Andrew

Une semaine s'est écoulée depuis les confidences d'Esmée. Je m'en veux énormément d'avoir tout gâché entre nous. Elle me déteste et à présent j'appréhende chacune de ses réactions. Ça ne loupe pas, sept jours que j'entends à peine la douce mélodie de sa voix. Esmée m'évite à chaque heure qui passe en fuyant au cœur de la forêt. Je ressens son mal-être, sa peine, sa colère envers moi en permanence. Si elle savait que j'aimerais être là pour la prendre dans mes bras, la réconforter, mais c'est tout bonnement impossible, notre lien s'est distendu. Pourtant, je vais devoir être plus que patient, en même temps je la comprends. Comment vouloir d'une affinité avec un Dieu usurpateur, qui a caché sa véritable identité ? Esmée l'a très bien saisi, elle sait qui je suis, le Dieu du sexe et au second rang le Dieu des ombres. Aujourd'hui tout doit s'arrêter, il est hors de question que je supporte une fois de plus son absence, j'ai besoin d'elle.

Surtout après notre dispute au sujet de Lirédus que j'ai libéré à contre cœur pour lui faire plaisir. Maintenant, nous devons retrouver au plus tôt nos ennemis en Irlande, ordre du grand et vénéré, Zeus.

La porte d'entrée claque, ma douce et belle déesse vient de revenir de sa balade. Je ne la laisserais pas m'échapper cette fois. Elle s'apprête à grimper la première marche de l'escalier, quand elle s'immobilise au contact de ma main, posée sur son délicat poignet. Je perçois sa fureur à travers ses émeraudes, elle tente de me faire lâcher prise avec son pouvoir du feu, sans chercher à me faire du mal. Cependant, je la maintiens toujours, elle persiste et après quelques secondes à rester dans cette position dos à moi et le bras tendu, elle se retourne face à moi en une splendide pirouette. Ses yeux verts ont changé de couleur, ils sont rouges tout comme doivent être les miens. Esmée croise ses bras sur sa poitrine, lâche un soupir de frustration, cligne des paupières et ma déesse redevient la jeune femme que j'ai connue. Je détaille chaque parcelle de son corps à travers sa robe bustier qui moule ses formes avant d'ancrer mon regard charbonneux au sien.

— Esmée, je suis désolé pour tous mes mensonges, avoué-je le cœur pulsant à toute vitesse.

Elle garde le silence, lève les yeux au ciel, place son index sur sa bouche pulpeuse et son pouce sous son menton. Elle réfléchit, pendant que je patiente afin d'obtenir un mot de sa part.

— Pourquoi ? prononce-t-elle en changeant de posture pour se rapprocher.

— Pour te protéger.

— Mais encore ?

— Esmée… Tu le sais et tu peux lire en moi, murmuré-je en m'avançant.

— Je veux t'entendre me le dire à voix haute !, claque sa voix angélique.

Je me passe une main dans les cheveux, la fixe intensément et lui dévoile tout ce qu'elle me fait ressentir. Ma peau qui frissonne au moindre de ses touchés, les battements de mon cœur qui s'accélère en sa présence, l'envie de la posséder entièrement en fusionnant nos deux corps. Esmée rougit à mes révélations et sourit les larmes aux yeux, ma beauté brune est émue. Je suis heureux de la voir ainsi, elle est à croquer. J'ai envie de l'embrasser là, maintenant, tout de suite, pourtant c'est elle qui me surprend. Esmée encadre de ses mains mon visage, elle m'observe et attend mon aval pour déposer ses lèvres sur les miennes. Mon sourire suffit, nos bouches et langues fusionnent en harmonie. J'en veux plus, j'éprouve le besoin de sentir son corps collé au mien. À l'aide de l'un de mes bras posé au bas de son dos, je la rapproche pour que sa poitrine touche mon torse. Nos cœurs battent la mesure à l'unisson, nous nous apprivoisons et une fois notre rythme de croisière trouvé, ce n'est que du plaisir qui s'empare de nos âmes. À tel point que nous nous envolons à quelques centimètres du sol sans que nos lèvres se séparent.

