Préparation du déménagement

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Valentine avait commencé à voir le thérapeute EMDR que le client de Sébastien lui avait recommandé.

Les séances se passaient bien, il était réceptif au vécu de Valentine et lui proposa rapidement des exercices qui lui apprendraient à gérer les émotions négatives qu’elle ressentait encore en présence de sa mère.

Elle eut plus d’une fois l’occasion de les tester, même si cela ne fonctionnait pas toujours aussi bien et aussi vite qu’elle l’aurait souhaité, ces expériences lui permettaient de pouvoir travailler les émotions ressenties en thérapie.

Une après-midi, chez Françoise et son frère, elle fut confrontée à ses parents qui venaient leur rendre visite. L’appartement était petit, elle savait qu’elle serait à proximité de sa mère.

Alice courut vers sa grand-mère en souriant et en lui tendant les bras, Agnès la prit dans ses bras et lui fit quelques câlins. Françoise observa Valentine qui n’avait pas bronché ; elle trouva cela positif.

Agnès resta deux bonnes heures avec ses trois petits enfants, Valentine et Françoise préparèrent le goûter dans la cuisine.

— Eh bien, ma belle, je ne te reconnais plus, l’ancienne Valentine aurait eu un haut-le-cœur lorsqu’Agnès a pris Alice dans ses bras. Là, tu es restée zen… C’est la nouvelle thérapie ?

Valentine sourit puis répondit,

— Je crois oui, j’arrive plus à me concentrer sur Alice, elle est heureuse de voir sa grand-mère, cela m’aide pour repousser les parasites qui viennent de mes souvenirs.

Elle souffla,

— Je crois que cette thérapie me convient, j’arrive plus à accepter qu’elle ait un peu changé… Ou, à tout le moins, qu’elle n’est plus la mère assassine que j’ai connue, moi. J’arrive à l’envisager comme la grand-mère qu’elle est.

— Et ça, c’est un fameux pas, non ?

— Oui, énorme, Fran !

— C’est vrai qu’Alice accroche bien avec elle.

— Oui, j’ai eu du mal avec ça, je le travaille en thérapie, mais je l’admets, ma fille aime être avec sa grand-mère.

Valentine regarda Françoise et ajouta,

— Et je ne compte pas la priver de sa grand-mère, je ne veux pas qu’elle souffre à cause de ce que ma mère m’a fait, elle n’a pas à en pâtir. J’essaye de me construire une nouvelle image de cette femme qui a été ma mère, une image que je peux accepter, ici et maintenant. Cela me permet d’être en présence de ma mère sans être submergée par mes émotions.

Françoise lui posa la main sur l’épaule, Valentine lui avoua alors,

— Je suis parfois encore bouffée par ces émotions Fran, mais, de moins en moins ; j’arrive plus à faire face. Ça fait du bien, tu sais !

— J’imagine, ma chérie, c’est déjà énorme tout ce que tu lui laisses faire depuis ces six derniers mois !

Elles furent sorties de leur bulle par la sonnette qui annonça l’arrivée de Sébastien et Grégory qui revenaient de leur balade de repérage pour l’organisation du déménagement de la petite famille de Grégory.

Ils avaient finalisé l’achat de la maison depuis cinq mois ; le couple avait marchandé dur pour obtenir le meilleur prix pour leur portefeuille. Ils avaient ensuite accepté « l’avance sur héritage » qui leur avait permis de faire rafraichir la maison dans son ensemble, en plus des menus travaux que chacun avait pu faire pour aider le couple.

Le déménagement était prévu pour le mois suivant, il fallait donc s’organiser pour savoir qui ferait quoi durant le weekend où familles et amis seraient présents pour donner un coup de main.

Tout était prévu, des caisses aux camionnettes à louer en passant par les sandwiches prévus pour les déménageurs improvisés du jour.

La veille du weekend en question, Valentine et Françoise avaient installé tout ce qu’il fallait pour la préparation des sandwiches du lendemain ; charcuteries, fromages et salades étaient déjà dans le frigo de la nouvelle cuisine qui venait d’être installée trois jours auparavant.

— Bon, demain, j’irai chercher les baguettes, elles seront fraiches du jour. Côté boissons, on a tout ce qu’il faut aussi, je crois.

— Oui, tout est prêt, le côté enfant aussi.

— C’est sympa ce coin improvisé pour les petits, ils ne seront pas dans les pieds.

— De fait, ta mère a eu une bonne idée sur ce coup-ci.

— C’est vrai, elle a parfois de bonnes idées…

Valentine regarda Françoise et éclata de rire, un peu perplexe, mais contaminée par son rire, Françoise lui demanda,

— Hou là, je dois comprendre quelque chose là, Val ?

Se reprenant doucement, Valentine s’essuya les yeux et lui dit,

— Non, il n’y a rien à comprendre, sauf que je me rends compte que je commence à admettre que ma mère a des côté positifs… Ça m’a fait rire de faire ce constat.

En regardant son amie qu’elle tenait par les épaules, Françoise lui dit,

— Note, je préfère de loin te voir rire à l’idée de la croiser demain plutôt que de te voir tendue !

Valentine soupira doucement puis lui dit,

— Moi aussi, tu sais, j’arrive à l’envisager plutôt sereinement même… C’est tellement plus simple comme cela finalement.

Après avoir tout vérifié, les deux amies s’assirent autour d’une tisane avant de reprendre la route chacune de leur côté.

— Prête à venir aux aurores demain ?

— Oui, on fait un crochet par l’appartement pour te prendre, toi, les enfants et quelques babioles, Seb nous dépose et repart rejoindre Greg pour entamer les allers et retours. Entre-temps, Greg accueille les autres et commence à les faire charger le tout dans les véhicules.

— C’est rôdé hein !

