Patience

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Lorsqu'on vivait dans la rue, il y avait trois choses indispensables à régler.

L'eau potable était le premier souci. Toujours. On pouvait survivre quelques jours sans manger mais on ne pouvait pas tenir sans boire.

Il fallait donc connaître les points d'eau, comme les animaux dans les déserts de ces pays que jamais Fanny Guidez ne connaîtrait...

Fanny apprit à les connaître.

Le point d'eau le plus facile à atteindre était celui du cimetière. Ce fut celui-ci que Fanny fréquenta le plus.

Le froid était un souci important. Vivre dans la rue signifiait avoir toujours froid. Ce n'était pas pour rien que les SDF restaient le plus possible sur les plaques des métros... Quelques instants à se réchauffer avant de retourner dans le froid.

On pouvait mourir de froid.

Mais alors ?

Alors, on devait lutter ! Accepter sa condition signifiait mourir.

Fanny avait donc appris très tôt à lutter.

Elle hantait les accueils de jour, pour avoir accès à des douches, manger un repas chaud, se tenir informée...

Bref, ne pas sombrer.

Dormir en sécurité était le troisième point.

Fanny Guidez dormait chaque jour dans un parc urbain. Elle connaissait la ville comme sa poche. Il y avait des rondes de flics à éviter, il y avait des bandes dangereuses à telle ou telle heure, il y avait des promeneurs un peu trop curieux...

Bizarrement, tout ce petit monde était rythmé et vivait avec des horaires fixes. Comme les mecs des bureaux.

Comme son connard de frère.

Alors Fanny dormait sous un banc dans un parc. L'herbe était toujours plus moelleuse et plus chaude que le béton.

Et la nuit, elle hantait les rues et se cachait dans les renfoncements...avant d'entrer dans un bâtiment abandonné et de dormir sur le toit.

Car Fanny le savait bien. Les toits des immeubles publics étaient des endroits tranquilles, où personne n'allait venir la faire chier. C'était interdit, illégal, dangereux...

Mais au point où elle en était, qui s'en souciait ?

Enfin, Fanny Guidez allait chaque jour se payer un café dans la gare la plus proche de son lieu de repos.

Là, elle pouvait brancher son téléphone.

Ce qui surprenait tous ces gens en costume cravate et joli tailleur.

Une SDF, clairement sous-alimentée, branchant son téléphone dernier cri à une borne de recharge et patientant en buvant son café Macchiato caramel.

Un téléphone à 900 euros quand même.

A mourir de rire.

Parfois, le soir, sur son toit, enveloppée dans son sac de couchage posé sur son matelas de camping, Fanny Guidez pianotait sur son téléphone.

A la recherche d'une vie.

" Comment tu ferais toi si tu devais survivre dans la rue ?

- ....."

Fanny soupira. Anthéa ne comprenait jamais les questions posées de cette manière.

" J'ai faim ! Où je peux trouver à manger ?

- Il y a quinze restaurants à moins de dix minutes à pied...

- Non ! Lorsqu'on est dans la rue...comment manger ?

- Il est possible de demander des échantillons gratuits dans les supermarchés et beaucoup donnent le pain de la veille.

- Mais encore ?

- Il faut se rapprocher d'une organisation caritative et se rendre à une soupe populaire. La plus proche est...

- Dangereux pour moi. On risque de me reconnaître.

- Il est possible de fouiller dans les poubelles des grands restaurants. Il y a un terrible gaspillage et...

- Va pour les poubelles. Dis-moi la plus proche."

Et Anthéa donna une adresse.

Fanny Guidez se promit d'y aller le lendemain.

Sinon, elle ne survivrait pas au froid.

Car c'était la faiblesse du corps qui provoquait la faiblesse de l'esprit.

La lutte ne pouvait se faire qu'avec un ventre à peu près plein.

" Petite, tu sais ce que je voulais faire, Anthéa ?," demanda Fanny en regardant le ciel nocturne au-dessus d'elle.

Bien entendu, le téléphone ne répondit pas.

Ce n'était qu'un téléphone après tout.

" Je voulais être flic.

- Pour devenir policier municipal, il faut réussir le concours de gardien-brigadier de la police municipale (fonction territoriale). Ce concours est accessible si vous avez au moins 18 ans et si vous avez un diplôme de niveau V ou équivalent, c'est à dire un CAP, BEP ou le diplôme national du brevet.

- Ta gueule Anthéa."

Et Anthéa se tut.

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