Chapitre 23 - Le Championnat de Yuei (4)

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Une simple et unique hégémonie : celle de la force. Pour ceux qui ne seraient pas d'accord, si ils ne sont pas assez puissants pour défendre leur mode de pensée, alors ils n'ont qu'à se taire et se tasser. C'est simple, brutal et idiot.

D'un autre côté, l'intelligence est tout fait imbriquée dans ce système : on n'écoute pas vraiment les gens qui n'ont pas fait d'études, ou qui ne sont pas très malins. La simplicité, ça n'est pas la rapidité, mais la capacité à aller exactement là où on veut avec le minimum d'efforts. Et ceux qui n'y parviennent pas peuvent se jeter dans la benne à ordure.

On peut en citer d'autres : la beauté, la richesse, la chance...

Mais si aucun de ces systèmes ne place l'équité en son centre, c'est tout simplement parce qu'ils demandent trop d'efforts pour en atteindre un sommet raisonnable. Voilà pourquoi Akira avait depuis toujours placé la volonté au centre de son mode de vie : une ressource inépuisable dans chaque personne qui n'attendait que l'on vienne y boire à grandes goulées.

Il s'étira sur l'arène, ne prêtant que peu d'attention aux ovations et aux commentaires de Present Mic. Non, tout ce qui lui importait, c'était Denki Kaminari. Ce dernier n'était vraisemblablement pas très affecté par le fait qu'il allait l'affronter, ce qui était soit une preuve de bravoure, soit de folie... Ou les deux à la fois.

- Tu pourrais me serrer la main avant qu'on commence, le nargua Akira en faisant craquer son cou (simple manière d'affirmer qu'il ne rigolait pas, sinon faire éclater l'azote n'était pas très bon pour les articulations).

- On va y aller mollo, hein ? répondit le blond à la mèche noire.

- Non.

La sonnerie de combat retentit, et Denki leva instictivement ses bras pour se protéger. Mais Akira continua de s'étirer. Quand les huées commencèrent à monter, Denki baissa lentement ses bras, regardant son senpai avec un air étrange.

- Qu'est-ce que...

En un instant, le visage du type électrique fut traversé par la colère, comme l'avait prévu Akira.

- Décharge universelle : 1 300 000 de volts !

Akira ouvrit un portail sous ses pieds et un autre au dessus de Denki. Il tomba sous l'effet de la gravitation à travers la flaque dorée pour retomber directement pieds sur sa tête. Comme convenu, il ne fut pas foudroyé car il n'était pas lié à la terre, donc il resta en équilibre tandis que Denki se prit la tête entre ses mains, proche de la surchage.

- Tu connais mon Alter, soupira Akira. Forcément que ça n'allait pas marcher.

Un "Oooh" d'admiration retentit quand il esquiva les mains de Denki en sautillant sur sa tête telle une grue, pour réatterrir habilement sur la pointe de ses pieds, au sol cette fois. Deux portails, et Akira ne pouvait déjà plus utiliser son Alter sans passer sa limite.

Dès lors, il coulait de source que ce dernier allait foncer sur lui pour l'attraper et lui envoyer un bon coup de jus. Ce qu'il fit, au grand dam du grand brun ; si Denki s'était focalisé à l'entraînement sur la maîtrise au corps à corps de son Alter en l'utilisant de manière moindre et focalisée, il aurait pu faire durer le combat avec des poings électriques.

Mais ce crétin s'était dit qu'il allait forcément augmenter ses points forts, sans prendre de ses points faibles. Car oui, même si Akira appréciait énormément Denki pour sa bonne humeur et son bon vivant, c'était un imbécile qui ne faisait pas d'efforts pour réfléchir... ou écouter les autres.

Akira évita la charge désespérée de Denki, qui hurla :

- Arrête de te bouger !

- Ce serait contre-productif, rétorqua Akira au tac-au-tac. Ton Alter te rend trop prévisible.

Kaminari lança un cri de rage et se jeta sur Akira, qui ne s'attendait pas à une telle hargne venant de l'adolescent. Peut-être s'était-il entraîné, final...

Il le frappa au visage. Fort.

Ouch !

Mais il continua, inlassablement. Au bout d'un moment, Akira put renverser la situation et plia ses jambes pour appuyer ses pieds sur l'estomac de son camarade de classe et le repousser violemment en arrière. Il se releva lentement pour essuyer le sang sur son menton, et cracha.

