Lucie était gentille.

Mais pénible.

Pénible à la manière de ces gens qui viennent vous entourer et vous interroger. Répétant sans cesse :

" Tu vas bien ?, tu veux quelque chose ?, tu te sens bien ?, tu es sûre ?, tu ne veux pas que je..."

- NON !

"Je ne vais pas bien, je ne veux rien, je ne me sens pas bien, oui, je suis sûre, non, je ne veux pas !

JE NE VEUX RIEN !

FOUS-MOI LA PAIX !"

Mais on ne pouvait pas se permettre cela.

Cela ne se faisait pas de répondre comme ça.

Lucie lui racontait sa vie, maintenant et elle attendait d'elle la même chose.

Alors Fanny s'inventait une vie.

Avec des parents abominables qui lui tapaient dessus, des attouchements sexuels et des nuits enfermées dans la cave.

Elle parla de ce voisin venu rendre visite à ses parents alors qu'ils étaient absents et qui l'avait violée dans sa chambre.

Bref.

Lucie était épouvantée.

Et la défendait contre le monde entier.

Franchement, elle faisait bien rire Fanny.

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" Quelle est la pire mère de la littérature ?

- Folcoche, la mère indigne. Dans Vipère au Poing, de Hervé Bazin.

- Folcoche ?

- Paule Rezeau, appelée Folcoche (contraction de "folle" et "cochon") est probablement la pire mère du monde. Elle épouse Jacques, un notable riche et respecté, par la volonté de son père, un sénateur qui tient à donner une bonne image de sa famille.

- Bla, bla, bla. Anthéa ! Qu'est-ce qu'elle fait à son gamin ?

- Elle les fouette, elle les pique avec une fourchette, elle les prive de leur oreiller...

- LA VACHE ! Une fourchette ?

- Oui.

- Il me FAUT ce livre !

- Livre.pdf...à télécharger...

- Merci, Anthéa."

On vit lire Fanny avec stupeur.

Elle semblait s'intéresser à autre chose que des zombies ou des histoires glauques...

Lucie connaissait déjà Folcoche. Elle sourit à l'engouement de son amie devant les horreurs de la terrible mère de Brasse-Bouillon.

" J'ai connu pire, lança Lucie.

- Pire ?, fit Fanny, avec curiosité.

- La mère d'Eleanor dans "Eleanor & Park" de Rainbow Rowell.

- Hooo ! Que fait-elle ?

- Rien, justement. Lis le livre !"

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Oui, le conseil avait du bon.

Fanny commença à se demander.

Etait-elle un échec ?

Ou l'échec de sa mère ?

Sa mère avait baissé complètement les bras envers sa fille dés le collège.

Etait-ce sa faute à elle ?

Ou la faute de sa mère ?

Pour la première fois...Fanny se dit que les torts étaient peut-être partagés...

Elle était un échec. Oui. Mais peut-être aussi celui de sa mère.

La psy, si gentille et si ennuyeuse, la vit s'asseoir devant elle avec un mélange de méfiance et d'espoir.

" Oui Fanny ?

- J'ai essayé de me suicider pour la première fois à l'âge de 13 ans.

- Oui, je sais, Fanny, répondit la psy, avec juste ce qu'il fallait de compassion dans la voix.

- Je me suis ouvert les veines dans la baignoire.

- Oui, Fanny.

- Et j'ai recommencé deux ans après. Savez-vous pourquoi j'ai fait cela ?"

Fanny parlait poliment. Doucement. Comme il le fallait.

On avait tellement essayé de la dresser à être respectueuse.

" Tu étais malheureuse à cause de ce qu'il se passait au collège ?

- Je voulais faire chier mes parents.

- Crois-moi. Cela a marché."

Fanny se tut, douchée.

Mais la psy enfonça le clou.

Elle n'était pas aussi dupe que ce que croyait Fanny.

Elle se pencha en avant et lui asséna durement :

" Qui t'a sauvée ?

- Ma mère.

- Bien, Fanny. C'est très bien."

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" Quelles sont les meilleures mères de la littérature ?

- Le thème de la mère ouvre des champs inépuisables pour la création littéraire. La figure maternelle est un thème central. Ainsi dans "le Livre de ma Mère" d'Albert Cohen ou dans "les Lettres quotidiennes à sa fille" de Madame de Sévigné.

- Bon. Il faut étudier le problème sous tous ses angles, fit Fanny, sentencieusement.

- Oui.

- Elle était pas si terrible que ça, ma mère.

- Non.

- Et mon père ?"

Puis, plus désespérée.

" Et mon connard de frère ?"