Chapitre 17 - Le rencard.

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 Baptiste n’a presque pas décroché un mot durant le trajet du retour. Lorsqu’il nous dépose avec Lucas devant l’immeuble, il a l’air éteint. Il nous embrasse et je lui rappelle qu’on doit se voir le lendemain pour commencer à peindre notre futur nouveau local !

- Compte sur moi Marie, je passerais à l’agence immobilière lundi, signer le bail. Rentrez bien les zouzous.

Et il se retourne, l’air abattu en direction de son « bébé ». Ça me fait de la peine de le voir dans cet état... En rentrant dans le hall de l’immeuble, je suis occupée à prendre le courrier quand Lucas me tire par le bras.

-M’man, c’est grave... Regarde Hercule est partout !

Je ne capte pas tout de suite et quand je regarde autour de nous, il y a une dizaine d’affiche avec une photo d’Hercule. C’est bizarre il porte un noeud papillon rouge, un petit chapeau de ridicule violet et il a sa tête des mauvais jours. Il est écrit en gros « Avis de recherche : Hercule, chat magnifique, sensible et très intelligent s’est perdu. Merci de contacter Odile Rivoire ».

On ne passe même pas par la maison pour déposer nos valises, qu’on s’empresse d’aller voir Odile pour savoir ce qu’il en est. On sonne plusieurs fois avant d’entendre du bruit derrière la porte. Finalement c’est une Odile dépitée qui nous ouvre. Elle semble mourante ! Elle est enveloppée d’un immense châle tricoté bleu ciel et elle semble bien plus petite que dans mon souvenir.

- Ah... Marie... Lucas...

Et elle éclate en sanglot dans mes bras !

- Rentrons Odile, vous voulez bien ? Vous nous raconterez ce qui s’est passé !

Elle est effondrée. Elle nous raconte comment, il y a 2 jours, un matin où elle rentrait des courses, elle avait laissé la porte ouverte le temps d’amener tous ses sacs dans sa cuisine, Hercule en a profité pour se faire la malle. Elle s’en était aperçue que quelques minutes après mais il était déjà trop tard. Elle avait appelé son fils Robert, 55 ans, et tous deux avaient ameutés tout le quartier mais sans succès. Alors en espérant qu’ils le retrouvent avant notre retour, ils avaient imprimés ces affiches et les avaient placardés un peu partout dans la ville.

- Je n’ai pas voulu vous appeler pour vous prévenir car j’ai eu espoir qu’il revienne... Vous comprenez ? Oh... Vous devez me détester !

- Mais non Odile ! Ne vous mettez pas dans des états pareils ! Nous allons le retrouver ce fugitif, n’ayez crainte et après il passera un sale quart d’heure ! Mais quelle fripouille !

- Oh je m’en veux tellement...

- Non Odile, vous ne devriez pas vous en vouloir. Nous aussi, il nous arrive souvent de laisser la porte ouverte, il aurait très bien pu s’échapper aussi...

Sauf qu’il ne l’a jamais fait... Ça y est, je me sens tendue, je deviens mauvaise. La route, la disparition d’Hercule, le désespoir dans le regard de mon fils, mémé Odile déboussolée, font trop de choses à gérer.

- Nous allons rentrer maintenant. Je vous tiens informée Odile, reposez-vous.

- Vous êtes tellement gentille Marie...Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous êtes toujours célibataire, me dit-elle compatissante.

Non mais oh ! Elle va se calmer fissa, la vieille ! Je ne suis pas « gentille ». Je fais signe à Lucas qu’on décolle, et en passant devant la bibliothèque rustique d’Odile je vois une photographie d’elle et son fils, Robert, avec Hercule au milieu attablés devant un gâteau d’anniversaire. Ils ont tous des chapeaux ridicules et sourient franchement sauf mon chat qui a une drôle lueur dans le regard, genre tueur en série. Il a l’air d’un psychopathe.

- C’était l’année dernière pour l’anniversaire de Robert, me dit-elle en soupirant ! On s’est permis d’utiliser cette photo pour le rechercher car il est vraiment à son avantage. Qu’il est mignon! Vous ne trouvez pas ?

