Coup de poignard

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- "Nous devrions ordonner au sorcier de faire quelque chose." Fit remarquer Oniress en observant la bête rouge à la longue vue. "Il doit avoir un moyen de tuer ce dégénéré d'un coup non ?"
L'affaire devenait pressante. Onmal et Oniress avaient espéré diminuer suffisamment le moral des bêtes pour pouvoir briser la cohésion de la horde par leur seule résistance, mais non seulement les bêtes continuaient de combattre avec la même ardeur malgré des combats extrêmement longs, mais en plus les hardes gagnaient du terrain, et se rapprochaient dangereusement de la colline.
- "J'envoie de suite un licteur pour lui commander d'agir." Déclara Onmal.
Il appela un licteur et l'envoya porter le message à Anal Shapnyr. Celui ci hocha la tête sans rien dire.
- "Éloignez vous." Glissa-t-il simplement à l'adresse du licteur, lequel ne se le fit pas dire deux fois.
Anal leva lentement les bras tout en gardant son regard fixé sur sa cible: la bête rouge.
Une vague traversa l'air, puis avec une brutalité qui faisait mal aux yeux, ont pût voir la réalité se déchirer comme un voile, laissant apparaître un portail obscur vers d'insondables abîmes. Un flot de substances étheriques aux couleurs changeantes se déversa comme de l'eau et vint couler droit sur le sorcier lui même. À son contact, la substance mutait et prenait la forme de volutes de fumée luminescente qui entourèrent son être comme un halo malsain. Une puanteur impie se répandit jusqu'au carrosse, en même temps que des bruits indéfinissables, comme des murmures du néant.
Puis une onde partit du corps du sorcier, comme une perturbation dans le voile de la réalité, traversa l'air en le faisant ondoyer comme un étang, et frappa les bêtes, se collant à leur peau comme un venin poisseux, s'infiltrant dans leurs chairs et liquéfiant leurs os. Toutes les bêtes qui se tenaient autour de la créature rouge périrent en hurlant dans d'atroces souffrances. Le sorcier en tua près d'une centaine en un seul coup. Mais la créature rouge demeura, insensible à cette sorcellerie qui coula sur elle sans rien lui faire. Entouré des cadavres des siens, le dégénéré fut forcé de se replier dans ses rangs, laissant là son char dont les bêtes étaient mortes instantanément. Le sorcier secoua la tête.
- "Cette créature est insensible à la magie. Je ne me l'explique pas."
Pourtant, il avait l'air tout sauf surpris.

Un licteur vint en courant vers le carrosse. Ses confrères le laissèrent passer, et il frappa à la portière.
- "Monsieur le consul. Vous m'avez envoyé surveiller un homme à l'arrière, mais je dois vous prévenir que l'arrière a été attaqué par surprise."
Onmal n'en crut pas ses oreilles. Pourtant, les dires du licteur se virent bientôt prouvés par le son caractéristique d'un cor primitif. Le premier réflexe du consul fut de revérifier la ligne de bataille. Malgré l'avance regagnée avec le sort du sorcier, les soldats avaient perdu du terrain. S'ils étaient pris en tenaille, ils étaient faits comme des rats.
Des bêtes sans cornes apparurent à gauche de la colline. C'étaient des être plus petits, plus ressemblants à des humains, mais très visiblement des bêtes. Onmal n'en avait jamais vu, mais lorsqu'il constata qu'ils brandissaient des arcs et commençaient à tirer, il comprit qu'il avait fait la grossière erreur de ne pas tenir compte de l'information quand le chasseur rescapé de l'embuscade avait dit que cette horde possédait des éclaireurs.
Cette attaque surprise survenait précisément au pire moment. Les soldats étaient éreintés, avaient perdu le soutien surnaturel du prêtre, et commençaient à se demander où était passée la cavalerie qui était avec eux à leur départ de Vinrek.
Les licteurs formèrent un carré compact autour du carrosse. Onmal et Oniress dégainèrent épées et pistolets, tandis que le sorcier courait se réfugier vers eux. Onmal maudit son manque de précaution. Il n'avait laissé presque personne protéger ses arrières. Il était presque impensable que les bêtes utilisent une stratégie de cette sorte.
Il parvint tout de même à faire parvenir un dernier ordre à ses canons avant que les éclaireurs ennemis ne gagnent la colline. Les servants devaient fuir, et orienter leurs canons vers la mêlée. Si la bête rouge se montrait, ils devaient lui tirer dessus sans plus réfléchir.
Les servants trainèrent leurs canons tant bien que mal tout en tirant des coups de pistolet sur la meute assoiffée de sang qui leur courait après. Les bêtes fondirent sur un premier canon et tuèrent tous les servants. Les deux autres canons parvinrent à leur échapper de justesse.
Pendant ce temps, la ligne de bataille se désagrégeait petit à petit. Sur le flanc gauche les arbalétriers avaient recommencé à tirer, couverts par les mercenaires. Les bêtes avaient simplement décidé de négliger les pertes que cela leur infligeait et de ne prêter aucune attention à ce flanc. Toute l'attention de la bête rouge se portait sur le centre, où les vétérans en armure lourde menaient désormais un combat désespéré. Épuisés par leurs lourdes cuirasses et la longueur du combat, ils tombaient comme des mouches, devenus incapables de se défendre.
Un deuxième canon fut rattrapé dans sa fuite par les éclaireurs sauvages. Les servants abandonnèrent la pièce d'artillerie derrière eux et les bêtes frénétiques se jetèrent dessus pour la réduire en miettes. Le dernier canon parvint alors à trouver un point stable où se placer. Les servants l'orientèrent vers le centre de la ligne de bataille qui achevait de se désagréger. Le monstre rubicond traversa les lignes humaines, se révélant dans toute sa splendeur, puis il s'arrêta pour haranguer ses troupes. Sa silhouette bien voyante fournissait une cible presque trop facile pour les artilleurs qui prirent néanmoins bien soin de viser juste, conscients qu'ils n'auraient sûrement droit qu'à un seul tir.
On ajusta le canon. On mît la poudre. On le chargea. On alluma la mèche. Et alors, dans un bruit assourdissant, le métal céda et le canon explosa dans une gerbe de flammes. Le boulet tomba aux pieds des servants qui se roulaient au sol, certains ayant vu leurs vêtements prendre feu.
La bête rouge poussa un cri de victoire impérieux et avança impunément, ses troupes lui emboîtant furieusement le pas. Tous les hommes d'armes étaient morts, et les lanciers réduits à quelques carrés qui résistaient encore et toujours sans véritable espoir. La horde décida de les négliger, et sur les ordres de la bête rouge, les bêtes se lancèrent toutes dans l'ascension des collines, harcelés de flanc et dans le dos par les arbalétriers humains.

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