Le stade était atteint d'un silence horrifié ; une telle violence de la part d'un apprenti héros ? Alors qu'on s'était dit que c'était seulement Bakugo qui avait un tempérament explosif. Akira sourit :

- Alors comme ça, on arrête d'être un type cool et on frappe ses petits camarades ?

-...Pourquoi t'es comme ça... marmonna Denki.

- Quoi ? J'ai pas entend...

- POURQUOI ?! hurla-t-il en découvrant un visage en larmes qui choqua Akira.

* * *

Denki essuya son visage en larmes, les yeux rougis par le chagrin. Il en avait marre du championnat, marre d'être tout le temps sollicité à son maximum ; marre d'Arata et de ses sentiments contradictoires pour lui. Marre de cette tête souriante et narquoise, mais dont le regard était aussi dur que son père après son engagement dans l'armée.

Et cette histoire avec la Réponse ? Cette saleté de vilain... Responsable de la défaite d'All Might, de la dégénérescence de la société des héros, de toutes les "mesures de sécurité" et de la tension générale au point où maintenir le championnat était "vital"...

Responsable de sa sécurité...

- T'es juste qu'un putain de soldat, gronda-t-il. Tout ce que tu feras, c'est nous abandonner pour aller combattre "le mal". T'es même pas un héros ! lâcha-t-il en hurlant.

Il eut fait mouche, étrangement : Akira se figea dans son expression, ses yeux ne brillant plus du même éclat.

- Retire-ça, s'il te plaît, bredouilla son senpai, semblant avoir perdu toute son assurance. Tu ne le penses pas vraim...

- Bien sûr que si ! s'enragea Kaminari, se remémorant sa conversation avec son père :

...

- Tu auras le temps de venir me voir au championnat ? demanda Denki à son père qui buvait son thé, impassible.

- Désolé, mais je serais de service la semaine prochaine. Une autre fois, peut-être... rétorqua son paternel avec un ton placide.

- Y aura pas de prochaine fois... grommela Kaminari, ayant auparavant abandonné tout espoir de voir son père le prendre un jour au sérieux.

Pourquoi il ne le voulait pas ?

...

- Papa, papa, regarde le héros à la télé ! s'extasia le petit Denki devant l'écran plat.

- Ce ne sont que des pseudo-fonctionnaires ! cracha son père. Des gens qui profitent de l'arrivée des Alters pour faire ce qu'ils veulent, alors qu'on possède une véritable formation à l'armée ! Ils renient tout : militaires, gardiens, policiers, gendarmes, pompiers... De vrais sangsues

- Ne dis pas ça devant Denki ! lui reprocha sa mère alors que le petit garçon avait les larmes aux yeux.

Pourquoi il ne les aimait pas

...

- Denki ira à Yuei, c'est son rêve ! s'exclama sa mère un soir pendant la période de transition.

- Hmpf ! (son père posa son thé avec force sur la table, la faisant trembler) Tu crois que je ne lui laisse pas déjà assez de liberté comme ça ? À l'époque, mon père me rossait si j'écoutais la musique trop fort ou si je traînais dans la rue. Mais je pense à son avenir : il entrera dans l'armée !

- Tu es une tête de mule ! Tu penses que ce sera simple pour lui d'accepter que...

- Je ne le laisserais pas finir comme Jiki ! s'époumona son père, faisant sursauter Denki qui écoutait à l'embrasure de la porte du salon. Ce serait insulter sa mémoire si on le laissait courir dans la nature ; il sera protégé par un peloton à l'armée !

- Il aura des camarades de classe à Yuei... mais la voix de sa mère semblait soudainement lointaine, tendue.

- Tu ne comprends bien que je ne souhaites que son bonheur, lui assura son mari. Mais je ne peux pas me résoudre à voir mon deuxième et seul enfant disparaître comme ça !

Sa mère fondit en larmes, soutenu par son père. Derrière la porte, Denki se laissa glisser contre un mur, les larmes aux yeux. Les images qu'il avait tenté d'oublier ressurgirent dans sa mémoire.

Pourquoi elle n'était plus là ?

...

- Jiki ? Jikiiii !

Denki hurlait, essoufflé. Il courait de toutes ses forces dans cette usine désaffectée, voulant retrouver sa grande sœur. Elle avait une santé fragile à cause de son Alter, enfin c'est ce que lui avaient dit ses parents : "Ta soeur doit se reposer, son pouvoir est assez spécial...", et lâchaient parfois des mots inquiets comme "mutation", "extraction" ou encore "essence".

