Méphitique

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Il fit un nouveau discours qui ne pût être entendu que des soldats directement autour de lui.
- "Chargez sans crainte frères et sœurs. L'impie ne pourra pas vous atteindre tant que votre âme sera pure. Oubliez les concepts de peur ou de pitié, car en ce jour notre cause est au delà de tout ce qui est physique, notre cause est transcendante ! Vous êtes les exécutants de Sa volonté, alors haïssez et chargez ! La victoire sera notre car nous sommes les justes et les vertueux, car il n'existe pas de volonté supérieure à celle que nous servons ! Le Divin lui même l'a dit dans sa lettre: «que ceux qui tuent et meurent en mon nom soient loués de leurs pairs et ne connaissent nulle crainte car je protégerai leurs âmes comme les plus exemplaires d'entre toutes.» Telles sont les paroles du Divin lui même. Alors faites donc goûter à ces esclaves de l'hérésie notre miséricorde la plus sanglante et expéditive ! Frappez sans modération et vous trouverez le chemin du royaume des cieux !"
Il montra la lettre derechef avant de la ranger dans son armure, au niveau du cœur, en disant qu'aussi longtemps que le Divin estimerait sa présence nécessaire sur cette terre, cet artéfact le protégerait. Puis il poussa un grand cri en levant très haut son épée.
- "En avant ! Le salut nous attend sur cette montagne, ainsi que la mort de tous les hérétiques !"
L'armée se mît en branle. Les pas se pressèrent d'abord sur quelques mètres, dans l'enthousiasme général, mais sous le poids des armes et des armures on dût s'adapter à un rythme plus raisonnable. Les seuls qui se donnèrent la peine de courir étaient les arbalétriers. S'élançant au devant de l'armée, ils formèrent rapidement une ligne, chargèrent leurs armes et envoyèrent salves sur salves. Le tout dans la précipitation et le doute. Les soldats en face levèrent leurs boucliers, inutilement. Les carreaux s'écrasèrent piteusement à une bonne dizaine de mètres de leurs cibles. Les arbalétriers lancèrent quelques salves, mais comprirent vite que leurs armes avaient trop souffert de la pluie. Les cordes se tendaient mal voire se brisaient, les mécanismes grinçaient. Et alors que l'ennemi restait statique, un froissement dans l'air montra que la réalité s'altérait.
Les sorciers incantaient dans une langue obscure qui faisait frémir les esprits. Puis, dans un silence affreux, ils levèrent leurs sceptres qui firent apparaître, gravés dans la trame de l'air, des glyphes immondes aux formes extraterrestres qui étaient autant de portails vers d'autres dimensions.
Les arbalétriers commençaient à se retirer, lorsque des flammèches gigantesques jaillirent du vide pour venir les frapper comme la foudre. Un feu surnaturelle s'abattit en sphères ardentes, tels des météores, et ici et là des traits lumineux venaient les faucher. Dans une cacophonie de douleur contre laquelle ils ne pouvaient rien, des corps explosèrent, des personnes brûlèrent, et le reste se débina sans demander son reste, courant se réfugier derrière les chevaliers qui avançaient avec une placidité inamovible.
- "L'ennemi croit nous effrayer avec sa magie impie, mais le pouvoir du Divin est plus grand que tout !" hurla Heinrich Kramer.
Alors que les défenseurs d'Exenschloss faisaient leur possible pour garder leur calme malgré les prodiges horrifiques dont ils avaient été témoins, les chevaliers se lancèrent à l'assaut de la pente. Un corps à corps leur éviterait de subir plus longtemps les tirs de projectiles démoniaques des sorciers. Alors que le reste de l'armée amorçait une manœuvre d'enveloppement, les guerriers en cuirasse levèrent leurs armes et se lancèrent en courant sur les derniers mètres pour donner à leur charge l'impact nécessaire à ébranler l'ennemi. Des éclairs multicolores et chatoyants transperçaient l'air avec des hurlements plaintifs et venaient parfois foudroyer un chevalier, le carbonisant à l'intérieur même de son armure. Mais finalement, le choc des cuirasses lourdes contre les grands boucliers ovales des défenseurs eut lieu. Les combattants les plus adroits de glissant derrière la pointe des vouges dirigés vers eux pour réduire la distance jusqu'à rendre l'arme d'hast inutile. Des coups d'épée et de masse résonnèrent contre des boucliers qui peinaient à supporter ce choc. Puis un crissement caractéristique annonça que le premier sang était versé par un chevalier qui fit passer sa lame au travers le gorgerin d'un adversaire.