Quoi lui répondre ? Pendant une fraction de seconde j’ai bien été tentée de lui dire que j’allais demander une injonction d’éloignement, là, maintenant, tout de suite. Mais bon, je suis une femme de paix ! Et puis, elle n’est pas si tarée, après tout je serais sans doute comme elle dans quelques années… Nous rentrons à la maison. Lucas ne dit pas un mot, il s’est totalement renfermé. Je défais les valises et mets la radio pour briser le silence pesant. Le soir à table, il n’a pas d’appétit alors je lui propose de venir avec moi faire le tour du quartier à la recherche d’Hercule. Cette ballade nous fait du bien, Lucas me fait passer dans la moindre ruelle pour retrouver son chat, mais sans succès. Le lendemain, je dépose Lucas au centre aéré, j’appelle la fourrière au cas où, et je vais signer le bail du local. Je revois Xavier Perrin. Toujours aussi séducteur. Il me dit qu’il avait hâte de me revoir. Ça fait toujours plaisir à entendre. Il a une beauté classique. Taille moyenne, brun, et fin. Il s’habille d’une façon simple mais élégante, sans doute pour cette raison que Baptiste l’aime bien. Il fait très « de bonne famille ». Il a la politesse de couper son portable lors de notre rendez-vous et dit à sa secrétaire qu’il ne prend aucun appel. Bref, il est charmant. Et lorsque je signe le bail il me dit :

- Marie, vous êtes rayonnante !

Cela me fait rougir comme une vierge effarouchée ! En même temps c’est une grande étape pour moi, je vais enfin être à mon compte ! C’est pour ça que je rayonne. Il m’invite au restaurant jeudi soir. Je pense que la soirée sera sympa mais après tous les « cas » que j’ai pu rencontrer je reste méfiante. Je sors de l’agence et je me jette sur mon portable pour appeler Baptiste.

- A Y EST !!! Hurlé-je totalement hystérique.

- …

- Baptiste t’es là ?

- Oui Marie… C’est juste qu’au réveil, il me faut un petit temps pour m’accoutumer à ta voix si délicate…

- Quoi ! Tu ne te réveilles que maintenant ? Ecoute Baptiste, faut te prendre en mains…

- C’est bon, ne te fais pas de souci, je me prends bien en mains…

- T’es lourd !

- T’as les clés du local ? Si tu veux, on se donne rendez-vous là-bas dans une heure pour voir ce qu’il faut qu’on achète pour le rafraichir. Tu sais je suis content que notre projet avance, je ne veux pas que tu doutes de cela. Je passerais signer le bail avant.

Chouette ! Il a vraiment l’air motivé. Ce qui se confirme, lorsqu’il arrive dans nos nouveaux bureaux, en bermuda, tee-shirt, baskets. C’est une tenue « classique » pour beaucoup mais pour lui c’est sa tenue de chantier. J’ai tout de même un petit choc en le voyant, il a rasé sa moustache. Ça le change vraiment, il me faut un temps d’adaptation mais ça lui va réellement bien. Je lui demande s’il a des nouvelles d’Alex et il me répond par la négative. Il est triste.

- Tu sais, honnêtement je l’appellerais bien mais je sais que ça ne servirait à rien. Pas maintenant, pas tout de suite.

- Tu penses qu’il ne veut plus te voir ?

- Non ce n’est pas ça. C’est moi… Il me manque mais clairement tant que je ne le comprends pas, ce qu’il est et ce qu’il veut, tout ce que je pourrais entreprendre sera un échec.

Je vois bien qu’il a une idée derrière la tête mais je ne comprends vraiment pas où il veut en venir.

- Et tu comptes t’y prendre comment pour mieux le connaître si tu ne le vois pas ?

- Hier je suis sorti avec des amis, en fait c’est plus des connaissances, ils m’ont amené dans un club gay un peu hard. Je veux comprendre pourquoi Alex ne peut pas vivre sans être soumis… humilié…

- Ah ah ! Petit cachotier !

- Ça m’énerve tous ces trucs de bdsm, la moitié des mecs font ça pour être à la mode. Il y a quelque chose de pitoyable dans ce club très « m’as-tu vu », c’est trop stéréotypé.

- Et t’as fait des rencontres ?

- Je ne me sentais pas à ma place, mais j’ai observé de loin. Mais oui, j’ai rencontré des gars, des dociles et d’autres moins… Je me suis barré assez tard…

- Et ta conclusion à ta soirée tumultueuse ?

- Je crois être sur la bonne voie, je me décoince… Mais il faut que j’approfondisse mes recherches, me dit-il tout sourire.