— Oui et je crois que si ça roule bien, tout sera déménagé avant la fin de l’après-midi de samedi.

— Ce qui serait cool pour avoir toute la journée du dimanche pour arranger la maison. J’ai hâte d’être à demain Val… Tout est prêt, tout est refait, on a vraiment juste qu’à rentrer dedans. Au fait, et de votre côté, ça avance ?

Après avoir déposé sa tasse, Valentine lui répondit,

— Oui, doucement, on essaye de faire un peu baisser le prix, mais les proprios sont moins conciliants que ceux à qui vous avez acheté la vôtre.

— De fait, nous avons tablé sur les aménagements qui auraient fait encore plus diminuer le prix pour une famille sans handicap… Ça a fonctionné.

— Ouaips, mais chez nous, pas vraiment moyen de faire baisser les prix…

— Ça fait moins de possibilités de travaux pour votre chambre alors, c’est ça ?

— Effectivement, cela repousse l’aménagement du grenier, mais bon, on ira à notre rythme, l’une des pièces du rez-de-chaussée sera notre chambre pour les premières années.

Françoise se tut, fit une moue boudeuse puis mit les pieds dans le plat,

— Tu sais, tes parents sont toujours disposés à vous passer la même somme que pour nous… C’est un peu plus que le devis pour l’aménagement complet de votre belle chambre privative, non ?

Valentine soupira tristement,

— Oui, je sais, mais… En même temps, je ne sais pas… Seb me l’a redit aussi, je sais que je dois lâcher ça, tenter de passer outre, mais ça déclenche toujours une alerte en moi.

— Écoute Val, je vais te donner le dernier argument de ta mère, que personnellement, je trouve, on ne peut plus, adéquat !

Valentine eut un petit mouvement de recul puis regarda Françoise avec un petit sourire amusé tout en fronçant les sourcils,

— Quoi ? Elle aurait réussi à trouver un argument adéquat ? Je suis à la fois étonnée et amusée Fran, dit toujours, je verrai bien ce que j’en pense.

Françoise prit une bonne respiration puis lui expliqua,

— En fait, elle estime qu’en continuant à refuser cette avance, tu te maintiens dans une relation tordue.

Voyant les sourcils de son amie se froncer un peu plus sérieusement, elle lui dit,

— Attends, j’explique !

Françoise sourit de voir Valentine l’écouter attentivement en posant sa tête sur ses mains jointes tout en s’accoudant à la table.

— En fait, en refusant, tu entretiens la différence qu’elle faisait entre Greg et toi quand vous étiez petits ; tout pour lui et rien pour toi.

Un peu interloquée, Valentine lança,

— Quoi ? Elle dit que c’est moi qui entretien le bazar, c’est ça ?

— Oui et je suis d’accord avec elle Val. Tu ne le fais certainement pas volontairement, consciemment, mais ça entretient ce que vous avez vécu, je trouve.

— Mmh… Je ne sais pas Fran, moi, j’y vois uniquement la mainmise…

— Moi, j’y vois aussi la tentative de réparation qu’elle fait, que vos deux parents font ; ils ne sont pas capables de vous donner de l’amour et de la sécurité, alors ils donnent ce qu’ils ont, leur héritage.

Valentine se cala contre le dos de la chaise sur laquelle elle était assise. Elle prit le temps de réfléchir. Françoise reprit,

— Vous en avez besoin de ce fric, Val, tu vas nettement mieux face à elle depuis que tu fais ta nouvelle thérapie… Pourquoi te priver d’être bien chez toi dès le début alors que tu pourrais être bien installée tout en leur permettant de tenter de calmer un possible sentiment de culpabilité chez eux ?

Valentine regarda Françoise avec curiosité,

— Ils ont dit qu’ils se sentaient coupables ?

— Oui et non… Ta mère admet qu’elle t’a fait du mal, elle admet que c’est pour cela que tu n’es pas proche d’elle… Elle dit clairement qu’elle ne t’a pas donné d’amour et qu’elle voit bien que c’est ce qu’elle n’a pas su te donner qui te lie à Tante Annie.

— Elle en dit quoi ? Précisément.

— Elle aimerait être à la place d’Annie, mais elle sait très bien qu’elle n’y sera jamais. Elle jalouse ces moments d’intimité que vous avez.

Voyant son amie réagir négativement, elle ajouta,

— Val, arrête, elle sait très bien qu’elle n’aura jamais ces moments-là avec toi, je lui ai bien rappelé les contentieux qui vous lient !

— Et ?

— Et elle voudrait que tu l’acceptes en tant que grand-mère, elle sait qu’elle ne peut plus rien faire pour rattraper le passé, mais elle a envie d’écrire les pages du futur avec toi, Val.

Valentine ne dit rien, mais rejeta sa tête en arrière, elle sentait des larmes monter, cependant, ces dernières restèrent au bord de ses yeux. Après un long soupir, elle demanda à Françoise,

— Elle te parle souvent de ça ?

— Assez régulièrement.

Françoise sourit tout d’un coup, Valentine l’interrogea du regard,

— En fait, je crois qu’elle teste sur moi ce qu’elle peut ou pas te proposer.

— C'est-à-dire ?

— Tu sais, quand elle vient avec ses demandes abruptes, je la recadre et lui rappelle ses torts, elle réfléchit et après, les demandes qu’elle finit par te formuler me semblent plus « douces », tu vois ?

— En fait, tu es notre filtre de communication, Fran !

Lorsqu’elles croisèrent leurs regards, les deux amies éclatèrent de rire.

Après ce fou rire, elles se préparèrent pour rejoindre leurs moitiés respectives. Avant de se quitter, Valentine glissa à Françoise,

— Je vais y réfléchir, Fran… Vraiment.

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