Retour à la réalité, et confidences

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Il y a des journées pourries , mais alors vraiment pourries. Ma voiture qui me sortait : "Bonjour faudrait faire un contrôle et changer la courroie de distribution s’il te plaît, ps : mes pneus sont foutus.". Au boulot tout le monde me tombait dessus pour plein de projets qui devaient être finis pour il y a deux semaines, alors que personne n’avait encore rien fait. Et cerise sur le gâteau, mon ordinateur ne démarrait plus. Avec comme bonus une superbe odeur de composant électronique fondu.

Vraiment, j’ai beau être dans la catégorie zen et calme, là, j’avais juste envie de tout casser, et Camille arrivait dans 2 heures. Je suis allé courir une heure, avec comme musique de la poésie à base death métal, mais ça n’a pas vraiment changé grand-chose.

À son arrivée, j’espérais que la voir me calmerait, mais là non plus. À cet instant, psychologiquement parlant, je voulais juste l’utiliser, comme si le mode enfoiré s'était activé. Et je l’ai fait. L’inspection était devenue absurde. Punition car elle n’avait pas mis le sucre directement dans la tasse de café, ce qu’elle ne faisait jamais. Punition car j’avais trouvé un poil imaginaire…Je l’ai fessée à rendre sa peau rouge. Avec comme règle bien absurde : "Tant que tu fais du bruit je continue".

Je l’ai punie encore et encore, pour finir par la mettre à genou contre un mur et qu’elle me fasse une gorge profonde, la tête bloquée contre le mur.

BOUM SAFE WORD.

Quel connard, me direz-vous, et vous avez raison. À ce moment elle est partie dans la salle de bain et je suis resté là sans bouger comme un con en mode ‘Qu'est-ce que je viens de faire’. C’est un de mes plus gros malaises aussi loin que je me souvienne. Cette sensation d’avoir été le parfait connard l’espace d’un instant. Même aujourd’hui j’ai du mal à savoir ce qui m’a fait faire ça, oui j’étais énervé, mais il y a un neurone qui a dû se déconnecter. Ce retour à la réalité m’a frappé comme un coup de poing dans le ventre avec un combo coup poing rotatif pleine tronche. Fatality !

Et elle était ressortie de la salle de bain trente minutes plus tard, habillée, un sourire aux lèvres en voyant ma tête totalement effarée. Elle s’était approchée, m’avait fait une bise avant de dire : "C’est pour ça que j’ai confiance en toi pour être dominant, tu as conscience de ce que tu as fait".

Elle a passé une heure à me dire que ça allait bien pour elle, alors que moi pas du tout. Un instant, elle pensait que je m’étais entraîné à me donner un air sérieux et énervé. Avec toute sa psychologie elle m’avait dit, ‘La prochaine fois que t’es énervé contente-toi d’une levrette sauvage’ avant de rire.

Je lui avais demandé pourquoi elle n’a pas dit le safe word avant, elle était curieuse de voir jusqu’où j’irais et qu’elle essayait de se sentir totalement soumise. La gorge profonde lui avait donnée l’impression d’être acculée, la tête bloquée contre le mur. On avait déjà essayé, mais pas dans une situation aussi radicale.

Et on a continué à causer, pour avoir causé on a causé. Ça faisait trois, quatre mois qu’elle était ma soumise. Ce fut une sorte de point de contrôle. On a abordé beaucoup de choses plus globales qu’on n’abordait pas dans les debriefings, voire jamais avant.

Un des thèmes fut ‘Pourquoi tu ne me fais pas de cunni, dans mes souvenirs t’aimes ça non ?’ La réponse est oui, j’aime beaucoup en faire. Et en tant que dominant je m’étais dit que ça sortait du contexte de mon personnage. Encore une réflexion étrange de ma part, une de plus.

Puis on a dérivé sur le chemin glissant des fétichismes et des désirs pas vraiment assumés. Il y a toujours un côté vulnérable à parler de ça. Notre culture définit la normalité sexuelle en partie via le cinéma, la culture populaire et le porno. Fellation, cunnilingus, levrette, missionnaire on reste dans un contexte accepté. Sans même chercher on en voit, ou entend tout les jours via les médias. Même le SM avec des gros succès est devenu une expérience à essayer. Mais les gens vont beaucoup moins en parler. Ça fait un peu tache avec le féminisme moderne.

Ce qui fait que dire à Camille "oui j’aime te faire des cunnis" est un poil différent que dire "oui j’aime te faire des cunni car, j’aime ton odeur intime, la cyprine, les hormones que tu dégages. Ah et j’ai une préférence si tu ne t’es pas lavée depuis le matin ".

Là ça passe beaucoup moins socialement. Il n’est pas bien lui, il a un problème. Et c’est génial d’avoir une interlocutrice de confiance qui te répond ‘Toi, tu vas plus souvent aller en bas’. Même vers la trentaine avec une personne que je connais depuis plusieurs années intimement, il y a des choses qu’on n’osait pas trop se dire. On a peur d’être jugé.

"Oui j’aime l’odeur de tes culottes après une journée, sinon il fait beau aujourd’hui ... " Vas y pour pas juger là ! Et en plus il écoute du métal, le sauvage ! Il doit sacrifier des vierges à la pleine lune, j’en suis sur, appeler la police !

Vers quatre heures du matin, être jugé, on en avait plus rien à carrer, mais alors vraiment rien. On était aussi aidé par la bouteille de Dalmore neuve, qui etait devenue vide, sans coca je vous rassure. On n’est pas des monstres non plus.

Camille étant absolument pas féministe, elle ne suit pas le mouvement mais ça l’a marquée pendant un moment. Elle était directrice d’un pôle de finance à haut risque à trente ans, elle était mieux payée que 90 % de la population, avait son appartement... La femme moderne forte en soi. Mais dans l’intime, elle aime être possédée, être utilisée comme objet de désir. Elle m’a avoué que c’était très problématique pour elle. Toute la société lui disait : t’es une femme forte, te laisses pas avoir par le méchant mâle dominant. Mais elle voulait aussi prendre du plaisir à être prise en levrette les mains attachées dans le dos, les yeux bandés et les fesses rouges. J’adore la société pas du tout contradictoire, vous n’avez pas idée.

La soumission lui avait fait sauter ce verrou de contradiction.

On avait décidé de faire une petite pause de deux semaines, pour se voir dans un contexte hors soumission. À la reprise elle voulait inverser les rôles une fois, voir comment c’était d’être dominante.

En fait ce foutu module de communication c’est la clé de beaucoup de choses mais il n’est pas facile à maîtriser tant il y a de barrières, même dans l’intime.

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