Baptiste a toujours une manière de raisonner qui lui est propre. Méthodique, jusqu’au-boutiste, persévérant. Je crois que ça lui permet de ne pas trop se morfondre. Je lui demande des détails, qu’il me donne sans chichi. Personnellement j’aime beaucoup la soumission comme jeu sexuel, je trouve que ça pimente la relation. J’ai eu une brève aventure avec un gars, qui m’attachait au lit et me donnait des fessées assez inoubliables ! Si ce n’était pas ma semaine avec Lucas, je crois que je me serais laissé tenter d’aider Baptiste dans ses recherches ! Heureusement que les travaux m’occupent le corps et l’esprit, le soir je rentre courbaturée, incapable de faire quoi que ce soit ! Avec l’aide de Paul et de Clotilde, nos bureaux sont neufs, et surtout meublés. J’ai éloigné Baptiste lors du montage des bibliothèques et des autres meubles de peur qu’il se fasse mal et que l’on finisse aux urgences.

Le vendredi matin nous installons tout le matériel informatique. Guillaume passe avec un gros bouquet de fleur à mon intention, ce qui me met franchement mal à l’aise. Paul et Baptiste le dévisagent.

-C’est triste pour Hercule, j’ai peur que Lucas ne s’en remette jamais… Me dit-il.

- Oui, lui dis-je sans savoir trop quoi rajouter.

Grand silence. Qui dure. Encore. Ça devient gênant.

- Non ne t’inquiète pas, on va le retrouver, il n’a pas du partir très loin… Toute la ville sait qu’on le recherche activement, je suis certaine qu’on aura bientôt de ses nouvelles.

- En tout cas, tout est prêt pour la rentrée de Lucas, j’ai pris les derniers livres !

Bon, il a l’air d’avoir trouvé un nouveau sujet de discussion… Comme s'il voulait rester à tout prix.

- Parfait. Où est Sarah ? Claire va-t-elle bien ? Lui demandé-je pour essayer de comprendre où il en est.

- Sarah est justement avec elle, Claire a finalement pu prendre une semaine de vacances et elles sont parties chez sa sœur.

Aïe, je trouve sa réponse un peu évasive. Il se passe un truc et je souhaite vraiment ne pas y être mêlée. Mais j’ai quand même un sale pressentiment.

- Guillaume, ça te dit de venir avec moi au volley cette année, ça nous permettrait de nous voir plus souvent. En plus Sarah rentre à la maternelle, tu seras sans doute plus disponible ! Lui demande Paul.

- Oui… Faut voir mais pourquoi pas. Ça fait longtemps que je n’ai pas fait du sport et je pense que ça ne me ferait pas de mal !

Heureusement que Paul a fait diversion, mon trouble s’est dissipé. Finalement ils partent tous les deux. Baptiste range les nouveaux dossiers dans l’étagère pendant que je cherche un récipient pour mettre les fleurs.

- Dis Marie, Guillaume te drague non ?

- Je ne sais pas mais je dois t’avouer que je n’aime pas ça. On a eu notre chance, ça n’a pas marché même si nous avons le plus merveilleux des enfants, j’ai tourné la page…

- Ne t’inquiète pas, ça va respire ! Ça n’a pas vraiment l’air sérieux tout ça ! Bon, Dis-moi c’est ce soir ton diner avec Perrin ?

- Tu veux dire Xavier, lui dis-je sur un ton coquin. Oui, et c’est Clotilde qui garde Lucas ce soir . Je n’ai plus aucune confiance en mémé Odile maintenant !

