1 La Dame (partie 2)

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La vie commune du couple s’avérait encore plus plaisante, Sheryl adorait sincèrement ce qu’elle avait construit avec Horm et ignorait l’absence de ses souvenirs d’antan pour poursuivre son chemin pavé de belles choses. Ils se retrouvaient le soir pour s’aimer toujours plus passionnément et tenter de concevoir le fruit de leur union.

Ponctuellement, le père de Horm venait rendre visite à son fils et sa femme. Cette dernière pensait qu’il était un père aimant et un homme très aimable, toujours avenant pour soutenir les époux si le besoin se faisait sentir, comblé de surcroît d’une oreille attentive tournée vers Sheryl. La jeune femme n’imaginait pas qu’elle venait de faire entrer le loup dans son jardin privé, elle lui exprima ses doutes sur sa fertilité, car aucun enfant ne s’en venait depuis des mois, le père avait tôt fait d’en prendre bonne note. Ainsi, la déchéance s’avançait lentement, refermant son emprise sur la vie de Sheryl.

Quand son fils n’était pas auprès de sa dulcinée, il venait pour discuter seul à seul avec sa belle-fille. Durant ces entretiens, le père la tarissait d’éloges sur sa grande beauté mystérieuse et envoûtante, qui ne cessaient de mettre l’intéressée très mal à l’aise, ne sachant pas comment répondre ni que penser de ce genre de flatteries. Un jour, il prit place à côté d’elle sur le sofa, lui qui habituellement allait s’asseoir dans le fauteuil en face. Ce petit changement avait alarmé la vigilance de Sheryl, qui entreprit de couper court à ce jeu immonde. Mais le loup connaissait déjà le secret incommodant de sa proie, l’utilisant à mauvais escient pour la faire fléchir et obtenir ses faveurs de femme.

Sheryl tenait bon malgré les assauts récurrents de son beau-père, fuyant ce loup comme la peste, feintant d’être malade quand il le fallait. Mais ce petit jeu ne pouvait pas durer éternellement. Il était venu la trouver dans son boudoir, alors qu’elle avait congédié ses domestiques pour pouvoir être un peu seule et réfléchir à la suite des événements. Sans crier gare, il se jeta sur elle, lui criant son désir pour elle depuis qu’il l’avait vue pour la première fois, qu’il regrettait amèrement que son fils lui ait mis le grappin dessus avant lui. Il termina son terrible discours, se pressant contre elle, en ajoutant ceci : « Tu seras à moi. ».

Il projeta Sheryl contre sa maquilleuse, faisant tomber ce qu’elle contenait au sol. En quittant la pièce, il hurla le nom de son fils avec une voix écumant d’une rage non dissimulée. La jeune mariée savait au fond d’elle-même qu’un drame s’en venait. Se munissant d’une paire de ciseaux qui avait blessé sa jambe quelques secondes plus tôt, elle porta à ses yeux l’objet que la lumière faisait étinceler dangereusement, il était taché de son sang. Le son des éclats de voix des deux hommes qui provenaient de l’étage inférieur, la conforta dans l’idée qu’il fallait que cela cesse au plus vite, avant que la situation ne s’envenime au point de non-retour. Elle se jeta à corps perdu à la poursuite du loup, armée et bien décidée à le calmer.

Accourant sur les lieux de la querelle parentale, Sheryl pouvait constater avec agacement que ce loup hurlait comme un beau diable sur son fils, ce dernier ne réagissait pas aux terribles mots que lui lançait son propre père. Quand il leva les yeux vers sa femme en déshabillé de satin blanc froissé, la jambe gauche ensanglantée et des bleus qui se formaient paresseusement sur son bras droit et son cou, son sang n’avait fait qu’un tour.

– Qu’as-tu fait à ma femme ?! cracha-t-il à l’égard de son paternel, fonçant sur lui pour lui empoigner le col.

