Chapitre 10 - La comédie.

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 Je suis rentré avec Mattéo, Chloé et leur cousine Sophie qui vient passer exceptionnellement la nuit chez nous. Lucie voulait rester avec la directrice de l’école pour faire les comptes des bénéfices de la kermesse et vérifier l’attribution de tous les lots de la tombola. Maintenant ils s’occupent tous les trois devant la télé. Ils sont très calmes, cette journée les a sans doute exténués autant que moi. Il fait toujours très chaud alors je n’ouvre pas les volets et je leur sers des grands verres d’eau avec des glaçons. J’ai environ une bonne heure devant moi avant que Lucie ne rentre.  Je m’allonge sur mon lit. Il n’y a pas une seconde où je n’ai pas pensé à Marie depuis qu’on s’est quitté. La toucher a été vraiment une expérience nouvelle pour moi, chacun de mes gestes provoquaient une réponse de son corps, c’était électrique. Je suis sonné. Elle vibrait sous mes doigts. Et puis sa pipe ! Aucune femme ne m’avait fait ça avec autant de grâce et d’envie. Je ne lui ai pas menti lorsque je lui ai dit que c’était divin, la voir prendre autant son pied que moi a décuplé mon plaisir. Dommage qu’on n’ait pas pu finir ce qu’on a commencé, tout était si parfait… J’ai bien senti qu’il y avait quelque chose qui la contrariait au moment de son départ peut-être a-t-elle rencontré une mère d’élève qui lui a fait un scandale ou je ne sais pas un problème avec Guillaume. J’aurais vraiment aimé pouvoir avoir un petit moment seul avec elle pour comprendre, mais je ne me pose pas plus de question que cela. Cette journée a été fantastique grâce à elle. Quelle ironie ! Je vais prendre une douche bien fraiche un peu à contre cœur car j’aime l’idée d’avoir encore l’odeur de Marie sur moi. Cette odeur qui me fait tourner la tête ! Lorsque je sors, Lucie est arrivée. Elle a fait des sandwichs aux enfants qui sont ravis de pique niquer au salon. Je la rejoins dans la cuisine et je constate qu’elle est nerveuse.

- Que t’arrive-t-il Lucie ?

- Oh non ce n’est rien, ne t’inquiète pas ! C’est juste que le week-end prochain on doit aller voir mes parents et Pascaline et Emmanuel viennent de me prévenir qu’ils se joignaient à nous pour annoncer la « bonne nouvelle ». Ça me tend un peu…

- Tu sais, je pense que ce n’est pas une si mauvaise chose l’officialisation de Pascaline et Emmanuel. Une fois que cela sera fait, tu n’auras plus à porter le fardeau de la maladie de ta mère toute seule.

Elle réfléchit un instant et se contente d’un hochement de la tête.

- Quand je t’ai croisé dans l’école avec les chaises, tu sais bien ? Il se passait quoi avec Marie ? Elle m’a semblé vraiment bouleversée.

- Je… heu… m’intéressais, je veux dire que je m’intéresse à elle… Tu comprends…

Lucie soupire, et s’assis sur une chaise. Elle me regarde avec un sourire aux lèvres mais je sens bien que ce qu’elle va me dire, me déplaira.

- C’est bien Fred, Marie est une femme magnifique et tellement drôle, c’est une femme libre… Dit-elle avec une pointe d’amertume. Je te comprends… Mais c’est vraiment trop dangereux, en septembre ma nièce ira dans la même école que nos enfants et que Lucas aussi. Les ragots et les rumeurs vont bon train, tu sais. Pascaline va vite être au courant. C’est vraiment stressant pour moi, je veux juste préserver ma mère, tu comprends…

- Lucie…

Mais elle ne me laisse pas finir.

- Je ne vois vraiment aucun inconvénient à ce que tu fréquentes une autre femme, crois-moi ! Au contraire ça me soulage d’un gros poids mais Marie est trop proche de nous, de tes amis, de ma famille…

J’ai envie d’hurler mais Lucie me fait vraiment de la peine. Pourquoi sa mère a choisi de devenir mourante au moment ou sa fille a décidé d’être lesbienne! L’ironie du sort sans doute.