Oui, car coquine j’avais envie de l’être ce soir ! Cela fait quelques jours maintenant que je ne pense qu’à ça ! Même si mon état de fatigue m’a permis de mettre ma frustration en sommeil, il faut que je libère toute l’énergie que je refoule depuis des mois… Ma stratégie est certes discutable mais je ne doute pas une seconde de son efficacité. Je mise tout sur mon physique ! Robe légère et juste transparente comme il faut, string blanc en coton, pas de soutif, je me sens toujours plus sensuelle sans, et sandales à talon qui donnent un galbe à mon fessier irrésistible (du moins, c’est ce dont j’essaye de me convaincre !). Je réussi à me faire un joli brushing et je ne force pas trop sur le maquillage car même si ce n’est plus la canicule, je ne voudrais pas me retrouver comme un de ces gosses à la kermesse. Lorsque je dépose mon fils chez mes amis, j’ai le droit aux félicitations du jury, ils insistent tout en m’offrant un verre, sur le fait que je peux récupérer Lucas tard le lendemain et que cela ne les dérange aucunement. Je me sens comme un sprinter dans les starting blocks à l’affût du coup de feu. Bref je suis prête à me faire sauter ! Je rejoins Xavier. Il est très élégant et même si au début je ne le trouvais pas d’une beauté foudroyante, ce soir je lui trouve beaucoup de charme. Peut-être est-ce mon cul, si longuement délaissé, qui le trouve charmant… Nous allons au restaurant, un petit bistrot sympathique à la lumière tamisée. J’aime beaucoup l’ambiance. Xavier me raconte sa vie, enfin il me semble car je ne l’écoute pas vraiment. Je me contente de lui sourire et de hocher la tête.

- Vous allez bien Marie ?

- Oui, Xavier je passe une soirée très agréable en votre compagnie !

- Moi aussi mais j’ai l’impression que vous êtes un peu ailleurs parfois…

Je rougis. C’est vrai, sa conversation ne m’intéresse pas, mais alors pas du tout et j’espère qu’il ne s’en est pas aperçu. C’est terrible, mais je me rends compte que depuis le début de la soirée, je ne souhaite qu’une seule chose : c’est qu’il remplace feu mon Marcel ! J’essaye de reprendre un peu de contenance. C’est un homme cultivé, intelligent, et … patient. Je décide pour paraitre un peu plus impliquée, et de participer activement à la discussion.

-Alors Xavier, comme ça vous... On pourrait se tutoyer non ?

- J’allais te le proposer !

- Donc comme ça tu es un passionné de photographie…

Il me parle des paysages qu’il adore photographier, et des portraits qu’il fait de ses amis ou des membres de sa famille. C’est vraiment intéressant. Il a même transformé une pièce de son domicile en laboratoire. Je suis admirative. Dans la discussion, son regard se pose furtivement sur ma poitrine mais très vite il le fixe sur sa main, très sagement. Je sens que mes seins sont lourds et tétons érectiles. Je décroche de nouveau de la conversation. Je reste songeuse, imaginant tout ce qu’on pourrait faire de très sympathique ensemble, lorsque mon attention est attirée par un homme au fond de la salle, il semble me montrer du doigt. Mais bien évidement il doit montrer à ses amis un élément de décoration ou quelque chose comme ça. Il faudrait vraiment que j’arrête de m’imaginer que tous les hommes me regardent ! Cet homme croise mon regard et par automatisme je le salue de la tête. Et c’est là, que je remarque une silhouette que je distingue mal, elle me fait penser à Fred. Machinalement je me mets à sourire. Non pas que la pensée de Fred et de ses atouts non négligeables me fasse fondre, mais c’est plutôt le fait de penser encore à ce gars alors que je fais tout pour l’oublier et que surtout, je suis en charmante compagnie d’un homme courtois et qui me fait la courre ! Je me moque de moi-même, je suis irrécupérable… Et en chaleur.

- Qu’est-ce qu’il te fait sourire Marie ?

- Oh… Je repensais au talent de photographe de ma voisine !

Super, pour une fois, j’ai été plutôt réactive. Je vais devenir la reine du pipeau ! Je lui raconte alors la disparition d’Hercule, le chagrin de Lucas et le désespoir d’Odile, la photo de famille. Il se montre vraiment désolé pour mon chat, ce qui me touche. Nous finissons le diner gaiement, et il me raccompagne en bas de mon immeuble. Je prends mon courage à deux mains :

- Veux-tu monter boire un dernier verre ?

Et devant son manque de réaction, je lui adresse un clin d’œil, comme si ça ne suffisait pas. Mais pour une fois je mets ma peur du ridicule de côté, en tout cas je tente de le faire… Même si objectivement, je dois ressembler à un Yorkshire émoustillé à la vue d’une jambe. J’essaye de me contrôler mais ce soir, comme jamais, j’aimerais vraiment conclure !

- C’est gentil, Marie, mais je vais rentrer, me dit-il gentiment. J’ai passé une très bonne soirée et je te trouve vraiment formidable mais j’aimerais qu’on prenne notre temps, je ne veux rien gâcher en me précipitant…

C’est la douche froide. Je n’avais pas prévu qu’il soit si… gentleman.

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