Partie 7/8 : Lo rei e la decana (Le roi et la doyenne)

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Si les visages de ses compagnons étaient graves, le sien était joyeux. En ce moment même, la decana réalisait un rêve, celui de pénétrer dans le majestueux château des maîtres de Navarre et d’être présentée face à l’un d’entre-eux : au Hilh de la plus époustouflante de las Reinas de la soa tèrra mairau*.

« Miélher tard que jamei ! Mercés, Diu !» pensa-t-elle.

Elle ne fût pas déçue lorsqu’elle vit le roi, beau et à la carrure puissante. Elle s’inclina respectueusement, aussi bas que son pauvre dos lui permettait. Henri IV l’accueillit chaleureusement.

  • Adishatz, hemna d' Artès ! la salua-t-il enthousiaste. Tu viens ainsi à moi, m’apporter des nouvelles du plus célèbre chivau de mes royaumes. Je t’écoute !
  • Majestat, avec tout mon respect ! Il est tout à fait vrai que je me présente devant vous pour cette raison !

Elle s’inclina une nouvelle fois et illumina son visage d'un grand sourire sourire. Puis, elle lorgna avec tendresse le souverain.

  • E lavetz, hemna ! reprit le roi. Je t’écoute. Parla, donc !
  • C’est un honneur d’échanger avec vous, répondit sincèrement et visiblement émue la vieille dame. J’ai été envoyée par mon village pour vous quérir deu vòste chivau.

Après sa phrase, elle ne prononça plus un mot, ce qui déconcerta son interlocuteur.

  • E lavetz, hemna ! Qu’es-tu venue me rapporter ?
  • Pour commencer, Majestat, Artés est reconnaissante de la confiance que vous lui avez accordée.
  • E lavetz, hemna ! Je ne le regrette en aucune façon. Mon compagnon de bataille est des plus heureux, chez vous ! Comment se porte-il ?
  • Son galop, Sénher, a tellement ravi nos yeux ! Il était si drôle lorsqu’il s’ébrouait dans nos verts pâturages !

La physionomie du roi changea. Certainement a-t-il repéré les indices que s’efforçait, avec prudence, de distiller la vieille dame.

  • E lavetz, hemna ! Pourquoi parler au passé ? Lo men chivau ne se frotte-il plus à vos herbes fleurissantes ?
  • J’ai bien peur, lo men rei, qu’il n’en soit plus capable !

Le visage du souverain perdit sa jovialité et se durcit.

  • E lavetz, hemna ! Qu’es-tu venue me rapporter, aussi loin de ton village ?
  • L’admiration de tout Artés pour votre royale personne, Majestat !

Henri IV se leva de son trône et dévisagea sévèrement la doyenne.

  • E lavetz, hemna ! Parlas ! Et ose dire ce que tu viens faire par ici !
  • Avec tout mon respect, Magistat. J’use de toute ma douceur pour ne pas heurter votre pauvre cœur…
  • Be n'ès ua cagaira, vielhòta ! rétorqua-t-il avec colère. Je n’ai point besoin de ta sollicitude ! Parle-moi de mon cheval blanc !
  • Los dròlles l’avaitent pris en affection et il avait pris en affection los dròlles, Majestat.
  • Be n'ès ua cagaira, vielhòta ! Vas-tu dire ce que tu es venue me rapporter ?
  • Avec tristesse, j’en arrive, lo men rei. Des larmes naissent au bord de mes pauvres yeux fatigués...

Il en est de même pour le roi qui prenait la mesure de la visite de l’artésienne. Pourtant, il ne se résigna pas à croire à la dure réalité qui se présentait à lui.

  • Be n'ès ua cagaira, vielhòta ! Es-tu ici pour m’annoncer la pire nouvelle ?
  • Avec tout mon respect, je le crains, Sénher !
  • Be n'ès ua cagaira, vielhòta ! ditz-me ! ordonna-t-il. Avoue-moi pour mon cheval blanc !

« Arderós joenèr !*» pensa la vieille dame. Elle dévisagea son souverain de sa sincère compassion.

  • Avec tout mon respect, Majestat. Je ne souhaite pas vous faire plus de mal…
  • Be n'ès ua cagaira, vielhòta ! ragea ce dernier. Ose le dire ?

La doyenne s’inclina une nouvelle fois, prononçant la courbure de son dos rond et garda le silence.

  • Be n'ès ua cagaira, vielhòta ! hurla désormais le roi. Dis le moi ! Prononce donc cette phrase maudite : « lo vòste chivau blanc que s'ei mort ».
  • Avec tout mon respect, Sénher, ainsi que celle deu vilatge d’Artés, je suis venue vous annoncer … que votre cheval blanc est mort !

Elle laissa échapper une larme et reprit la parole avant que son souverain ne le fasse.

  • Et c’est également avec tout mon respect, Majestat, que je tiens à vous remercier ! Mercés lo men rei ! En prononçant le premier, la phrase maudite, vous avez brisé la malédiction que vous avez-vous-même jeté ! A moins, que vous ne tenez pas tant que cela à garder votre tête visser sur vos épaules ?

* De sa terre natale

* Fougueuse jeunesse

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