Exode 3 à 4 ½ - Dieu appelle Moïse

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À Madian où il s’est réfugié, la vie de Moïse parait s’écouler tranquillement depuis quelques années. Au début du chapitre, il est occupé à faire paître le troupeau de Jéthro (son beau-père), sur une montagne désignée par le narrateur comme la « montagne de Dieu ». Il n’est pas précisé si Moïse a été initié ou non à la religion, ni s’il sait que cette montagne est appelée ainsi, mais il ne semble pas s’y être rendu spécifiquement à dessein.

De l’endroit où il se tient pour surveiller le troupeau, Moïse aperçoit un buisson enflammé qui ne se consume pas. Sans doute un peu interloqué par cette anomalie végétale, il se dirige vers le bosquet incandescent. Lorsque Moïse se trouve à proximité de l’étrange manifestation, « Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit : Moïse! Moïse! Et il répondit: Me voici! ».

Dieu demande en premier lieu à Moïse de se déchausser, car Il lui indique qu’il se trouve sur une terre sainte. Puis, l’Éternel se présente en précisant qu’Il est le Dieu de son père et de ses aïeuls jusqu’à Abraham. À ces mots, Moïse apeuré, se masque le visage. Il craint de regarder Dieu, qui de son côté, poursuit ses explications. Dieu dit avoir vu la souffrance du peuple hébreu et projette désormais de le faire sortir d’Égypte. Dieu souhaite en effet que les hébreux aillent prendre possession des terres qu’Il leur a promises (en éradiquant au passage les peuples qui s’y trouvent), c’est-à-dire le pays de Canaan (ou d’Israël).

Dieu détaille son plan et prévient qu’Il s’exprimera exclusivement par l’intermédiaire de Moïse, qu’Il a choisi pour être son représentant dans toute cette entreprise. Moïse devra d’abord se présenter devant les anciens de sa tribu et se faire reconnaitre par eux comme représentant de Dieu. Pour les convaincre, Moïse devra simplement les avertir qu’il a été appelé et missionné par Dieu pour les faire sortir d’Égypte. Ceci fait, Moïse devra aller rencontrer Pharaon et lui demander pour tout le peuple hébreu, la permission (poliment dans un premier temps), « de faire trois journées de marche dans le désert, pour offrir des sacrifices à l'Éternel […] ».

Dieu prévoit déjà que Pharaon n’accordera pas cette permission aux esclaves sans y être contraint. Il frappera donc l’Égypte de toutes sortes de prodiges, jusqu’à ce que Pharaon ne cède. Avant de quitter l’Égypte et afin que la victoire soit totale (et bien humiliante), les hébreux dépouilleront les égyptiens de leurs richesses avant de partir.

Moïse est un peu embêté (on sent qu’il n’est pas trop partant). Il tente d’expliquer à Dieu qu’il ne pourra pas convaincre les hébreux de la véracité de sa rencontre avec l’Éternel et de la mission qui lui est confiée, simplement en leur parlant. Dieu n’en a cure et n’en démord pas. Moïse est l’intermédiaire qu’Il s’est choisi. Pour preuve à faire valoir, Dieu lui confie une verge magique (un bâton, plus gros qu’une simple baguette), qui peut se transformer en serpent. Au cas où les hébreux douteraient encore, Dieu s’engage à faire d’autres prodiges si besoin (Il n’utilise pas le vocable « miracle »). Il faut souligner ici, que comme nous l’avons déjà vu précédemment, Dieu ne demande pas aux Hommes d’être croyants et souhaite prioritairement être reconnu comme Dieu unique. Il ne s’offusque donc aucunement de la demande de Moïse et lui permet de disposer de preuves directes pour soutenir et démontrer son propos.