Denki ne comprenait rien la plupart du temps, mais ça ne l'empêchait d'adorer sa soeur et de prendre soin d'elle. Malgré tout, elle possédait une énergie et une joie de vivre tellement encombrante qu'ils s'enfuyaient parfois de la maison pour aller jouer dans le jardin, au parc ou encore dans cette usine désaffectée où ils faisaient des parties de cache-cache. C'était leur secret, leur jardin secret.

Mais il ne la trouvait plus.

Soudain, il entendit un bruit. "Jiki ?" appela Denki, mais personne ne lui répondit. Il n'aimait pas cette porte entrouverte sur une pièce sombre ; et si il y avait des vilains à l'intérieur ? Néanmoins, si il voulait être un jour devenir un superhéros, il devrait surmonter ses peurs ! Il s'approcha de la porte , et l'ouvrit.

Pas ça.

Sa soeur était adossée contre le mur, la moitié du corps enflée jusqu'au violet, le visage couvert de sueur et pantelante. Accroupi devant elle, un homme portant un masque d'une blancheur si pure qu'il ressemblait à une lune flottante dans l'obscurité, le masque semblant presque produire sa propre lumière. Un signe d'infini bizarrement dessiné était gravé dessus. Denki fut traversé par une interrogation légèrement teintée de colère en voyant cet homme et sa soeur dans cet état. Pourquoi ne la sauvait-il pas ?

- Oh ?

L'homme se tourna vers lui, et marcha vers le petit garçon. Denki ressentit une peur viscérale en observant cet homme qui n'était pas si grand que ça... Mais plus ce dernier s'approchait, plus il avait l'impression qu'il se trouvait en face de la personne la plus importante. Instinctivement, il ne contrôla pas ses mouvements et fit un dogeza.

- Allons, petit, pas de formalités, lui assura l'homme d'une voix amusée, comme si la vue de ce petit être prostré lui procurait un plaisir immense.

Denki se releva, et déglutit ; avait-il le droit de parler ? Comme si il avait lu dans ses pensées, il fit un signe de la main, et la langue de Denki se délia ; était-ce l'Alter de cet homme ?

- Monsieur, c'est ma soeur, dit simplement le jeune blond.

L'homme se tourna vers la jeune fille, puis vers Denki. Il se pencha vers lui, et il crût que ce vilain, et c'en était un pour sûr, regardait au creux de son âme. Et ce qu'il l'y voyait l'intéressait au plus haut point.

- Comme le destin est étrange, s'amusa le vilain. Et moi qui pensait que j'allais tomber sur une poule oeufs d'or, me voilà avec l'oie ! (Il s'accroupit devant Denki, et posa une main sur son épaule ; le petit blond frissonna) Tu veux que ta soeur soit guérie ?

Denki ne put qu'acquiescer ; qu'aurait-il pu faire d'autre ? Soudain, il sentit quelque chose d'étrange, comme un remous au creux de sa tête. Un peu comme une légère migraine.

- Je vais m'occuper de ta soeur, expliqua le vilain en s'approchant de Jiki, puis la prit dans ses bras. J'ai déjà appelé la police, et laissé quelques traces pour faire croire qu'elle a été désintégrée par un Alter débridé.

Il se tourna vers Denki, qui ne put esquisser un geste. Son corps ne lui répondait plus, et son cerveau était enfoui dans un tourbillon terrifiant d'informations.

Ses yeux brillaient d'un éclat doré.

- J'ai réécrit ta mémoire, expliqua la vilain alors que Denki tombait en arrière. Tu attendras mes ordres en temps voulu, et je garderais ta soeur en sûreté.

Avant que Denki ne sombre, il hurla le nom de Jiki, qui ne fit que résonner dans sa tête, sa bouche paralysée.

- Tu reverras ta soeur, je te le promets ; tous pourront connaître la Réponse.

...

- Tu veux revoir ta soeur ? Elle t'attend avec impatience...

Denki, dans son costume de héros, lâcha un grognement affirmatif, son téléphone collé à son oreille. Le sourire de la Réponse fut si élargi qu'il en était presque audible à l'autre bout du fil.

- Parfait. Tout ce que tu as à faire, c'est ceci...

...

Denki devait tenir sa promesse si il voulait revoir Jiki, pour que son père puisse enfin sourire en voyant son fils se donner à fond. Et pour gagner, il devait perdre. D'un geste ample, il écarta les bras, lançant un regard tranchant à Akira, qui aurait pu être son ami si Denki n'avait pas été aussi pourri depuis le début.