Bon sang, je n'ai jamais connu une telle sensation dans les bras d'une autre. Pourtant je sais qu'elle va rompre notre baiser, malgré le tsunami qui nous emporte dans ce moment de pur délice. Comme un abruti, je lui ai fait voir une partie de mes liaisons avec certaines Déesses dont une en particulier, Héra. Et maintenant Esmée m'échappe de seconde en seconde. Je veux la rassurer et tenter de lui transmettre mes sentiments. Je lui promets de me contrôler, d'être patient, et que je serai digne d'elle. Elle quitte mes pensées légèrement rassurée et j'en profite pour ériger une barrière mentale afin qu'elle ne s'infiltre plus dans ma tête. Nous reprenons notre souffle, les yeux dans les yeux. Je suis prêt de nouveau à lui faire perdre la tête et rien que de l'imaginer, mon membre se gorge de désir pour ma belle. Au moment où je m'y attends le moins, nous atterrissons au sol. Esmée se dégage de mon emprise, son visage à retrouver toute lucidité, elle me repousse et je me vois contraint de lâcher ma Déesse.

Bravo abruti tu ne pouvais pas te retenir !

— Désolée, prononce-t-elle d'une voix peinée.

— Désolée de quoi, Esmée ? demandé-je suspicieux.

— De ne pas être à la hauteur, murmure-t-elle en essayant de s'éclipser.

Je la retiens in-extremis par le poignet, l'amène à moi, son dos percute mon torse et je m'empresse de l'emprisonner, mes mains posées sur son ventre. Il est hors de question qu'elle s'échappe sans que je me sois justifié. Après quelques secondes de silence, je me lance.

— Esmée… Tu es à la hauteur de toutes mes espérances et tu le sais. Tu lis en moi comme je lis en toi. C'est moi qui n'ai pas été franc dès le départ, je sais que tu essayes de me faire confiance et que c'est difficile. Mais, ne doute pas de mes sentiments.

Elle se détend ce qui me rassure, pourtant l'ombre d'Héra plane dans son esprit. C'est donc ça qui la déstabilise et l'éloigne de moi.

— Ma déesse au sujet de l'épouse de Zeus, je souhaite te révéler un secret, elle ne t'arrive même pas à la cheville. Certes elle est belle et douce, mais toi ma beauté tu l'aies cent, mille, voire un million de fois plus qu'elle à mes yeux. Gaïa avait raison quand elle te parlait d'âme sœur, une fois que tu l'as rencontrée, rien n'est plus magique que le lien qui les unis. C'est exactement ce que j'éprouve. Esmée tu me rends fou, murmuré-je en déposant un baiser furtif au creux de son cou.

Elle frissonne à mon baiser et j'en suis particulièrement fier, je voudrais découvrir son corps qui m'enivre, mais ma raison me rappelle à l'ordre. Esmée a besoin de faire le vide, de réfléchir à ce que je viens de lui énoncer. Je défais mon emprise de son corps qui appelle à la luxure et sans prononcer le moindre mot supplémentaire, je me volatilise dans ma chambre pour me remettre les idées en place. Allongé, j'observe le plafond et songe à ce qu'il vient de se dérouler entre nous. Mon cœur bat la chamade, ma peau se couvre de chair de poule. Notre baiser était des plus merveilleux, gourmand et doux à la fois.

Néanmoins, je dois cesser de me rejouer cette scène. Dans quelques heures, nous devons quitter l'Angleterre et retrouver nos ennemis en Irlande. Je dois garder la tête froide pour la prochaine bataille, je ne supporterai pas de perdre Esmée avec mes pensées lubriques. De ce fait, je me redresse et prépare mon sac de voyage avant de filer à la douche. Une fois prêt, je quitte la pièce avec mon épée et mon bagage à main. Je dépose le tout dans le couloir, ma déesse apparaît dans sa tenue de combat un sourire radieux aux lèvres.

Bon sang qu'est-ce qu'elle est sexy !

Je me secoue mentalement, car ce n'est plus le moment de laisser la place au Dieu de la sexualité, celui de l'ombre doit la reprendre.

— Prête ?

— Plus que prête, allons en finir une bonne fois pour toute, s'extasie Esmée.

Je saisis ses mains, qui ne se dérobent pas à mon contact. Je fais le décompte dans ma tête et l'obscurité nous emporte loin du Kent puis de notre tout premier baiser. Esmée se blottit un peu plus contre moi et j'en suis ravi. Je me demande bien ce que l'Irlande va nous réserver et nous dévoiler.

Fin de ce chapitre.