Le temps suspendu

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Munich, 19 Juillet 1978, 7h02

Trois silhouettes maléfiques se dessinèrent dans l'entrée du Glass Schlüssel. Le réceptionniste fut interpellé par la dégaine de cette troupe hétéroclite. Cependant, en raison d'une prudence bien compréhensible, il se garda d'aller aux renseignements.

Sanders précédait Nycron, qui précédait Lookuir. Ils semblaient des poupées russes alignées en ordre décroissant. La plus haute d'entre elles appela l'ascenseur tandis que ses compagnes inspectaient le hall d'un regard circulaire.

Ella suivit Grant jusqu'à la taverne la plus proche, établissement dans lequel il s'installa paisiblement. Elle jugea opportun de remarquer :

— Nous aurions pu faire monter du café par le garçon d'étage.

— Possible, mais je préfère le prendre dehors. Question d'habitude, j'imagine.

— Tous les jours ?

— Tous les jours.

— Même quand vous travaillez ?

— Oui, aussi. Vous savez, c'est très français comme habitude.

— Mais, c'est de la perte de temps ... et puis, vous êtes américain.

— C'est un point de vue. Le temps est la seule chose qu'on puisse se permettre de gaspiller. Le time is money s'effrite au contact de la civilisation européenne. On ne réfléchit plus forcément en termes de profit. Et surtout, on sait que le bonheur ne se calcule pas à coups de dollars ou de livres sterling.

— Vous êtes du Sud des USA, non ?

— De Caroline. C'est une région, qui, à certains égards, ressemble à l'Europe rurale. Tout y reste à dimension humaine. Rien de commun avec la sécheresse colossale de cités comme Détroit ou New-York. Et vous ? De quel coin êtes vous ?

— De Boston.

— Vous êtes issue de la bonne société WASP ?

— Pas vraiment. Ma famille paternelle est originaire d'Europe de l'Est. Je crains fort que son arrivée sur le continent n'ait aucun rapport avec le Mayflower.

— Je ne vous demande pas quelle est votre profession ?

— Vous avez raison, c'est parfaitement inutile.

— Tant pis. j'aurais essayé.

Le serveur posa sur la table deux tasses brûlantes , emplies d'un liquide noirâtre intitulé café par un quelconque mystère. Ella en ingurgita péniblement le contenu pendant que son compagnon s'en humectait parcimonieusement les lèvres. Elle se redressa brusquement.

— Rentrons à l'hôtel.

— Je n'ai pas terminé.

— Dépêchez-vous, alors.

— Ecoutez, je prends juste une respiration. Mes deux derniers jours ont été... comment vous dire, mouvementés. Je n'ai pas plus que vous l'intention de demeurer à l'extérieur plus que nécessaire. Je ne suis pas fou. Je vous rejoins dans le hall dans deux minutes.

Ella tourna les talons. Evidemment, si maintenant le colis se mettait à avoir des idées personnelles ...

Lorsque Tania entrouvrit la porte, elle distingua une grande forme, à contre-jour, au bout du corridor, près des escaliers. L'homme était appuyé contre la rampe. A sa vue, il porta les doigts à sa bouche qui projeta un sifflement sec. Le son d'un galop se fit entendre en provenance de l'étage du dessus. Tania se replia précipitamment dans la chambre et la boucla, assujettit fébrilement la porte avec la chaise au dossier de laquelle pendait son holster et son arme. Elle extirpa le pistolet en tremblant.

De l'autre côté, une voix doucereuse la prit à parti.

— Allons, Minerves, soyez raisonnable. Nous savons que vous êtes là.

L'index de Tania se tétanisa sur la gâchette. Elle recula encore, jusqu'à se retrouver adossée à la fenêtre. La voix se modifia.

— Si tu n'ouvres pas, Minerves, on va venir te chercher ... et là, ce sera tant pis pour ta petite gueule d'ange.

Une dizaine de secondes passèrent . Soudain, la jeune femme vit avec horreur la poignée remuer, l'illusoire rempart de chaise glisser sur le parquet. Les gonds grincèrent, la porte s'entrebâilla, elle braqua son arme...

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