Nuit phosphorescente

7 minutes de lecture

 Le temps s’était ralenti. Tandis que le corps du vieillard aux yeux agonisant jonchait le sol, mes oreilles sifflaient encore sous le coup de la détonation.

Abattue face à ce sang qui glissait à une vitesse fulgurante dans les rainures du vieux plancher, je n’avais pas bougé d’un centimètre. Pourtant, j’avais crié. J’avais hurlé tellement fort que mes cordes vocales me faisaient souffrir.

C’est à cet instant que l’adrénaline s’empara de mon corps. Je n’exécutais rien de ce que mon cœur me disait, mais plutôt les ordres tranchants que mon cerveau me dictait: lève-toi, saute, cours et enfuis-toi loin.

Subitement, je fis abstraction de mes palpitations, de mes vertiges et de mes jambes trop faibles pour tenir debout. J’enjambai la tête du cadavre en retenant mes haut-le-cœur et mes larmes. Je devais fuir et arrêter de penser à sa famille, à sa vie qui venait de se terminer sous mes yeux. Cet homme me voulait du mal, mais ma bienveillance me jouait parfois des tours.

En un saut, l’odeur du sang vira à ceux des pins, à celle de la terre humide. Mes pieds nus foulèrent la poussière du sentier et les graviers tranchants au bord du chemin. Passé le fossé, je retrouvai la douceur de la mousse.

  • Merde ! Elle est partie, aboya la voix d’une femme aux abords de la charette.

Aussitôt, je m’engageai dans une course effrénée, sautant au-delà des troncs tombés à coups de hache. En dépit de m’être éloignée du sentier à la vitesse de l’éclair, le craquement des feuilles et des branches à mon passage ne manqua pas d’alerter l’inconnue qui se lança immédiatement à ma poursuite.

  • J’aurais dû m’en douter, beugla la femme en allongeant ses foulées.

Mon coeur se serra imédiatement, comme-ci sa voix avait en un instant, la capacité de gérer mon corps. Ma gorge qui se serrait davantage en pensant aux quelques mètres qui nous séparaient, n'arrangeaient pas ma respiration haletante. L'anxiété était en train de prendre possession de mon corps, à tel point que mon estomac me supplait de m'arréter pour la faire sortir de force. Elle semblait dangereusement plus rapide que je ne l’étais. Je ne pouvais pas me voiler la face trop longtemps : mes jambes ne sentaient bientôt plus le contact du sol tellement elles étaient allourdies. Je n'avais aucune chance.


Cent cinquante mètres.

 La nuit toujours aussi noire ne m’aidait pas dans ma fuite. Pour autant, certains champignons devenaient étrangement phosphorescents à mon passage, donnant un avantage supplémentaire pour la femme à mes trousses.

Rien ne la faisait ralentir. Ni mes slaloms entre les arbres, ni sa propre fatigue. Je ne cessais de me répéter "Je suis foutue" à mesure qu’elle me rattrapait. Le bruit de ses pas bourdonnait dans mes oreilles. Son souffle ne montrait aucune défaillance. J'étais terrifiée. Il me semblait impossible de flancher.

Cent mètres.

Je tournai à droite déboulant à toute vitesse dans une descente. Mes pieds dérapèrent, finissant par rouler jusqu'à la fin de la pente. Mes bras protégeaient ma tête. Ils furent écorchés au passage, par les racines et les pierres. C'est lorsque ma hanche tapa violemment contre un rocher que je repris ma course en boitant. Malgré la douleur qui frappait par à coup sur mon os, j'avais l'espoir qu'elle eut continuer sa route en ligne droite.

Alors que je pensais l’avoir trompée, elle s’écria plus essouflé qu'au début :

  • Je t’attraperai Leïna, peu importe ce que tu fais. Je connais cet endroit plus que tu ne le crois.

Mon cœur qui battait à mille à l’heure, s’arrêta une demie seconde en entendant mon nom. Un choc électrique naquit dans ma poitrine et vint s’effacer dans mon ventre. Subitement, mes orteils se coincèrent sous une racine surélevée. Je tombai sur mes mains, puis ma hanche déjà bien amochée lâchant un cri de douleur. Les larmes coulaient à flot et je ne trouvais plus le courage de continuer. Je songeais à abandonner, recroquevillée comme un foetus dans le ventre de sa mère. Je n'étais donc bon à rien ? Impuissante face au danger ? Impuissante à sauver ma propre vie ? Et cette flore qui ne cessaient d'alerter ma position en illuminant les alentours. J'étais cuite.

Soudain un autre coup de feu rententit dans la forêt, faisant fuire tout les oiseaux qui s'étaient réfugiés aux alentours. Il n'y avait plus aucun bruit, comme-ci tout avait été mis sur pause. Je me tû, étouffant les sanglots avec ma main, resserrant mes jambes contre mon ventre pour me faire toute petite. Je fermais les yeux et priais pour que rien ne m'arrive . J'étais si lâche de m'en remettre au hasard.

  • C'est pas vrai ! Il ne manquait plus que ça !