- Lucie, je ne ferais rien qui puisse aggraver l’état de santé de ta mère, mais une fois que Pascaline et Emmanuel seront officiellement établis, nous devrons annoncer notre séparation à ta famille. Cette mascarade ne pourra pas durer longtemps, tu comprends ?

- Je sais que je t'en demande beaucoup Fréderic et je veux que ton bonheur, mais sois prudent le temps que les choses s’apaisent… On s’entend bien tous les deux, n’est-ce pas ? Il ne faut rien précipiter, c’est la vie de ma mère qui est en jeu…

- Oui je ferais plus attention dorénavant. Cette journée m’a épuisé, je vais me coucher. Bonne nuit Lucie.

Je ne souhaite pas poursuivre cette discussion plus longtemps avec elle. Elle se crée trop de barrières infranchissables pour le moment. Mais le week-end prochain, je sais que je ferais le maximum pour clarifier cette situation avec sa famille. Il faut juste que je réfléchisse à la meilleure façon de présenter tout ceci sans provoquer un séisme. Je devrais peut-être passer pour le salaud, annoncer que je la quitte pour une autre, c’est tellement fréquent de nos jours que sa mère compatirait même si j’imagine qu’elle irait brûler des cierges tous les jours pendant des mois pour prier pour le salut de sa fille… Mais je pense que le choc serait moins grand. D’un autre côté, même si je me sens prêt à assumer le rôle du parfait connard auprès de mes beaux-parents et du reste de la famille de Lucie, je sais que ce n’est pas le cas pour Chloé et Mattéo. Je ne veux pas qu’ils aient cette image de moi. Je ne le supporterais pas et puis ça serait entrer dans un autre mensonge, et il y aurait forcément des conséquences. Non, pour moi, les choses sont claires, pour que je retrouve une vie normale, Lucie doit au moins assumer son homosexualité auprès de nos enfants. Ce n’est pas si dramatique après tout. Mais ils ont trop jeunes pour garder ça pour eux, ça serait un fardeau que de les forcer à cacher ça, ils penseraient que l’orientation sexuelle de leur mère est honteuse ou pas normal. Bon j’y verrais plus clair demain et je compte bien trouver une solution, rapide et efficace. Je pense à Marie, à sa douceur mais aussi à son impatience… Elle a vraiment quelque chose qui m’attire. J’ai hâte de la revoir, peut-être devrais-je peut-être l’appeler ou lui envoyer un message ? Non mais où je vais comme ça ? Elle va penser que je pense qu’entre nous deux c’est du sérieux. C’est du sérieux ? Je réalise subitement que Marie occupe une trop grande place dans mes pensées. Je n’ai jamais prévu d’avoir une relation avec une autre femme à part sexuelle tant que c’est le merdier dans ma vie ! Je ne veux que combler mon besoin primaire de sexe, pour l’affectif je gère très bien tout seul ! Je me rassure car cette après-midi, ce n’était que physique, c’est certain ! C’est moi qui divague complètement ce soir, je suis à côté de la plaque.

            Les enfants sont surexcités, c’est le premier jour des grandes vacances. On est enfin arrivés chez mes beaux-parents et il fait vraiment un temps merveilleux. Ils courent de se mettre en maillot pour profiter de la piscine. Charles m’accueille avec son rituel à la con, je ne sourcille même pas. J’ai eu une semaine difficile au travail. Emmanuel et moi rentrons ensemble, demain soir car nos avons des gros dossiers client à gérer. Ce sont des grosses commandes qui n’étaient pas prévues et ce n’est pas le moment de les laisser filer. Cela fait quelques mois, que ma société est sur un fil tendu, la conjoncture est difficile et je dois m’investir au maximum pour la sauver de la faillite. Je n’ai vraiment pas le temps de régler les histoires familiales que je compte subir encore un peu. Le temps de finaliser ces marchés avec les clients et de respirer un peu. Je dois partir en début de semaine à Munich pour faire la présentation de nos produits au président directeur général d’une grosse franchise de magasin de bricolage allemand. Bon Papa a l’air également sur excité :