Moïse (qui manquait peut-être un peu d’ambition professionnelle), tente un autre argument. Il explique que depuis tout petit, il a du mal à parler en public. « J'ai la bouche et la langue embarrassées » dit-il. La patience de Dieu a des limites et Il s’énerve un peu contre Moïse. De toute façon, Moïse n’aura qu’à répéter ses paroles et si c’est encore trop compliqué pour lui, son frère Aaron parlera à sa place. D’ailleurs, « Le voici lui-même, qui vient au-devant de toi; et, quand il te verra, il se réjouira dans son cœur. ».

N’ayant plus d’argument à faire valoir, Moïse prend congé (en plus de son bâton magique et de son troupeau), descend de la montagne et va prévenir son beau-père qu’il a trouvé un autre boulot que celui de berger. Moïse installe sa femme et ses enfants sur des ânes et ils partent ensemble en direction de l’Égypte, à la rencontre d’Aaron. Ce n’est pas dit clairement dans le texte pour le moment, mais Moïse et Séphora ont eu un deuxième fils (on apprendra qu’il se nomme Éliézer, au chapitre 18 de l’Exode).

Tandis que la famille est en chemin, Dieu précise son plan. Moïse devra aller faire des prodiges devant Pharaon et lui demander de libérer les hébreux. De son côté, Dieu endurcira le cœur de Pharaon pour qu’il refuse. Moïse pourra alors le menacer de faire mourir le premier-né de Pharaon.

Comme précédemment, le découpage des chapitres n’est pas exactement calé sur des unités de temps ou de lieu. Aussi, arrêtons-nous pour faire un point sur la situation à ce moment de la lecture

Dans le début du chapitre, nous apprenons qu’en complément du royaume des cieux, Dieu dispose d’un (ou plusieurs ?) lieu physique de villégiature sur terre. Indépendamment des lieux de cultes matérialisés par les autels élevés par ses fidèles, Dieu dispose d’une résidence secondaire située sur terre. Jusqu’à présent, la présence divine n’était pas rattachée à un lieu spécifique, puisqu’Il pouvait se manifester partout. Lorsque Dieu est sur sa montagne, est-il aussi auprès de son peuple en Égypte ? N’est-il pas partout en même temps ? Si cela est le cas, alors pourquoi particulièrement sur cette montagne ? Si cette nouvelle information lève des interrogations sur les procédés de matérialisation de Dieu sur terre, elle n’apporte malheureusement pas de questions. À défaut de renseignements complémentaires, passons sur ce point pour nous intéresser à son interlocuteur.

Nous l’avons vu, Moïse estime lui-même ne pas être la bonne personne pour assumer le rôle d’intermédiaire entre Dieu et les hommes et il tente de décliner ce rôle. Du peu que nous connaissons de son histoire personnelle, nous pouvons raisonnablement penser que Moïse ne dispose à priori pas d’une solide culture religieuse. À ce titre, peut-être ne se sent-il pas suffisamment légitime, pour convaincre les anciens du peuple hébreu. Par contre, sur la question de savoir si Moïse a connaissance d’être hébreu lui-même, puisque Dieu lui précise son ascendance en se présentant, il n’y a plus d’ambiguïté sur le sujet.

L’autre argument que Moïse invoque est lié à ce qu’il souffre de difficultés à l’oral. Il dit avoir « la bouche et la langue embarrassées ». Simple blocage psychologique à l’idée de prendre la parole en public ou véritable problème d’élocution, il est délicat de trancher. Toutefois, certains exégètes vont jusqu’à estimer que Moïse était bègue.

Ces éléments sur Moise, indiquent qu’il n’était peut-être pas le porte-parole le plus approprié pour la mission que Dieu souhaitait déléguer. Pour surmonter les faiblesses mosaïques (et pour clore le débat), Dieu annonce qu’il lui adjoindra son frère Aaron. Je ne m’étendrai pas sur le questionnement lié à la connaissance que Moïse aurait pu avoir d’un frère nommé Aaron et qui n’a encore jamais fait partie du récit jusqu’à présent. Je préciserai simplement qu’Aaron et Moïse sont bien frères de sang et qu’il ne s’agit pas d’une figure de style pour qualifier un autre homme du peuple hébreu. Toutefois, puisque Dieu avait préalablement annoncé qu’Il ne s’exprimerait que par la bouche de Moïse, nous pouvons observer que face aux réticences de Moïse, Dieu s’adapte aux circonstances, en intégrant Aaron dans son plan initial.

