13 Janvier 1996

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Samedi 13 janvier 1996.

 Treize couleurs. Douze chiffres. Voilà ce que je me devais de découvrir dans les plus brefs délais. Alors, en ce matin du treize janvier, je me mis au travail, prenant même ce droit de m'absenter pour le petit-déjeuner familiale, même si je savais que cela serait vain, mais il le fallait pour découvrir au mieux l'énigme de mon aîné.

 Une bougie était posée sur mon bureau, tamisant la pièce dans une atmosphère bien plus chaude que le froid extérieur, bien que cela n'était qu'un détail secondaire en cet instant bien précis. Je déposai treize feuilles sur lesquelles j'y annoterais mes découvertes ; aucune erreur ne m'était permise, sinon, mon libre-arbitre disparaîtrait avec mon statut d'homme. Je ne deviendrais qu'un simple pion sur l'échiquier de la famille, et pour éviter ce drame, je me promis de dévorer ce livre, me dire que tout serait parfait. Je ne devais cependant pas oublier que chaque couleur avait un ordre spécial, bien qu'intéressant.

 Je parcourus les premières pages lues la veille et prit avec sérieux cette nouvelle phase de recherche.

« Bien, tout se passera bien, petit apprenti, tu n'as point à t'en faire. Mon défi m'eut été donné de la manière dont tu as recherché le mien. Je n'y croyais pas : ce défi, je pensais ne pas en être capable. Je ne me voyais pas accomplir ce genre d'épreuve, car je n'avais pas dans l'idée d'être brutal, violent. Non, loin de là, j'appréhendais tout comme toi cet instant. Toi, qui te questionnes de tout, car tous les mois... »

 Je m'arrêtai à cette phrase. Une première couleur venait de faire son apparition : le noir, il couvrait les mots « tous les mois ». Craignant la suite, j'apostillai sur ma première feuille le nom de cette même pigmentation ainsi que l'ensemble de mois, ainsi que tous ceux qui la possédaient par la suite, sans remarquer dans l'immédiat que tous ces mots s'alignaient parfaitement dans une seule et même phrase, que voici :

« Tous les mois, une couleur désignera ta mission. Comme tu peux le voir, cette phrase n'est qu'une nouvelle indication sur le procédé à réaliser. Bien à toi. Jeffrey Wenson. »

 Pourquoi ne fus-je pas surpris de sa manière de faire ? Il me menait en bateau, lui qui m'avait annoncé la veille qu'il faille que lise attentivement son parcours. Pourtant, je découvrais au final, qu'il fallait juste chercher les douze couleurs restantes pour connaître la totalité de ses revendications à concrétiser, comme pu le faire John Watson, le fidèle acolyte de ce drogué de détective qu'était Sherlock Holmes. Crois-moi que j'avais soupiré, dégoûté de cette magouille de sa part. Bras-droit pour lui : tu parles, je n'étais qu'un valet d'épreuve, rien de plus.

 Je feuilletais donc chaque page, les fouillant phrases par phrases, mais ce que je vis ne fut que des caractère bleu et noir. Où étaient donc ces couleurs si discutées ? Jeffrey allait me rendre fou, bien plus fou qu'il n'était timbré, et j'en eus déjà marre, sans pour autant le montrer sur le coup. À quoi jouait-il vraiment ? Me prenant la tête entre les mains, je me permis de sortir un grognement froid. Il allait morfler avec toutes mes questions, mais comment pourrais-je réussir si ce qu'il me disait était aussi erroné ? Je n'y voyais plus vraiment de solutions, enfin en ce moment-là.

 Car ce ne fut que trois heures plus tard, qu'une idée de pause me traversa l'esprit, et effectivement, j'en avais bien besoin. Prendre l'air me changerait les idées, je pourrais peut-être enfin me dire qu'un dénouement restait bien caché dans son récit et que je pouvais être en mesure de le trouver. Mais comment, sans pour autant y penser maladivement ?