- Tu vois Lucie, j’avais eu un bon pressentiment concernant Emmanuel et Pascaline ! J’ai toujours raison ! Tu te rends compte, ils viennent ensemble avec les enfants ! C’est le rêve de notre vie avec ta mère de les voir ensemble ! Si tu savais le nombre d’heure que l’on passe au téléphone avec les du Teutre de Rignerand, on est fou de joie !

- Heu… oui, père. Ça serait effectivement une très bonne chose qu’ils se mettent ensemble… Au sujet de mère comment se sent-elle ? Tu m’as dit qu’elle était fatiguée cette semaine ?

Il me fixe dans les yeux et regarde Lucie, l’air grave.

- Tu sais ma petite, même si ta mère se réjouit de ce qui se passe elle reste très fragile surtout avec cette chaleur.

- Je crois qu’il faudrait informer Pascaline sur son état de santé. Dis-je sans ménagement.

- Non ! Frédéric, je pensais que les choses étaient claires, Pascaline a beaucoup souffert du décès d’Henri ! Lui annoncer maintenant que sa mère a une grave maladie la replongerait dans un effroi terrible, elle cesserait tout projet de mener enfin la vie qu’elle mérite ! Ça serait tellement égoïste de notre part ! Et puis Madeleine ne nous le pardonnerait jamais…

Il me sort vraiment par les yeux avec sa bonhommie et son sens exacerbé du mélodrame. Lucie a les larmes aux yeux, sans doute ému par les « belles » paroles de son père.

- Tu as cent fois raison Père ! Comme d’habitude.

Elle le prend dans les bras, son père en profitant pour me jeter discrètement un regard noir. Puis très solennellement, il rajoute :

- Pour l’instant votre mère se repose, j’ai demandé à Maria de préparer le déjeuner et de mettre le couvert. Je pense qu’elle descendra dès que Pascaline, Emmanuel et les enfants sont arrivés. Profitez-en pour vous détendre à la piscine, Frédéric, vous en avez vraiment besoin, croyez-moi !

- Vous avez sans doute encore une fois raison, bon papa. Dis-je avec ironie.

Il pince ses lèvres mais ne dis rien de plus. Il prend sa fille par la taille et l’emmène avec lui je ne sais où. Et je ne veux pas savoir. Je pars dans le bureau que j’ai aménagé dans une des chambres du premier étage qui ne sert de chambre d’amis que lorsque mes beaux-parents reçoivent beaucoup de monde, ce qui arrive rarement en dehors des membres de la famille. Je sors mon ordinateur portable et commence à rédiger ma présentation, comme ça je pourrais en discuter avec Emmanuel tout à l’heure. J’entends la voix de Madeleine, ma belle-mère. Elle est sans doute au téléphone. J’irais la voir plus tard, il faut que je discute avec elle, elle est bien plus censée que son idiot de mari. L’arrivée de Pascaline et d’Emmanuel se fait à grand bruit. A peine garés sur le parking de la propriété, qu’ils sont pris d’assaut par Lucie, Chloé, Mattéo. Bon Papa les rejoint rapidement. Je n’avais pas vu l’heure passée, et les cris qui proviennent de la cour me sortent de mon labeur. Je regarde par la fenêtre. Mon beau père sert Emmanuel dans ses bras comme si c’était le messie. Tout ce petit monde me parait bien euphorique ! Si Emmanuel et Pascaline pensaient leur faire une surprise en annonçant qu’ils sont en couple, c’est râpé ! C’est vraiment un secret de polichinelle, tout le monde semble être au courant. Même Madeleine accoure à leur rencontre. Ils ont à peine le temps de poser les valises dans le vestibule que Bon Papa demande à Maria d’apporter des coupes de champagne dans la grande pièce. « La grande pièce » est le nom qu’on donne à la pièce qui sert de salon tous les jours, il y a aussi le « petit salon » qui est lui réservé aux occasions mondaines. Je descends à mon tour pour les saluer. Les enfants sont sur des piles, Madeleine a l’air aux anges et Lucie et sa sœur sont en grande discussion sur les projets de vacances. Charles revient de la cave avec un magnum de Veuve Clicquot.

