Chapitre 11 - Le centre commercial.

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 Je ne suis pas du genre à me morfondre. L’épisode « Fred » est clos. J’ai passé l’âge de me prendre le ciboulot pour un homme ! Dire que je me sens adulte et responsable serait peut-être exagéré mais du moins je tente de faire preuve d’un peu de dignité. Ce sont les grandes vacances, je sais que je ne le reverrai pas avant 2 mois. J’estime que c’est un délai raisonnable pour que la pilule passe ! Et heureusement que Guillaume m’a annoncé hier, qu’il irait déposer et chercher Lucas chez les Bonneton le week-end prochain. Sans que je lui demande quoi que ce soit, comme quoi, parfois, la vie nous réserve de bonne surprise ! Même si j’essaye de garder mon optimisme, pour être tout à fait honnête, je ne me sens pas au mieux de ma forme, et plus précisément, je me sens minable. Je n’ai plus le goût à rien sauf à m’occuper de mon fils et de passer de bons moments avec lui avant ses vacances. Je sens bien que je ne suis pas dans mon état normal, la preuve est que je bois des tisanes sous cette chaleur suffocante. Ce sont des tisanes spéciale « nuit tranquille », je m’applique petit à petit à rentrer dans la rôle de la parfaite vieille fille, bizarrement cela me réconforte. Il faut dire que j’ai vraiment du mal à m’endormir ces dernières nuits alors j’essaye des trucs de désespérée. Je tente d’occuper toutes mes journées également afin d’éviter de trop penser. Par exemple, ce matin, comme toutes les mamans branchouilles de la ville, j’ai amené Lucas au marché bio du quai Saint Antoine, nous avons passé une éternité à préparer des petits plats, en suivant les recettes à la ligne pour une fois et il me semble qu’il a adoré ! Puis nous avons décidé de repeindre sa chambre, c’est encore un peu le chantier mais on gère bien, et ce soir nous regardons les premiers épisodes de Starwars. Je ne sors plus le soir, de toute façon Baptiste et Alex sont trop occupés à roucouler et Clotilde et Paul sont partis en Bretagne avec leurs petites et ne reviendront que dans 10 jours. Pour l’instant je finis de faire les pop-corn que j’amène à Lucas et Hercule… Car de toute évidence ce chat préfère manger comme les humains ! Lucas lui a accroché une serviette autour du cou pour ne pas qu’un grain de maïs soufflé et sucré, se colle à sa fourrure. La dernière fois que c’est arrivé, il l’a gardé pendant une semaine car il refusait qu’on s’approche lui enlever. Il le gardait comme une mère protège son nouveau né. Il est popcornophile ou quelque chose comme ça. Ce chat est vraiment étrange mais je trouve adorable de voir la complicité qu’il y a entre Lucas et lui… J’éteins la lumière du salon et je mets le dvd en route. Au bout de 5 minutes je commence déjà à m’endormir, signe que ma tisane fait effet. Je somnole complètement quand d’un coup quelqu’un sonne à la porte. Lucas me réveille doucement. Je regarde ma montre, il est 21h14 ! Je me lève et silencieusement je me traite de vieille défoncée à la tisane… C’est Baptiste, il n’a pas l’air en forme.

- Bonsoir Marie, je ne te dérange pas ?

- Bien sûr que non Baptiste ! Dis-je en baillant. Que t’arrive-t-il ? Tu n’as pas l’air bien du tout.

- Oui c’est Alex…

Je comprends à son air que c’est grave.

- Viens à la cuisine on sera mieux pour discuter, Lucas et Hercule regarde la télé…

Nous rentrons dans la pièce et Baptiste me demande si j’ai du vin. Malheureusement, pour la première fois depuis bien longtemps, je n’en ai pas. Cela fait partie de ma thérapie anti pensée impure ! Avec l’alcool mon esprit s’échauffe, et je veux éviter ça à tout prix. Il me dévisage :

- Tu vas bientôt rentrer au couvent ? C’est ça ?

- Mais non… C’est juste que je ne bois jamais seule et que je ne pensais pas recevoir du monde cette semaine. Et puis je ne pense pas qu’un seul couvent m’accepterait !

- Pourtant t’as bien décidé de finir ta vie comme une nonne !

Il est vraiment irascible ce soir, mais qu’a-t-il donc ?

- Oh excuse-moi Marie… Je ne voulais pas dire ça. C’est juste que j’ai besoin de prendre l’air ce soir, car avec Alex, c’est vraiment difficile…

- Non ce n’est rien, explique-moi ce qu’il ne va pas. Tout me semble bien aller, pourtant, entre vous deux ?