 L'air extérieur me fit un bien fou lorsque le froid entra en contact avec les pores de ma peau. Je remarquais que la neige continuait de se fixer sur nos sols avec son blanc manteau qui atteignait la dizaine de centimètres, ce qui n'était point vraiment une première depuis des années. Et étrangement, j'aimais cela, à vrai dire, cela avait un effet reposant, relaxant pour se vouloir plus précis. Sans hésitation, je marchais dans cette neige pure, me replongeant dans ce souvenir de recherche. Cela me hantait déjà, comment trouverais-je ces réponses ? Je n'en savais rien.

 Mais il en était ainsi, car toi-même, tu ne pourrais savoir sans ce fameux bouquin. Non, tu ne saurais pas.

 La reprise de la réalité fut difficile, mes réflexions complexes malgré ce début de repos. Réellement, tout était trop dure à comprendre, à synthétiser, mais pour profiter de ce temps magnifique, je laissais faire. Mes jambes me guidèrent simplement vers le lac gelé non loin de la demeure familiale, et étonnamment, il n'y avait guère de monde, à l'exception de Clément.

  • Salutation Clément, disais-je à mon cousin. Est-ce que ça va ?
  • Euh...Salut Chris, sembla-t-il hésiter avant de se reprendre. Oui, ça allait avant de connaître l'étendue de ma mission personnelle. Je n'arriverais pas à la faire, Chris.
  • Mais de quoi as-tu peur ? En quoi concerne ta mission ?

 Intéressé de ce qu'il eut reçu, je pus remarquer qu'il semblait être très perturbé et ce fut pour moi réjouissant de savoir qu'il n'avait pas reçu un parcours en accord avec ses compétences. En effet, Clément était un garçon très créatif ; pour lui, la logique n'avait aucun sens, comme superficiel, inexistant, mais certes, il paraissait donc palpitant d'en connaître les moindres faits de ce qui lui avait été réservé, bien trop même.

  • Ce que je dois faire ? Ils sont cinglés, je dois extorquer douze familles, et de différentes manières à chaque fois !
  • Pardon ?! Tu dois extorquer des familles, mais pourquoi ?
  • Je n'en sais pas plus que toi, enfin, si, c'est pour devenir un homme, et toi qu'est-ce ?

 Je me doutais que cette question fasse son apparition, mais que pouvais-je bien lui dire ? Oh, bah, tu sais, je n'en sais rien, je dois encore le chercher... Non, ça ne passerait certainement pas, il croirait que cette histoire ne serait qu'une invention ou qu'elle servirait d'excuse pour que rien ne soit révélé. Clément m'analysait de ses yeux nuits, il sentait que je lui cherchais un certain subterfuge, toutefois, la peur de passer pour un idiot ne mettait pas mon épreuve à mon avantage.

  • Alors, Chris, que cherches-tu à me cacher ?
  • Rien Clem'! Juste que je ne connais point encore les enjeux de mon apprentissage... Jeffrey a comme qui dirait fait preuves de « sagesse » pour me compliquer la tâche.
  • Oh, tu parles de l'habitude que possèdent les grands-frères pour ennuyer leurs cadets. Dis-toi qu'il cherche juste à connaître tes limites, sans savoir que tu en es parfaitement capable. Tu peux le battre à son propre jeu, manipule-le comme lui le fait, il en deviendra l'arroseur arrosé, termina-t-il dans un rire chaud.

 Cependant, il avait raison, son conseil chantait comme une véritable vertu. Il ne m'était donc pas nécessaire de réfléchir, juste d'improviser, et ça, c'était de mon ressort. Jeffrey allait voir que son plan n'était qu'un coup de bluff pour moi, car oui, je gagnerai.

 Le cœur plus léger, je retrouvai mes quartiers, prêt à déchiffrer ce livre, même si je devais rater mon premier mois. J'allais devenir un homme, un vrai.

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