- Je crois que nous avons quelque chose à fêter ! Dit-il à l’assemblé.

Emmanuel a presque la larme à l’œil lorsqu’il fait l’annonce officielle de son couple.

- Petits cachotiers ! Dit Madeleine en les serrant tous les deux dans les bras.

- C’était dans l’ordre des choses… Murmure mon beau-père.

Nous trinquons à la nouvelle. Et le nouveau couple nous explique qu’ils ont enfin trouvé un appartement suffisamment grand pour les enfants avec une cuisine somptueuse. Ils ont l’air de nager dans le bonheur. Ça fait plaisir à voir. Les femmes discutent déco pendant que Charles nous montre comme à son habitude, sa grande maîtrise du tranchage de jambon cru. A chaque fois c’est le même cirque, il va chercher un grand couteau dont le manche est en corne, il prend une grande respiration, attends d’avoir l’attention de tout le monde et commence à trancher la cuisse montée sur un étau et s’auto-congratule lui-même de ses grandes compétences. Les tranches sont parfaites et elles doivent être qu’ainsi et pas autrement. Peu de gens peuvent arriver à ce résultat, il fait parti du cercle très fermé et select de l’excellence des trancheurs de jambon ! J’en profite pour toucher deux ou trois mots à Emmanuel sur la présentation de Munich. Comme à son habitude, il est très impliqué, et me donne ses impressions. Quelques minutes avant de passer à table, Lucie vient me voir. Elle est blanche.

- Frédéric, Pascaline m’a parlé du fait qu’on fait chambre à part ! Emmanuel lui a tout dit. En plus elle l’a fait devant mère !

- Ce n’est pas bien important non ?

- Si ! Tu as vu l’état de fatigue de mère ?

- Je trouve que ta mère est en pleine forme, je ne la trouve pas diminuée du tout ! Et puis eux-aussi font chambre à part. Arrêtes ce n’est pas un drame !

- Tu dis ça parce que tu es concentré uniquement sur ton travail, si tu avais fait un peu plus attention tu aurais vu comme père l’a décharge de toute tâche, il est vraiment aux petits soins pour elle, C’est beau…

Il est vrai que je n’ai pas vraiment été attentif car je n’ai rien vu donc je m’abstiens de toute remarque désagréable au sujet de mon beau-père. Nous passons à table dans un joyeux boucan, assourdissant. C’est un déjeuner gargantuesque, mes beaux-parents ont vu les choses en grand. Il y a une bouteille pour chaque plat et Charles a la main lourde, il nous ressert dès que nos verres sont vides. Arrivés au dessert, Maria nous apporte sa fameuse Charlotte à l’ananas. C’est un régal, mais comme toujours, je regrette d’avoir tant mangé et bu, je me sens lourd. Je sais déjà que cet après-midi je serais bon à rien. A priori, je ne suis pas le seul, Madeleine prend congé nous signifiant une fatigue extrême et part dans sa chambre sous le regard inquiet de sa fille et celui compatissant de son mari. Les enfants aident Maria à débarrasser. Avec cette chaleur, ils ne pourront pas aller à la piscine avant 16 ou 17 heures. Lucie nous apporte le café à l’ombre de la terrasse. Mon beau-père a sorti un cigare et l’odeur qui s’en dégage m’indispose totalement. Je prends congé, une bonne sieste me remettra d’aplomb. Notre chambre est située au deuxième étage de la maison sous les toits, la salle d’eau y est attenante. Comme pour la quasi totalité des 12 chambres. Ce qui fait que chacun a une certaine intimité et on se croise en pyjama uniquement pour aller aux toilettes car il n’y en a qu’un par étage dans une tourelle au bout du couloir. Je décide de prendre une bonne douche froide avant de dormir. Il fait tellement chaud en haut que je me tâte d’aller faire ma sieste à l’ombre d’un cerisier. Lorsque je coupe l’eau, j’entends de drôles de bruits, une sorte de gémissement. Je me sèche en vitesse, peut-être que Lucie se sent-elle mal ? Mais lorsque j’ouvre la porte de la chambre, je tombe des nus ! Au point que j’en fais tomber ma serviette par terre. Lucie est tranquillement assise sur notre lit, et simule un orgasme.