Le loup dans un moment de panique cherchait une issue de secours, un sourire remuait ses lèvres quand son regard rencontra l’objet de ses désirs, à cet instant Sheryl savait qu’il allait dévoiler qu’elle ne pouvait pas porter d’enfant. Son mari ne pouvait pas rester marié à une femme infertile, il la rejetterait à coup sûr, ou pire, la garderait par amour et irait coucher avec une autre femme pour pouvoir avoir un héritier. La question hantait Sheryl depuis des mois, elle ne voyait au bout qu’une douleur intense dans tous les cas, elle perdrait encore une fois la vie qu’elle avait bâti, mais elle voulait continuer à vivre avec Horm et essayer de lui donner un enfant, il était trop tôt pour abandonner leur bonheur, le loup allait ruiner leur mariage.

– Tu l’ignores donc fils ? Ta femme te cache quelqu…

– Cela suffit. Votre père n’a de cesse de me tourmenter depuis des semaines, son ton calme la surprenait tant ses nerfs étaient à vifs pourtant. Ses avances se sont faites de plus en plus oppressantes mais je les ai toujours refusées fermement, quand je gardais le lit des jours durant, c’était dans le but de l’éloigner de moi et de ses viles intentions.

– Elle ment ! ses yeux étaient exorbités. Cette Jézabel m’a fait du gringue dès notre première rencontre ! Cette femme m’a dit explicitement que ce mariage n’était que par intérêt, elle se sert de toi pour obtenir notre fortune familiale, elle voulait te quitter pour moi quand le moment se présenterait, mais je ne voulais pas la laisser faire alors je suis entré dans son jeu pour te protéger mon fils ! Regarde ! Les ciseaux qu’elle tient sont la preuve que je dis la vérité, elle veut te supprimer !

Perdu entre tous ces aveux, Horm tournait la tête vers sa femme qui tenait serré contre son cœur l’arme baignée de sang séché. Personne n’avait remarqué que le loup avait réussi à se saisir maladroitement d’un vase qui trônait derrière son dos sur un guéridon.

– Tu n’es qu’un crétin, ces mots sifflaient entre ses dents.

Le vase s’était abattu sur le crâne d’Horm qui s’effondra devant son père. Sheryl n’avait pas eu le temps de se jeter sur l’agresseur avant qu’il ne se saisisse d’un morceau de porcelaine qui gisait parmi les autres débris. Sans hésiter, il frappa à la gorge son enfant transperçant sa carotide à multiples reprises.

– Tu seras ma femme à présent ! Pauvre veuve, il est mort ! Que vas-tu faire hein ?! il plantait la lame de fortune dans le cadavre, rythmant macabrement ses phrases par à-coups, étouffées par son rire infernal, il n’avait plus rien d’humain. Admire ma dévotion future épouse ! Je suis prêt à tuer pour toi par amour !

Les battements assourdissants de son cœur accompagnaient Sheryl quand elle s’élança sur le loup, enragée. Elle enfonçait la paire de ciseaux souillée dans la tête de son beau-père meurtrier, dans un ultime hurlement de souffrance d’avoir perdu l’être qu’elle chérissait le plus sur Terre.

Le calme revenait peu à peu, laissant la nouvelle veuve face à son destin funeste. Là, gisaient les deux corps sans vie de son mari et son assassin de père. Recroquevillée dans un coin de la pièce, là où la flaque de sang n’avait pas réussi à s’étendre, Sheryl réfléchissait à son prochain mouvement, secouée par des sanglots de peur et de ses nerfs qui avaient inéluctablement lâché. Que ferait-elle des cadavres ? Si la police l’arrêtait pour les meurtres ? Elle avait bien tué quelqu’un et sciemment. Elle ne pouvait pas rester dans cette maison, sa seule famille n’existait plus. Même le nom que lui conférait son mariage ne pouvait pas la protéger pour les années à venir, elle ne possédait plus rien.

Une transe étrange embrassait son âme les minutes suivantes, elle avait enfermé sa douleur dans un oubli partiel pour pouvoir accomplir ce qu’elle avait décidé. Son corps bougeait seul, ses yeux restaient éteints et les larmes avaient eu le temps de sécher sur ses joues, alors elle déversa de l’alcool dans toutes les pièces de son ancien foyer sans état d’âme. Quand elle avait terminé sa besogne, empaqueté quelques affaires de premières nécessités et fait ses adieux à son bien-aimé, elle quitta la maison qui commençait à s’animer d’un feu ravageur, s’enfuyant dans les profondeurs de la nuit sans se retourner.

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