Chapitre n°8 : La boule à neige

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La neige tombe depuis déjà quelques jours sur la maison. En une semaine, le froid et le blanc a remplacé les couleurs chaudes des feuilles mortes d’automne s’éternisant. Lucie m’en veut toujours et je lui envoie un message tous les deux jours pour prendre de ses nouvelles sans résultats. Lorsqu’on se croisait au lycée, elle ne me laissait pas le temps d’ouvrir la bouche qu’elle s’enfuyait déjà. Maintenant que les vacances de Noël sont arrivées, c’est encore bien plus compliqué de tenter une approche. C’est aussi silence radio du côté d’Eliott. Je n’ai pas essayé de le contacter et lui non plus. « J’attendrais. ». J’espère que tu t’y tiendras. En attendant, les fêtes se rapprochent et nous avons pour coutume de passer une journée ensemble dans la famille de l’autre depuis qu’on est petites Lucie et moi. Sa mère m’a envoyé une invitation à la soirée comme chaque année. Lucie n’a pas dû lui dire que nous nous sommes disputées. En tout cas, je dois lui trouver un cadeau de Noël, un qui lui rappellera notre amitié et combien on tient l’une à l’autre. C’est pour ça que je suis dans la zone marchande d’un des villages alentours, à tourner depuis des heures dans les boutiques pour trouver la perle rare. Des choses en tout genre pouvaient être trouvées dans ces petits commerces comme des babioles qui font du bruit, des figurines de chiens avec la tête qui bouge, ou encore des artisans du bois. Exactement ce qu’il me faut. Je pousse la porte de l’échoppe et une clochette se met à tinter. Au même instant, apparaît un vieux monsieur aux cheveux gris et aux grosses lunettes, la canne à la main.

« Bien le bonjour mam’zelle ! Qu’est qui vous amène dans mon échoppe ? demande-t-il dans une voix très caricatural de personne âgée.

-Je cherche un cadeau de noël, expliquais-je en souriant.

-Alors regardez si vous trouvez votre bonheur mam’zelle ! »

Il s’éloigne dans un bruit de canne et disparaît derrière une porte au fond de la salle. Je commence à parcourir des yeux quelques étagères où de magnifiques sculptures en bois trônent. Des plus petites au plus grandes, elles sont toutes d’une beauté à couper le souffle, avec un travail de précision d’orfèvre. Une des grandes étagères touche presque le plafond, et son contenu m’interpelle. En le regardant, je vois des boules à neige dont Lucie fait la collection.

« Alors mam’zelle ? On a trouvé ce qu’on cherche ?

Je ne pus m’empêcher de sursauter, comment avait-il fait pour se déplacer près de moi sans que j’entende sa canne ?

-Je… Je crois oui, bégayais-je. Elles sont toutes faites à la main ?

-Eh oui mam’zelle, même les sculptures à l’intérieur !

Mon regard se bloque sur une petite boule à neige où une scène me rappelant un évènement de ma vie se joue. Deux fillettes habillées chaudement font des anges allongés dans la neige qui leurs tombent dessus lorsque l’on retourne l’objet. Elles me font penser à Lucie et moi lorsque nous étions petites. Notre activité préférée dès que la neige tient au sol, est de s’allonger et d’agiter les bras pour former des anges dans la neige. Chaque hiver depuis quatorze ans, on se retrouve pour consteller son jardin d’ange partout où il y a de la place. Sauf cette année…

-Je vous prend celle-ci, dis-je en la prenant dans mes mains. »

***

Le soir du diner de Noël chez les parents de Lucie est arrivé. Habillée d’une simple robe vert sapin et d’un collier doré associé à mon bracelet, je sonne chez ses personnes adorables qui me considère comme leur fille tellement il me connaisse depuis longtemps. Une femme aux traits doux et aux cheveux relevés en chignon m’ouvre et me lance un grand sourire avant de m’inviter à entrer d’un geste de la main :

« Diane ! Rentre je t’en prie, je suis heureuse que tu sois là ! On ne t’a pas vu depuis un moment ! dit-elle en m’ôtant mon manteau. Nous allions justement ouvrir les cadeaux ! »

C’est vrai que je suis légèrement en retard, je tends alors les cadeaux achetés pour toute la famille ainsi que celui de Lucie vers elle qui s’empresse d’aller les déposer sous le sapin. La chaude chaleur de la cheminée embaume le salon autant que de sa couleur chaleureuse. Tout le monde semble sourire et tous me saluent lorsque j’entre dans la pièce, sauf Lucie. Je termine de dire bonjour avant de m’approcher de Lucie qui ne daigne même pas me regarder. J’espère que le cadeau lui plaira, peut-être qu’elle voudra me parler après ça. Tout le monde en joie, le père de Lucie reçut un couteau artisanal ainsi qu’un superbe t-shirt avec un renne dessus et quelques autres choses et le papier cadeau ne cessait de s’accumuler au sol. Moi-même je reçu de la part de la mère de Lucie, un petit coupon pour un spa à partager avec une personne. Mon attention se porte alors sur Lucie, à l’autre bout de la salle qui vient d’ouvrir sa boule à neige. Elle la secoue délicatement, laissant de magnifiques flocons brillants tomber sur les deux fillettes allongées dans la neige. Son regard se porte sur moi, les yeux embués, comme les miens. Elle se lève, je fais de même, elle s’avance, je me rapproche. On ne se dit rien mais elle finit par me prendre dans les bras, au bord des larmes.

« Je suis désolée, tu peux pas savoir Lucie…

-Chut. N’en parlons plus… Je ne veux plus qu’on en parle, pas maintenant… »

On a passé le reste de la soirée à rire et à se chamailler. Je savais malheureusement qu’une discussion devait s’imposer, même si ce n’était pas maintenant. Je dois profiter du calme avant la tempête.

***

Les vacances ont continué à défiler à une vitesse inimaginable. Lucie m’a pris tout mon temps, entre les séances shoppings, le cinéma, la patinoire, elle ne m’a pas laissé une seule occasion de discuter. Discuter. C’est d’ailleurs ce que j’aurais dû faire avec Eliott, mais il n’a pas cherché à me contacter, et j’avoue que moi non plus. Pour lui, il est en standby dans ma vie, normal qu’il ne s’approche pas, mais qu’est-ce qu’il me manque. Mon téléphone sonne. Lucie… Je suis contente de l’avoir retrouvé, je crois qu’elle aussi apparemment. Même si j’espèrerais voir le nom d’Eliott s’afficher.

« Allô ?

-Je te pardonne. J’ai eu le temps d’y réfléchir, j’ai vu que tu avais fait des efforts avec moi. Donc, je te pardonne ! Et avant que tu commences à faire ton truc là avec ta bouche quand tu es trop concentrée, si tu veux le voir, tu peux…

-T’es sûre ?

-Je vais pas te dire que ça m’enchante ! Mais si tu peux être heureuse j’ai pas le droit de t’en priver, comme il n’y avait rien pour lui je vois pas ce que je peux faire d’autre.

-Merci, je suis vraiment contente que tu penses ça. »

On a continué à discuter comme si de rien n’était. Je l’ai retrouvé.

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