- Bon dieu !

Je n’en crois pas mes yeux ! Mais qu’est-ce qu’il lui arrive. Elle est totalement habillée, ne se touche pas… Je ne comprends pas du tout la situation. C’est totalement irréel ! Elle me fait signe de la main de me taire et continue son manège. Quand soudain avec son pied, elle tape le pied du lit. Ce qui fait vibrer toutes les cloisons de la chambre. Elle est complètement folle ! J’accoure vers elle pour la stopper, mais elle me retiens et pousse des cris puissants. Elle a vraiment perdu la raison ! Et dans un élan de démence, elle pousse un long soupire et s’arrête. Je dois avoir les yeux totalement écarquillés ! Mais que vient-il de se passer ?

- Frédéric ! Couvre-moi ton machin s’il te plait, tu sais bien que ça me gêne !

Elle me sort ça comme s’il ne s’était rien passé. Non mais je rêve !

- Lucie, dis-je aussi calmement que ma volonté me le permet, c’est quoi ce bordel ?

- Oh, désolée mais je voulais couper court aux rumeurs ! Elle me sourit consciente du ridicule de la situation.

- Tu ne vas pas bien ?

- Comme ça tout le monde sait qu’on vient d’avoir un rapport sexuel, tu comprends ? Que nous sommes un couple épanoui même si on fait chambre à part…

- Non, tu te trompes Lucie ! Tout le monde croit que je viens de te prendre comme une bête et que je t’ai sans doute cassé les jambes arrières !

-Oh ! Elle devint rouge et un peu embarrassée elle rajoute : Cela montre notre fougue !

Mais qu’est-ce qu’elle y connaît à la fougue ! A chaque fois que je l’ai touché, elle restait immobile à attendre que le temps passe ! Elle veut vraiment ma mort avec ses histoires de fou.

- Cela montre surtout que t’es timbrée !

- Oh, ne le prends pas comme ça, je ne recommencerai plus maintenant plus personne me posera de question sur notre intimité ! Bon je vais te laisser dormir…

Ce spectacle a eu le mérite de me dégriser instantanément. Je me sens comme un lion en cage, totalement impuissant. Je ne peux pas trouver le sommeil alors je décide d’aller travailler une bonne partie de l’après-midi. Le soir venu, lorsque je descends à la grande pièce les cinq enfants regardent une émission à la télévision. Ils ont l’air calmes, sans-doute la piscine qui les a épuisés. Emmanuel me fait un grand sourire et me donne un coup de coude.

- Je vois que tu n’as pas perdu le coup de main ! Ou plutôt le coup de rein ! Me dit-il discrètement.

Je ne le regarde même pas. Sa remarque est tellement déplacée mais en même temps je ne lui en veux pas vraiment, c’est Lucie qui a initié cette situation avec son sketch lamentable. J’annonce au diner que je rentrerais plus tôt pour peaufiner mon dossier. Lucie n’est pas dupe, elle voit bien à quel point elle m’a contrariée et semble vraiment désolée. En plus, je ne suis vraiment d’humeur à me lever aux aurores pour assister à la messe dominical. J’ai l’impression que si je mettais un pied dans une église, je recevrais d’office la foudre divine… Emmanuel tente de me convaincre de rester jusqu’au déjeuner pour profiter un peu de mon week-end mais devant mes arguments professionnels, il cède. Nous rentrerons ensemble. S’il savait dans quel merdier je me trouve, je suis certain qu’il m’épaulerait. L’espace d’une seconde j’envisage de tout lui révéler pendant le trajet, demain, mais maintenant qu’il est officiellement lié à la famille de Lucie, ça serait trop délicat !