- Je ne sais pas comment te l’expliquer, tout va bien entre nous. Je le trouve toujours aussi beau, le sexe avec lui est toujours aussi fantastique et il est toujours aussi gentil… C’est peut-être ça le problème ! En fait il est trop… gentil !

- Tu exagères ! Franchement trop gentil, ce n’est pas un défaut. Tu n’essayerais pas de saboter ta relation par hasard ? Non parce qu’Alex soit gentil ne peut pas être une cause de rupture…

- Je me suis mal exprimé… Ce n’est pas qu’il soit gentil, le vrai problème… C’est qu’il est un peu… perturbé ! Il est capable de faire tout ce que je lui demande, il le réclame même ! Par exemple, la dernière fois, il m’a tellement saoulé en me suppliant de lui dire quoi faire que je lui ai demandé de se foutre à poil dans l’entrée et de faire le porte manteau avec ses bras…

- Baptiste !

- Et il l’a fait !!!! Pendant au moins une heure !

- Ah effectivement je comprends qu’il y a un gros malaise !

- Je l’aurais largué depuis longtemps s’il n’était pas aussi parfait pour tout le reste, beau, drôle, intelligent ! Il a toutes les qualités que je demande à un homme sauf qu’il est totalement givré ! Ça me rend dingue…

- Tu devrais lui en parler, si ça se trouve il ne se rend compte de rien.

- Je lui ai dit que toutes ces conneries ne m’amusaient carrément plus et il m’a répondu qu’il ne pourrait pas vivre sans… C’est notre première dispute et je sens que c’est vraiment mal parti entre nous...

- Dans ce cas, tu devrais peut-être envisager une pause de quelques jours seulement, ça vous permettrait à l’un et à l’autre de voir la situation plus clairement !

- Je ne sais pas, oui tu as sans doute raison…

On finit la soirée devant le film et Baptiste décide de coucher sur le canapé plutôt que de rentrer chez lui. Cela ne me pose aucun problème et je le soupçonne de vouloir rester chez moi pour être certain de ne pas croiser Alex qui viendrait l’improviste chez lui. J’espère vraiment qu’ils vont trouver une solution tous les deux car je trouve qu’ils forment vraiment un très beau couple. D’ailleurs depuis que je connais Baptiste, c’est la première fois que je le vois avoir une relation aussi sérieuse.

Le lendemain nous déposons Lucas au centre aéré et partons tous les deux au travail en métro. Il n’y a pas la climatisation au bureau, ou du moins dans « l’open space » car les boss, eux, l’ont ! Ce qui fait que la journée est vraiment difficile, on est tout transpirant et le moindre mouvement nous demande un effort surhumain ! L’ambiance est insupportable, comme si la famille Trique décidé de se liguer contre nous. Dès le début de la journée, nous sommes totalement ignorés par Bernadette, la patronne « chihuahua » et sa fille, ensuite le fils nous aboie des ordres sans aucun sens, prétextant qu’il faut que nous bossions deux fois plus pour compenser l’absence des salariés en congés et enfin M. Trique en personne vient nous engueuler car nous bâclons notre travail, que nous allons trop vite, sans même avoir jeter un coup d’œil à nos dossiers. Déjà que je me sens légèrement déprimée, mais là c’est le pompon. Je broie du noir, ma vie est franchement merdique. Je suis à deux doigts de fondre en larme quand j’ai l’une des meilleures idées que j’ai pu avoir depuis bien une décennie ! Il faut que je me barre de ce job de merde, de cette boîte de gros tarés, de cet asile de fous ! Je vais monter mon propre cabinet comptable ! C’est vrai quoi, j’ai assez de problème dans ma vie pour ne pas que je m’en rajoute en bossant pour des trous du’c pareil ! C’est une révélation. C’est un peu comme si j’entendais des petits anges flottants, chanter « Alléluia, Alléluia ». Pourquoi n'y avais-je pas pensé avant? Je retrouve le sourire. Baptiste me dévisage sans comprendre. Je ne peux rien lui dire pour l’instant car il faut que j’y réfléchisse plus posément. Mais rien que l’idée m’enthousiaste et cette journée prend une toute nouvelle direction. J’ai tellement hâte de déposer ma démission que j’en rêve les yeux ouverts quand Baptiste me sort de ma distraction :

- Dis Marie… Ça ne te dérange pas si je couche encore chez toi ce soir ? Je ne me sens pas encore prêt à affronter Alex…

- Non, pas de problème ! Au contraire, il faut absolument que je te parle d’un super projet que j’ai en tête ! Tu vas voir ça va te plaire.