La mêlée s'engagea sur le reste du front, alors que pleuvaient encore les météores de flammes. Les hommes tremblaient d'effroi chaque fois qu'un de ces projectiles heurtait le sol, brûlant des dizaines de soldats, mais les clercs qui venaient derrière les invectivaient et exigeaient qu'ils continuent d'avancer. Alors, avec hésitation, ils avancèrent encore.
Les mercenaires à armes lourdes se précipitèrent avec une rage sans limites. Faisant passer le fer des morgensterns par dessus les boucliers, ils perçaient les casques et broyaient les crânes d'un seul geste meurtrier. Les soldats d'en face tremblèrent devant la fureur de cet assaut et reculèrent en laissant leurs camarades tomber au sol, le crâne suintant de sang et de cervelle giclante. Les miliciens arrivaient derrière, passant leurs lances partout où c'était possible, engageant des duels de vouge prudents, jusqu'à ce qu'un lunatique jette son arme et dégaine son fauchon ou une autre arme improvisée pour sauter sur la muraille de boucliers, rebondir piteusement et être transformé en passoire sanguinolente à grand coup de lances et de vouges. La chose se répétait régulièrement, mais après tout, mourir était ce pour quoi les croisés se battaient.
Les litanies des prêtres devenaient inaudibles tant le fracas des combats monopolisait l'air avec ses bruits assourdissants. Les coups et les parades se multipliaient, et on frappait à coup de vouge les torses protégés et les boucliers des guerriers qui ripostaient à force de masse d'arme et d'épée. Dans cette mêlée où chaque homme restait concentré sur le combat, on ne remarquait pas Heinrich Kramer.

Les rangs des défenseurs étaient fermés, inamovibles. Les hommes se tenaient épaules contre épaules, frappant régulièrement pour ralentir l'avance ennemie. Lorsque les lances faisaient mouche, un homme tombait, sinon, il reculait. C'était aussi bien. Les défenseurs gagnaient du temps pendant que les sorciers sapaient le moral adverse. Leurs glyphes maudits ne cessaient plus de cracher sans discontinuer des projectiles meurtriers qui frappaient au hasard la masse infinie des croisés. Les soldats avaient presque espoir que l'ennemi s'enfuie sous la pression constante de ces tirs meurtriers, quand un grondement affreux qui semblait dépasser toutes les horreurs de ce monde parvint à leurs oreilles. Un bruit inconnu qui à lui seul fit paraître le brouhaha de la bataille comme insignifiant. Cela ne dura qu'un instant toutefois, puis un gargantuesque boulet vint depuis la colline frapper et perforer leurs rangs avec une puissance qui faisait éclater tous les boucliers, fauchant plusieurs soldats au passage en arrachant des membres net sous la force du coup. Tout ceux qui virent la chose furent un instant tétanisés. Puis une autre détonation aussi bruyante que la précédente se fit entendre. Le sire Reinhart, grand seigneur qui se tenait à l'arrière des défenseurs sur son cheval, sentit d'abord un frisson étrange, pressentiment incompréhensible. Puis le boulet frappa le flanc de sa monture, décrochant au passage la jambe armurée du chevalier. Le boulet poursuivit sa course en s'enfonçant dans le sol, mais le cheval de sire Reinhart était coupé en deux. Le cavalier s'écrasa et mourut en quelques instants sans avoir compris ce qui lui était arrivé.
Un troisième tir partit des collines vers la cavalerie des défenseurs, mais celui-ci tomba entre les chevaliers qui avaient eu la prescience de s'écarter les uns des autres, ne faisant donc aucun dégât. Le quatrième tir de bombarde en revanche, tomba droit sur la troupe en écrasant deux hommes sous un seul boulet.