- T’es-tu bien reposée, mère ? Demande Lucie pour changer de sujet.

- Oh oui ! Mais tu sais avec l’âge, je supporte de moins en moins les abus ! Et cette canicule qui n’en fini pas…

- Ma chérie, ce soir tu te coucheras tôt, il ne faut pas que tu fasses d’effort… Dit Charles.

- Non mais je ne sais pas ce qui te prends Charles, mais depuis qu’il y a les enfants tu me maternes comme si j’étais une petite fille ! Je vais très bien combien de fois faut-il que je te le dise !

Mon beau-père se penche vers Lucie et moi pour nous murmurer :

- Vous voyez à quel point elle est fière !

Lucie lui lance un regard plein de compassion avant de se retourner vers moi.

- Tu comprends maintenant ?

Puis sans réponse de ma part, elle enchaine sur la kermesse. Raconte à ses parents comme tout s’est passé comme elle le souhaitait.

- Ah mais tu oublies cette femme qui a maquillé les enfants comme des morts vivants ! Si tu avais vu, Mère, c’était apocalyptique ! Dit Pascaline moqueuse.

Lucie balaye sa remarque d’un rire en rajoutant que ça avait mis un peu d’animation et que ce n’était pas plus mal. Elle se met encore une fois à parler de la directrice, ne tarit d’éloge à son égard et dit à Pascaline que Sophie sera très bien avec sa cousine dans cette école. Je me demande si Lucie n’a pas le béguin pour Mme Riponi ! Ça me fait sourire mais après tout je ne connais rien de sa vie, je ne sais même pas si elle est mariée, mais peu importe.

- Cette madame Riponi a l’air d’être une bonne directrice, ma fille, mais son métier n’est pas si difficile que ça… Tu devrais modérer tes propos sinon tes enfants croiront qu’être fonctionnaire est un métier honorifique ! Dit Charles qui semble agacé.

- Père ! Directrice d’école, instituteur ou je ne sais quoi d’autre… est un métier très respectable ! Ne commence pas à dire ce genre de chose devant mes enfants justement !

Tout d’un coup je la sens aussi tendu que la fois où elle avait littéralement pété un câble en apprenant la maladie de sa mère. Et son père aussi, alors il tempère ses propos.

- Bien sûr, tu as raison Lucie. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Je crois juste qu’il y a des professions qui demandent … un investissement plus important… Bafouille-t-il. Regarde Emmanuel et ton mari, ils travaillent sans cesse, n’ont pas d’horaires et parfois pas de vacances !

Si j’avais appris une chose en venant ici depuis toutes ces années, c’est qu’il ne fallait jamais parler politique, religion, ou société à table ! Pascaline rit devant la mine déconfite de sa sœur et parle du marché allemand que l’on tente de conquérir avec Emmanuel. Je peux lire dans ses yeux toute l’admiration qu’elle porte à son compagnon. Encore une fois, je repense à Marie alors que j’avais tout fait pour éviter cela. Le souvenir de sa peau, de son odeur m’émeut. J’aurais aimé avoir son goût sur ma langue. Je sens mon sexe en érection. Quand je pense à elle, je ne me contrôle plus. Mardi soir, comme tous les soirs, je suis sorti très tard du travail, et avant de rentrer chez moi je suis passé devant chez elle pour me dégourdir un peu les jambes. Je me suis posté devant son immeuble. J’ai vu de la lumière à son étage. Et je suis resté là à m’imaginer ce qu’elle était en train de faire. Il y avait un gros chat noir sur son balcon, je suis parti quand j’ai vu une ombre vers la porte fenêtre sans doute venu ouvrir à l’animal. Elle me met dans un drôle d’état, et je n’aime vraiment pas ça.

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