Sans vouloir trop dévoiler la suite du récit, je préciserais néanmoins que pour toutes les discussions qui auront lieu avec Pharaon, les rôles de Moïse et Aaron seront quasiment équivalents. Les questions sont donc, pourquoi Dieu ne corrige-t-il pas l’infirmité dont souffre Moïse ou pourquoi ne charge-t-Il pas directement Aaron de l’ensemble de la mission ? Peut-être que sur sa montagne, Dieu attendait tranquillement la venue dans le secteur, d’un hébreu de la ligné officielle Abrahamique, pour l’attirer en activant son buisson ardent et lui confier une mission. En fait, encore une fois, Dieu ne justifie ni le fait de porter son choix sur Moïse, ni celui d’adopter désormais un mode de communication nécessitant un porte-parole. En sus, en dehors des ordres divins auxquels il obéit ou qu’il transmet, Moïse n’aura plus beaucoup d’initiatives individuelles dans l’ensemble du récit, une fois qu’il a rencontré Dieu.

Concernant le plan de Dieu, je rappelle que la captivité des hébreux en Égypte était planifiée dès l’époque d’Abraham (cf. Genèse 14 et 15 - Abram est vainqueur de rois ennemis). Ainsi dans ce chapitre, Dieu se présente à Moïse et le sollicite pour aller délivrer son peuple du joug égyptien, tandis que l’on sait qu’Il a annoncé et anticipé cette situation quatre siècles auparavant. Il n’est pas raisonnable d’en déduire que Dieu soit directement responsable de la servitude du peuple hébreu, mais il en avait au moins connaissance et aurait pu l’éviter ou y mettre fin plus tôt. Ainsi qu’Il l’a fait avec d’autres, Dieu aurait pu apparaitre en songe au nouveau Pharaon pour lui demander de traiter équitablement les hébreux (ce ne sont quand même pas les moyens qui lui manquent). Nous l’avons déjà évoqué, Dieu favorise ou laisse se dérouler des situations problématiques qui auraient pu être évitées.

En Égypte, depuis l’époque de la naissance de Moïse, il est certain que la politique du Pharaon actuel n’est pas très correcte avec les hébreux. Mais c’est oublié un peu vite, que son prédécesseur, les a accueilli et leur a offert toute une région, le pays de Gosen, pour qu’ils s’installent, tandis que la famine ravageait les terres alentours. En fait, le Pharaon de l’époque de Joseph, a tout simplement sauvé les hébreux. Nous pouvons aussi préciser que le peuple égyptien, en dehors de l’élite, n’a évidemment pas la voix au chapitre pour influer sur la personnalité de Pharaon ou sur l’emploi d’esclaves. Mais Dieu ne s’embarrasse pas de ce genre de détail et plutôt que de demander gentiment, Il a déjà dans l’idée d’employer la manière forte. Les égyptiens vont souffrir (et pas qu’un peu). En réalité, Dieu va même tout faire pour que Pharaon refuse de laisser partir le peuple hébreu, pour le plaisir de pouvoir punir et dépouiller de leurs richesses, le roi d’Égypte et l’ensemble de ses sujets.

On avait déjà de sérieux indices au fil des précédentes histoires, Dieu se comporte en manipulateur. En complément, lorsque les hébreux seront sortis d’Égypte, Dieu prévoit de conquérir par les armes les territoires qu’Il convoite pour établir son peuple. En position de force, Dieu ne négocie pas.

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