil dans son rétroviseur intérieur. Co... ? Quoi ?

— Je cherche monsieur Cohen. Votre nom ne serait pas Cohen ?

— Ah non ! Pas du tout ! s’esclaffa l’homme. Elle est bien bonne celle-là ! Moi, mon nom c’est Bourguonon. Philibert Bourguonon, si ça peut vous renseigner.

— Oh... pas d'importance, marmonna Esméralda. Et sinon, vous n'auriez pas une musique de Léonard Cohen dans votre voiture ?

— Ah non ! Désolé de vous décevoir une deuxième fois, mais ce chanteur n'est pas dans mon stock de CD.

Déçue, Esméralda soupira.

— Dommage... dit-elle. J'aurais bien aimé...

— Dites-donc, vous avez l'air de drôlement l'apprécier ce monsieur Cohen. Je me trompe ?

Le chauffeur de taxi employait un ton moqueur pour s'adresser à Esméralda. De plus, elle jugea sa remarque déplacée. Vexée, elle s’enfonça dans son siège avec une moue boudeuse.

Dance me to the wedding now, dance me on and on, fredonna-t-elle. Dance me very tenderly and dance me very long...

Six kilomètres et demi plus tard, la voiture était arrivée à l'adresse convenue. Le chauffeur annonça quinze euros à Esméralda qui régla la course, le remercia puis s'éloigna.

— Madame ! Votre écharpe ! l'interpella le chauffeur par la vitre côté passager.

Esméralda revint sur ses pas.

— Et encore désolé de ne pas m’appeler Cohen, dit Philibert Bourguonon en lui rendant son foulard. Je vois bien que ça vous aurait fait plaisir.

— Ne vous inquiétez pas. S'il est dans le coin, je le retrouverai.

L'homme eut un sourire mi-ironique et mi-compatissant.

— Allez, bonne continuation dans vos recherches madame ! lui lança-t-il avant de filer dans la nuit.

Un peu saoule et désœuvrée, Esméralda marchait comme un mannequin perché sur d'improbables talons. Dans les rues piétonnes de la vieille ville, ses talons claquaient sur les pavés de pierre. Déambulant au hasard, elle jetait un œil hagard sur les boutiques aux devantures éclairées quand sa silhouette se refléta dans une vitrine. Une pensée la traversa. Elle se revoyait dans ce tailleur ultra-court et très sexy que son mari adorait. Elle revoyait Christian, tandis qu'elle lui faisait un numéro de charme. Elle le revoyait les mains dans les poches de son pantalon de toile, la regardant avec son air canaille, son habituel sourire en coin, sa tête penchée sur le côté et ses yeux amoureux. Cette image la ramena aux jours complices, où bras dessus bras dessous tous les deux déambulaient en centre-ville et faisaient les boutiques.

Mélancolique et chancelante, Esméralda avançait dans la pénombre. La nostalgie fit bientôt place à la colère. Elle revit le moment où Christian lui avait froidement annoncé son départ.

« Tu n’es qu’un traître et un menteur ! s'énerva-t-elle dans sa tête. Tu as renié ta parole ! Tu m'avais juré fidélité ! Mmm…Lorsqu'on s'est promis de s'aimer pour le meilleur et pour le pire, tu n'avais pas pensé qu’un jour tu aurais cinquante ans et, qu'avec l’échéance de ta déchéance, tu renierais tes belles promesses. Christian le lâche ! Christian le trouillard qui a eu peur d'affronter la vieillesse et a préféré prendre la tangente ! Un demi-tour sans scrupule pour une deuxième vie, une deuxième femme, une deuxième jeunesse. Facile pour toi ! Aucune question d'ordre moral ! Ton bien-être avant tout ! Tu es tellement décevant Christian ! Tellement ! »

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