Prologue

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J'aurai aimé me tenir en face de toi plus longtemps, aussi droit et implaccable que les murs que tu aurais pu franchir.

Kurô Whiteheart.

***

Saryn, 18 Janvier 620 de l'Ere des Géants de Terre ( trois semaines après le drame de Naoki )

 La fumée grisâtre, sortant des cheminées de brique écarlate de Saryn s'en allait mollement dans l'atmosphère rosée du matin.

Au loin, les oreilles de Raphaël entendent le son clair et bourdonnant des carillons, accrochés aux tours des templets du culte de Solaris. Ils sonnent l'heure de la prière dans tout l'Empire, et ce, de bonne heure chaque matin, aux aurores.

" Les passants vont célébrer le lever du jour. "

Le petit garçon tourne le dos aux passants sur le chemin de leur dieu, les mains dans les poches de son pantalon de toile rappiécée, sifflotant un air guilleret entre ses lèvres, un bâton de réglisse encastré dans le trou causé par la perte de l'une de ses incisives.

Le bruit de ses grolles de cuir noircies par le temps sur le pavé accompagnent son air si chantant de bon matin. Son regard d'ambre se pose sur les échoppes du marché de la place Ouest, débordantes de viande grillées dégoulinantes de sauce, sur les fruits frais et charnus cueillis à cinq heures ce matin même, dans les cultures à l'extérieur des murs d'enceinte de la cité.

L'odeur alléchante des viennoiseries de l'échoppe d'en face lui donne l'eau à la bouche. Discrètement, le petit garçon s'approche des fameuses pâtisseries à peine sorties du four, les yeux plein d'étoiles. Il se penche un peu sur l'étallage, laisse courir ses doigts crasseux le long de la devanture de la boulangerie de marché, humant le délicieux parfum de crème au beurre et de raisins sec à la canelle.

- Hep là ! Bas les pattes, gredin !

La patronne de l'échoppe l'éloigna de l'étalage d'un coup de louche en bois sur le haut de son képi.

- Ah !

Le petit garnement recula de quelques pas, se frottant la tête. Il ramassa son bâton de réglisse qui était tombé sur le sol poisseux, jurant dans son écharpe. Il le fourra dans la poche de sa veste.

- M'dame, z'êtes vache quand même ! J'men venais vous acheter un pain à la canelle !

- Mais bien sûr Raphaël ! Tu me l'aurai volé si je ne t'avais pas vu avant, je te connais, petit voillou ! Grogna la boulangère en croisant les bras sur son large poitrail.

- J'vous mens pas m'dame ! Pour sûr !

Le petit fouilla dans ses poches à trou quelques secondes avant de dénicher quelques Atalles. Il tria en quelques secondes les pièces de bronze et donna la somme correspondant au prix de ces fameux pains.

- Tenez, m'dame ! V'là les sous.

Il tendit la monnaie à la ventripotante, qui la recompta d'un coup d'oeil avant de la fourrer dans la poche avant de sa grosse bedaine.

- Allez, vas-t'en bien vite avant que les gardes ne t'attrappent.

Raphaël ne se fit pas prier, et partit bien vite de l'échoppe la viennoiserie entre les dents, évitant de peu un nouveau coup de louche sur la caboche.

Le chemin du retour jusqu'à chez lui n'était pas très long, et il fallait qu'il retrouve son frère pour lui demander de jouer à la roue avec lui avant la soupe.

Les passants autour de lui ne semblent pas le voir, et continuent leur chemin sans même baisser les yeux sur son képi à carreaux râpé. Parfois, les gens trop pressés le bousculent, ne se retournent pas, ou mieux, lui lancent un regard méprisant.

Un enfant des rues comme les autres, en somme. Un orphelin parmis des milliers dans la capitale, sans aucun doute sous les ordres d'un taulier, tout juste bon à aller creuser au fond des mines de charbon et à voler les honnêtes gens.

Raphaël termine son petit pain avec le plus grand des plaisirs, et bifurque dans une ruelle un peu à l'écart du bruit et de l'agitation du marché. Personne ne l'a vu s'engouffrer comme un petit rat entre ce paté de masures de brique fendues, débouchant sur une impasse puant la pisse et le moisi.

C'est le chemin qu'il emprunte chaque jour pour rentrer chez lui.

Les bruits étouffés de la ville furent tout à coup couverts par un froissement sous ses pieds.

Intrigué, le petit garçon soulève sa chaussure.

" Il faudait p'têtre un jour d'mander à réparer ces grolles ... " Songe-t'il en contemplant ses chaussettes rayées par les trous de ses pompes.

Sous sa semelle s'est logé un morceau de journal de ce matin.

Raphaël le décolle du bout des doigts de ses chaussures, réprimant une grimace de dégoût en voyant l'état du papier.

Il allait balancer le détritus sur un chien endormi près des ordures, mais il se stoppa dans son élan.

Une photographie attira son attention.

Bien que le petit ne sache pas lire, il n'était pas assez stupide pour ne pas reconnaître les gens sur les journaux, surtout quand le titre au dessus de la photo est aussi gros que sa main.

" Par tous les Dieux ... "

Il écarquille les yeux, puis se les frotte, croyant avoir rêvé.

" Non, j'rêve pas, Parbleu ! "

Il fourra le journal dans sa poche, et se mit à presser le pas jusqu'au fond de la ruelle, jetant un coup d'oeil derrière lui, vérifiant bien que personne ne l'avais suivi.

Il s'agenouille, et pousse un panneau de bois pourri derrière des monceaux d'ordures. Le garçon se fait tout petit pour passer dans la fissure qu'il vient de dégager derrière le bois, puis referme la cachette discrètement.

***

- Samuel !!!

Le jeune homme grogna en signe de reconnaissance.

Blake était une fois du plus adossé contre un mur de pierres sèches, contemplant à travers l'écran de fumée de sa cigarette les habitations suspendues aux murs de la grotte principale de l'Organisation.

Un des Passereaux de la Cahute était de retour.

" Raphaël. "

Le petit garçon courrait à en perdre haleine dans sa direction, agitant un torchon froissé dans ses mains. Son comprtement lui mit la puce à l'oreille, le petit garnement ne sachant pas lire...

- Qu'as-tu trouvé là ...

Le colosse se redresse et réajuste sa ceinture. Il s'étire de toute son imposante carrure, soupirant d'aise en faisant craquer son dos.

- Sam ... J'sais pas lire mais ...

L'intéressé se saisit du journal qu'il lui tend, et équarquille les yeux comme deux billes à la lecture des gros titres.

- Il faut montrer ça au Conseil.

Samuel plante là le petit garçon sans aucune autre forme de procès. Raphaël se tient piqué à sa place pendant quelques secondes, incrédule.

- Hé ! Saaaam !!! Attends moi !

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