_8, Le babysitting

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Les nouveaux débuts sont souvent déguisés en douloureuses fins, Lao Tseu

La sœur de Lidia s’appelle Anna. Ils ont une petite maison dans la banlieue parisienne. Son mari et elle s’apprêtent à passer leur première soirée sans les enfants, ailleurs que chez eux. Si c’est pas une pression ça. Les jumeaux doivent manger à sept heures. Ils ont droit à trente minutes devant la télévision, il paraît que ça les calme, puis ils se brossent les dents et vont se coucher. L’idéal, c’est qu’à huit heures ils soient couchés.

Sur le papier, rien de plus facile. Mais en pratique… Quand Raphaël n’est pas en train de faire du streeptease sur la table basse, Ryanna -ne me demandez pas comment ses parents peuvent l’avoir appelée comme ça- s’amuse à ouvrir tous les conduits d’eau qu’elle peut. Ils s’arrachent leurs doudous, leurs cheveux, la télécommande -que j’ai fini par mettre en lieu sûr. Ils grimpent sur le canapé, les chaises, et même sur les radiateurs. Non, non, je ne plaisante pas. J’ai retrouvé la fillette en équilibre sur le radiateur, fort heureusement éteint, alors que j’empêchais son ainé de quelques minutes de crocheter la serrure du placard de produits d’entretien. Je ne savais même pas qu’il était possible de faire autant de bêtises en si peu de temps.

A l’heure du repas, j’ai cru que je pouvais enfin souffler, mais non, non, non ! Parce que les deux bambins ne sont pas capables de tenir une fourchette sans envoyer valser à trois mètres d’eux la moitié de leur assiette. Alors imaginez-moi, en panique totale, à quatre pattes sous la table pour ramasser des pates et des dés de jambon pendant que le duo monstrueux s’essaie au lanceur de couteaux.

Et puis j’ai dit stop. Je me suis assise sur ma chaise, les larmes aux yeux et chouinant que j’avais raison, que j’étais nulle, une bonne à rien… Raphaël s’est approché et a pris ma main -la même qu’avait pris Evan- dans sa petite menotte potelée. Et il m’a dit, avec sa petite bouille angélique : « Faut pas pleurer, c’est triste de pleurer. » A partir de là, ils se sont calmés et tout est allé mieux. Ils devaient avoir eu pitié.

Alors que je leur demandais d’aller se brosser les dents, j’entends sonner à la porte. Pourtant, leurs parents ne devaient rentrer que bien plus tard. Mais lorsque j’ouvre, ce n’est pas Anna mais Liadia que je trouve.

- Coucou ma sœur adorée !

- Salut. Au cas où tu aurais besoin de lunettes, je suis Emilie.

- C’est vrai. Que fais-tu là ?

- Je garde Raphaël et Ryana. Ta sœur et son mari son parti à un concert.

- A oui ! C’est vrai ! C’était aujourd’hui. J’ai toujours eu un problème avec les dates. Enfin, ils ne sont pas sympas de t’avoir collé les deux diablotins. Tu veux de l’aide ?

Sur ce, elle s’invite d’elle-même dans la maison.

En suivant les cris, elle arrive jusqu’à la salle de bain où les deux enfants se font une bataille d’eau. Nous les essuyons avant de les mettre au lit. Alors qu’ils réclament tour à tour de l’eau ou d’aller aux toilettes, elle me confesse que « Je n’ai jamais voulu avoir d’enfant, mais depuis que ma sœur en a, je suis sûr que c’est le bon choix ». Lorsque sonne neuf heures, les jumeaux dorment enfin. Nous nous asseyons sur le canapé, face à une émission de téléréalité bien abrutissante pour décompresser.

- Il paraît que tu fais la tête à Evan.

- Pourquoi ça ?

- Il m’a dit que tu ne lui parlais plus depuis ce week-end.

- Après, on n’est que mercredi soir.

Lidia fronce les sourcils.

- Tu sais, je ne plaisantais pas la dernière fois, quand je t’ai dit qu’il t’aimait bien. Il tient vraiment à toi. Il a peur de t’avoir blessée.

- La prochaine fois que tu le verras tu pourras le détromper.

- Han han. Tu ne m’auras pas comme ça. Tu sais qu’il est carrément allé voir son père aujourd’hui ?

- Vraiment ? Comment ça c’est passé ?

- Il ne rentre que demain, dans la matinée. Il l’a fait pour toi. La moindre des choses, c’est de prendre toi-même de ses nouvelles.

- Oui mais… s'il m’en veut de ne pas l’avoir contacté plus tôt…

- Mais tu n’es pas possible ! Vis un peu ! Bouge toi, ose, moque-toi des conséquences. Ca te fera du bien.

- La dernière fois que j’ai essayé, ça ne m’a pas vraiment réussie.

- Bon, écoute. Evan n’a jamais voulu me parler vraiment de ce que vous vous racontez, ce que je comprends tout à fait. Mais de ce que j’en sais, je comprends que tu aies du mal à refaire confiance à la vie. Mais tu ne penses pas qu’il y a tout pour réessayer ?

- Je ne supporterais pas d’être détruite à nouveau.

- En restant là où tu es, dans ton petit cocon, c’est sûr que rien -j’entends bien rien- ne pourrait t’arriver. Mais comme le dit Lao Tseu, les nouveaux débuts sont souvent déguisés en douloureuses fins. Sortir de sa zone de confort, c’est compliqué, mais ça promet plein de nouvelles aventures.

- Peut-être…

Alors que Lidia allait me répondre, Ryana fait irruption dans le salon :

- Tata, j’arrive pas à dormir…

- Mais oui ma petit amour de morveuse. Que veux-tu que j’y fasse : je ne vais pas te donner des somnifères non plus. Puis ta mère ne serait pas d’accord.

- N’importe quoi. Retourne dans ta chambre Ryanna, je vais te lire une histoire.

- Ah oui, c’est sûr. Les histoires c’est magique !

- Lidia ! je la réprimande d’un regard noir.

- Je ne me demande pas pourquoi ils sont sages avec toi. Tu as un de ces regards !

Alors que j’accompagne la fillette dans sa chambre, sa tante me lance innocemment :

- Je préviens Evan que tu veux le voir demain midi. Il viendra chez toi comme ça !

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