Je réouvris les yeux subitement. Nous étions nez à nez, la femme et moi. Je me remis assis, les genoux contre moi, en m'éloignant de quelques centimètres. Mes yeux étaient grands ouverts comme une proie à ses derniers instants. Elle s'était accroupie au près de moi, ses cheveux noirs retombant sur ses genoux. Elle me fit signe de me taire, son index sur la bouche, son arme à feu dans l'autre main. Sur qui avait-elle tirer puisque j'étais toujours en vie ? Un garde alerté par Mama Thésia qui s'était enfin réveillée ? Ses yeux sombres me glaçaient le sang. Ils ne cessaient de me fixer sans aucune expression, aucune émotion. J'avais beau chercher, rien ne me rassurais. Elle semblait vide de toute vie, sans âme et à l'humeur vengeresse. Elle me rapellait les esprits malveillants des légendes racontées par les enfants de mon village pour nous effrayer.

Elle finit par poser son arme sur le sol après de longues minutes à me fixer dans les yeux, le doigt toujours sur la bouche, puis le retira lentement. Elle déglutit difficilement comme-ci le passage de sa salive la faisait souffrir. Pendant ce temps, mes doigts avaient discrètement chercher de quoi sauver ma peau, jusqu'à trouver une pierre assez grosse et pointu pour me défendre. Je la saisis m'apprétant à lui envoyer sur le crâne mais son regard précédemment baisser, me fixa de nouveau. Je me figeai, serrant plus fort ce qui me servirais d'échapatoire. J'attendais juste le bon moment.

  • Il va falloir que l'on règle un soucis, lacha-t-elle en commençant à se relever.

Sans attendre, je mis toute ma force pour lui cogner le crâne, mais elle mis sa main pour parrer mon attaque. Je lui écorchai la main, mais mon geste n'avait pas eu l'effet escompté.

  • Putin mais t'es conne ou quoi ? chuchota la jeune femme les dents serrées. Je sauve ta peau, là !

J'étais sans voix. Elle enleva le sang qui 'échappait de sa main, en l'amenant à sa bouche.

  • Quoi ? soufflai-je à moitié soulagée. Je ne savais pas si c'était une fainte de sa part ou si j'étais la plus grande parano de ce monde, mais une lueur d'espoir me redonna la force de croire que je pouvais m'en sortir.
  • On est pas tout seul dans cette forêt.

Mon coeur s'emballa de nouveau. La gorge serrée, je tentais de reprendre mes esprits devant cette jeune femme qui controlais les siens, sans l'ombre d'un doute.

  • Je ne comprend pas, tu viens de me courser après avoir tirer sur le vieux monsieur, gémisais-je.
  • Ce n'était pas moi, répondit-t-elle du tac au tac. Enfin, ce n'est pas moi qui t'ai couru après.

Elle marqua un temps de pause pour sonder les alentours.

  • On a pas trop le temps, là. Tu as un gardien d'âme sur toi ?

Mon hésitation était-elle qu'elle n'attendit pas plus longtemps ma réponse, et commença à fouiller dans mes poches. J'étais tellement secouée par les événements que je me laissai faire. Elle sorti très rapidement mon collier qui était resté dans ma poche droite. Elle souria :

  • Ils ne te l'ont pas pris ces fumiers, s'éclaffa-t-elle.

Elle sortit une petite pochette de sa poche. Ma gorge se serra à l'idée qu'elle me le vole.

  • S'il te plait, prends tout ce que tu veux mais ne me le vole pas. Il est très cher pour moi, la supliai-je alors qu'elle le mis dans la pochette.
  • Ce n'est pas mon intention, j'essayes juste de ne pas nous faire repérer. Tu vois toute cette Nature qui s'agite autour de toi ? Qui s'illumine ? C'est à cause de ça, dit-elle en levant la pochette.
  • Mon collier ?, m'exclamai-je.

Aussitôt, elle me claqua sa main contre ma bouche, et écouta le son qui sortait de la forêt, puis repris :

  • Oui, ton collier, murmura-t-elle. Regarde.

L'insensité de la lumière dégagée par les arbres, les insectes et les champignons diminuaient peu à peu, puis stagna à une légère lueur.

  • Ca devrait faire l'affaire, de toute manière on ne peut pas se permettre de le laisser là.

Ma panique avait dû se lire dans mes yeux puisqu'elle me chuchota :

  • T'inquiète c'est pas dans le plan. Aller viens, on bouge.

Elle repris son arme, me tira par la main pour que je me relève, avant qu'un nouveau coup de feu rententisse non loin de nous. On se fixa sans un mot. Nous avions compris que nous ne pouvions plus discuter. On s'élança dans une course éffreinée, encore plus intense que la précédente. La jeune femme et moi avons couru quelques mètres ensemble avant qu'elle me lance :

  • On se sépare, j'ai le collier, ils vont suivre la lueur, tu as juste à te cacher.

Elle me lança son arme puis s'éloigna dans une direction opposée éclairant en partie le chemin qu'elle venait d'emprunter.

Annotations

Vous aimez lire Sianeldo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0