Les quatre bouche à feu avaient tiré dans un tonnerre assourdissant. La fumée enfin dispersée, les servants relevèrent timidement leurs têtes plaquées au sol, cessèrent de se boucher les oreilles, et se redressèrent sur leur séant. Tout s'était merveilleusement passé. Alors ils se regardèrent un instant, rassurés, puis ils s'attelèrent à recharger. Nettoyer le canon, mettre la poudre, introduire le boulet, tasser, et rallumer la mèche. Les conditions les limitaient à un tir par heure, mais l'impact psychologique de cette arme était tel que le jeu en valait clairement la chandelle.
Bien que les quatre tirs aient fait à peine une dizaine de morts, les défenseurs cédèrent à la panique. Leurs soldats se bousculant à cause de ceux qui cherchaient à reculer en se faufilant parmi ceux qui tenaient la position. Les officiers nobles eurent beau invectiver leurs soldats, un autre événement venait de précipiter la déroute d'une part de leurs troupes. Du centre du champs de bataille, des hommes furent jetés dans les airs avec la même force que s'ils eurent été catapultés. Cette force, apparemment, avait une origine reconnaissable par l'étendard qui se trouvait à l'endroit du prodige.
L'Institoris s'était jeté dans la bataille, et de façon parfaitement absurde ses coups d'épée faisaient voler les têtes et les membres ainsi que des corps entiers. Son escorte s'assurait qu'aucun homme vivant ne pouvait prétendre l'approcher sur les côtés, tandis que devant lui les ennemis reculaient. Son armure noire suintait de sang, et il avançait lentement parmi les morceaux de cadavres. Voyant les ennemis détaler devant lui, il eut un sourire malfaisant et leva son épée en criant:
- "Tu es perdue, Schrei ! Acceptes donc ta mort !"

La cavalerie des défenseurs réagit promptement. Abaissant les visières de leurs casques et positionnant leurs lances d'arçon, ils beuglèrent à leurs hommes de dégager le centre pour renforcer les flancs. Tant pis pour ceux qui n'entendraient pas l'ordre. Les chevaliers savaient ce qu'ils faisaient, et ils le firent méthodiquement. La cavalerie s'approcha d'abord au pas, puis ce pas devint un trot au fur et à mesure qu'ils approchaient des chevaliers à pied ennemis, et ce trot devint un galop seulement sur les derniers mètres pour frapper l'ennemi avec une force effarante. Le choc contre les cuirasses des chevaliers fut terrible, les lourd destriers les heurtant le plein fouet, soulevant leurs corps pesants du sol pour les envoyer bouler au sol comme des tas de ferraille désarticulés qui dévalèrent la pente vers leurs alliés de la piétaille. Les guerriers croisés voulurent reculer pour laisser la place à leurs miliciens dont les armes d'hast pourraient stopper la cavalerie, mais leurs mouvements étaient trop lents. Ceux qui voulurent se retourner furent frappé de coups de lance, piétinés sous les sabots et écrasés jusqu'à la mort, tandis que ceux qui survivaient étaient ceux qui avaient tenu leurs positions et avaient eu la chance d'esquiver les chevaux, mais uniquement pour être mieux taillés en pièces par le second rang de cavalerie qui frappa à coup d'épée de masse et de marteau. Les chevaliers à pied furent globalement massacrés par la cavalerie, mais la résistance qu'il opposèrent lui coupa tout élan et les chevaliers d'Exenschloss furent obligés d'arrêter leurs chevaux pour les finir. Ils voulaient être sûrs d'éliminer l'Institoris et son escorte, seulement il n'était déjà plus là. Kramer et son escorte semblaient d'être volatilisés au moment de leur charge. Un chevalier eut juste le temps de s'écrier:
- "Par quelle diablerie ?!"
Avant qu'un vouge ne se plante dans son épaule pour le tirer à bas de sa monture. Les piquiers croisés avançaient en formation, chargeant avec leurs lances pointées vers les cavaliers. Derrière eux, l'étendard de l'Institoris les encourageait.

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