_9, La porte

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Ne regarde pas en arrière les yeux plein de regrets, regarde plutôt en avant les yeux plein d'espoir.

J’entends sonner à ma porte, ce doit être Evan. Depuis ce matin, mon cœur n’a cessé de battre la chamade à l'idée de le revoir. A chaque fois que je me demandais s'il allait m'en vouloir de l'avoir ignoré, je m'efforcais de penser à ce que m'a dit Lidia. Arrêter de se poser des questions et foncer. Cependant, ces arrières-pensées revenaient à chaque fois, tant et si bien qu'à cet instant, j'ai peur de faire un malaise en le voyant. Mais lorsque je lui ouvre et tombe sur son doux regard, toute inquiétude s’évapore.

- Salut Emilie ! Comment tu vas ?

Je le fais entrer avant de lui répondre :

- C’est plutôt à moi de prendre de tes nouvelles. Je suis désolée d’avoir fait la morte ces derniers jours…

Je lui propose de s’assoir sur mon vieux canapé pendant que je vais chercher deux verres d’eau. Il ne commence à me raconter sa journée qu’une fois que je l’ai rejoint.

- Je ne l’avais pas prévenu de mon arrivée. J’avais peur de me dégonfler au dernier moment. Là, rien ne m’en empêchait, je pouvais y aller quand je me le sentais. En plus, j’avais l’effet de surprise. Donc, j’ai débarqué chez mon père en fin d’après-midi. Il m’a accueilli, légèrement surpris. Nous avons échangé des banalités jusqu’au repas. Il ne m’a pas parlé de mes études avant. J’imagine qu’il se doutait de quelque chose. Quand il m’a dit avoir rencontré un professeur d’aéronautique de Toulouse, et qu’il aimerait que je m’entretienne avec lui, je me suis saisi de l’occasion. Je lui ai dit non. S’en est suivi une longue discussion, où je lui ai expliqué mes véritables envies. Ca nous a fait du bien de nous parler pour de bon. Tu avais raison d’ailleurs, il s’inquiétait juste un peu trop de mon avenir et voulait s’assurer que je ne manque de rien plus tard.

- Sauf que tu as manqué d’un père…

- Un peu oui, me répond-il avec un sourire en coin. Dès qu’on pourra, on a prévu d’aller sur un site pour observer les étoiles, juste entre nous. Et mercredi prochain on mange au resto.

- C’est génial !

- Oui. Tu sais, c’est grâce à toi tout ça.

- Non, je n’irais pas jusque-là.

- Emilie, arrête de te dévaloriser comme ça. Tu es une fille extraordinaire.

Je rigole nerveusement.

- Je vais te poser une question et je veux que tu me répondes sincèrement.

- Ok.

- Tu étais sereine avant que j’arrive ou tu t’es triturée l’esprit pendant des heures ?

Devant mon silence, je le vois soupirer. Il se passe une main sur la nuque et reprend la parole d’une voix moins assurée.

- Je pensais que tu me faisais confiance Em.

- Je sais mais… j’ai peur de tout perdre à nouveau.

- Mais enfin regarde moi ! dit-il exédé en me prenant les mains, Tu penses vraiment que je te laisserai tomber ? Si c’est le cas, dis-le moi tout de suite, les yeux dans les yeux. Mais si tu as ne serait-ce qu’une once de doute, accepte de me faire confiance.

Il me le demande sur un ton de supplique qui me fait trembler de la tête aux pieds.

- C’est plus compliqué que ça…

- Non Emilie, c’est toi qui veux que ce soit compliqué. C’est sûr, si tu refuses de t’entourer, tu ne pourras rien perdre.

Enervée, je me lève.

- Ce n’est pas vrai ! Depuis des mois, je fais des tonnes d’efforts pour m’en sortir ! Je suis allée voir Maëlle pour l’aider à la librairie, je me lance des défis avec toi. Enfin, je suis allée faire du babysitting !

- Je ne dis pas le contraire Em, et ce que tu fais, c’est génial. Je ne doute pas une seconde de la difficulté de ce que tu fais. Mais tu restes accrochée au passé. Tu refuses de te dire que le monde entier n’est pas pareil. Tu fais des efforts pour reprendre une activité, pour recommencer à vivre, mais ça ne veut pas dire que tu recommences à faire confiance aux gens.

- Oui, tu as raison. Je suis désolée, je vais essayer de m’ouvrir à nouveau aux personnes, je souffle en me rassayant

- Non, ne fais pas ça s’il-te-plaît. Ne te ferme pas comme ça.

- Mais je ne me ferme pas, je te dis que je vais faire des efforts !

- Ne joue pas à la plus maligne avec moi, tu vois très bien ce que je veux dire, rouspète-t-il. Tu veux juste mettre fin à cette conversation.

- Non. Mais tu sais quoi, c’est ce que je vais faire. Je suis très contente que tu te sois réconcilié avec ton père. Au revoir Evan.

Sur ce, je me lève et ouvre la porte d’entrée.

- Tu me vires ? me demande-t-il sans comprendre. Tu ne crois pas qu'on devrait en parler un peu plus avant ?

- Notre discussion est terminée Evan.

Mon ton est cassant mais au fond de moi, je suis entrain de me briser. Je sais que je suis entrain de faire une bêtise, cependant Evan m'a vraiment blessé. J'ai énormément avancé, je me suis reconstruite, mais j'ai bien limpression que ça ne suffit jamais.

Alors qu’il passe devant moi, je sens une boule se former dans ma gorge, mais je refuse de pleurer tant que je n’ai pas fermé la porte, tant que je n’aurais pas totalement ruiné notre relation.

- J’espère sincèrement que tu vas changer d’avis, me dit-il d’une voix étranglée. En tout cas, ma porte à moi restera toujours ouverte pour toi.

Ses lèvres se posent alors sur les miennes, dans un baiser pressant. Mon ventre fait un looping et mon cœur oublie sa fonction. Les yeux fermés, je le sens essuyer délicatement de son pouce une goutte qui s’est évadé de sous mes paupières et partir. Je tente de garder encore un peu la sensation de son souffle, de ses lèvres, de sa peau contre ma peau alors que des sanglots commencent à me secouer.

J’ai envie qu’il m’embrasse à nouveau et j’ai envie de ne plus jamais le revoir. J’ai envie de l’appeler et de m’enfuir à toutes jambes. J’ai envie de sourire à la terre entière, et de pleurer toutes les larmes de mon corps. Je suis complètement perdue.

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