Il l'admirait, même. S'opposer à la Réponse, être à un pied d'égalité avec elle, c'était impensable. Irréalisable ; pendant un bref instant après la révélation de Bakugo, Denki avait imaginé tout dire à Akira pour qu'il puisse l'aider à sauver sa soeur. Même si il était possible que le vilain l'ait déjà tué depuis... Non, je garderais espoir : c'est ça être un héros.

De toute façon, Denki l'avait évité depuis des semaines, se doutant bien que son senpai en pâtirait. Il s'en voulait, mais pas à cause de la manipulation ; il ne se sentait pas mériter d'un type aussi formidable que ce gars qui était littéralement la définition de la persévérance. Denki avait perdu sa soeur, et il avait flanché ; Akira, lui, avait vu ses amis mourir sous ses yeux, et avait continué.

Denki était jaloux, voilà tout.

Mais il avait déjà récupéré ce qu'il fallait ; une petite fiole pleine de sang qui avait coulé sous ses poings meurtris. Bordel, il était super solide, le senpai !

- Je t'attends, déclara-t-il.

Akira le regarda avec un air ennuyé, supposément le côté un peu crispant de Denki qui provoquait cette réaction. Un portail apparut derrière le kohai, et un poing le frappa rapidement aux cervicales, et Denki sentit ses jambes se dérober. Si il s'était engagé, peut-être aurait-ilappris de telles techniques...

Il s'écroula sur le sol, incapale de bouger, et entendit les ovations célébrant la victoire d'Akira Arata, l'homme qui aurait pu être son héros.

* * *

Jiki regarda avec tristesse les robots-infirmiers transporter son frère vaincu. Instinctivement, elle tendit sa main vers le vieux téléviseur, mais le câble fixé dans l'arrière de son cou n'était pas assez long. Relié à une machinerie gigantesque, elle sentait son pouvoir pulser à l'unisson avec le ronronnement de l'électronique complexe.

Ses longs cheveux couleur cuivre sentaient bon la pomme, et c'était le plus. Depuis quelque temps, son visage n'avait plus de cicatrices présentes à chaque fois qu'elle utilisait son pouvoir. Et désormais, elle était assez grande pour se déplacer toute seule autour de la machine quand la sécurité était relâchée.

- Fais attention à toi, tu risques de faire encore une crise.

Elle se retourna : le docteur Gasuki, avec toujours son petit bouc amusant, était accompagné d'un homme plus petit à la moustache foisonnante. Elle sourit.

- Merci de vous soucier de moi, docteur... Mais je regardais juste mon frère, il est tellement cool !

- Je comprends, lui assura Gasuki en s'accroupissant à ses côtés pour prendre délicatement son pouls. Mais pour l'instant, ta santé est fragile et tu es encore en période d'adaptation. J'espère que tu n'as pas utilisé ton pouvoir plus loin que la la limite imposée ?

Elle fit non de la tête, et désigna les oiseaux dans une cage de verre : ces derniers étaient au sol de la cage, inertes. Pourtant, ils étaient encore vivants, mais seule Jiki pouvait voir leurs âmes.

- C'est fascinant ! dit l'autre homme en s'approchant de la cage. Et vous êtes arrivé à stabiliser leur état ?

- En effet. Jiki ?

- Ils vont bien, assura la jeune fille en souriant de plus belle. Ils ne souffrent plus, et vivent dans le paradis des oiseaux.

- Oui... fit l'homme à la moustache. Grâce à cela, nous pourrions effectuer les opérations sans détruire les fonctions cérébrales...

- Qui est ce monsieur ? s'inquiéta soudainement Jiki, un peu oppressée par la fascination qu'il avait pour les petits corps plumés.

- Un collègue, expliqua Gusaki en souriant. Ne t'inquiète pas, Jiki : avec lui, tu pourras sortir plus vite d'ici.

Elle écarquilla les yeux, surprise.

- C'est vrai !? (Tandis que le docteur acquiesça, Jiki le serra dans ses bras) Merci de faire tout ça pour moi, docteur !

L'autre moustachu observa la scène avec le même amusement qu'un vieux papi devant ses petits enfants s'amusant dans le parc.

- Vous savez tenir les enfants, commenta-t-il.

- Croyez-moi, monsieur Garaki, répondit Gusaki en caressant tendrement la tête de Jiki. Lorsqu'on sait les besoins de chacun et qu'on les remplit, personne ne doute de vos promesses. Et personne ne discute vos demandes.

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