Et puis me rendant soudainement compte de la raison pour laquelle il ne veut pas rentrer chez lui, je rajoute :

- Mais tu sais, il faudra bien que tu aies une discussion avec Alex, et je pense que tu ne devrais pas trop tarder.

- Tu as raison mais je suis ton conseil de prendre un peu de distance pour y voir plus clair… Et puis maintenant j’ai hâte de savoir ce qui t’a trotté dans la tête toute l’après-midi, j’ai vraiment eu l’impression que tu planais à cent mille.

Et il me lance un clin d’œil. Nous allons faire deux trois courses avant de récupérer Lucas. Mon fils est ravi de revoir Baptiste. Ils s’aiment bien tous les deux. On prépare une salade de tomate en buvant une bière. Et je lui expose mon projet. Il est tout aussi enthousiaste que moi, alors mon projet devient notre projet. C’est super car je ne m’imaginais pas travailler sans lui. On passe notre soirée à détailler ce dont nous avons besoin, et faire des recherches sur toutes les démarches administratives qui seront nécessaires. Tout semble plus simple lorsqu’on est deux. Nous nous faisons un planning de ce que nous devons faire et nous nous répartissons les tâches, Baptiste doit s’occuper de toutes les démarches auprès de la chambre du commerce et moi je dois lister tous les clients susceptibles de suivre, ceux que nous devons démarcher et surtout je dois trouver des locaux à visiter. Car clairement, que ce soit Bat ou moi, aucun de nous ne souhaite travailler à domicile, ce ne serait pas très sérieux. On passe une super soirée et Lucas participe en cherchant le nom de notre future structure jusqu’à mourir d’épuisement.

C’est samedi matin, et nous allons, avec Lucas, à la bibliothèque municipale, histoire de lui faire un stock de livres avant ses vacances avec son père. Baptiste est rentrée chez lui plus motivé que jamais. Je sens que le vent tourne, on va enfin réussir à faire quelque chose de bien ! Il vient de m’envoyer un texto :

« Hello Poulette, je viens de parler avec Alex. Ça semble s’arranger. Je t’appelle plus tard. :* »

Ça me fait plaisir d’avoir cette nouvelle, mais j’attends son appel pour vraiment me réjouir. Nous trainassons dans les allées vides du centre commercial attenant à la bibliothèque municipale, Lucas s’arrête devant un magasin de jeux vidéo et dévore des yeux la nouvelle console à la mode. Putain, 1000 euros quand même ! Je ne comprendrais jamais que quelqu’un puisse mettre autant d’argent dans une boîte désociabilisante ! Moi pour pas un sou, je suis capable de m’installer dans une grotte et ne parler à personne ! D’ailleurs c’est ce qui m’attend la semaine prochaine… Mais j’en profiterais pour chercher le local. Je suis dans mes rêveries quand j’entends Lucas :

- Bonjour Monsieur Bonneton.

Mon cœur s’arrête. Ai-je bien entendu « Monsieur Bonneton » ou mon cerveau fait des siennes ? Je reste immobile, je n’ose pas bouger de peur de voir qu’il y a bel et bien Fred derrière moi. Pourquoi le sort s'acharne-t-il ainsi? Je veux juste tourner la page, reprendre le cours de ma vie! Tétanisée, je lève les yeux et croise le regard de Monsieur Je-suis-un-dieu-du-sexe-mais-je-suis-le-pire-connard-car-je-suis-marié-et-je-m-en-fout-totalement, dans le reflet de la vitrine. Mon rythme cardiaque s’accélère fortement, je suis au bord du malaise, et la seule pensée qui me vienne à l’esprit est que je n’aurais pas du mettre mon tee-shirt Bob Marley à franges ce matin…

- Bonjour Lucas, Marie…

Sa voix s’échoue dans un murmure. Je me retourne et il est là devant moi. Il se tient droit, sa mâchoire et ses poings sont serrés. « Il est tendu comme un string ! » me dis-je. Non, il ne faut pas que je l’associe à un string, il me vient toutes ces images interdites au moins de 18 ans que j'ai tant cherché à enfouir au fond du trou de ma culpabilité ces dernières semaines. Mais dans quel pétrin je me suis fourrée ! Je le défigure car il me semble que je n’avais jamais réalisé la perfection de ses traits, de sa mâchoire carrée, la puissance de ses mains…

- Maman, le monsieur t’as dit bonjour… Dit Lucas trop content de me retourner une remarque que je lui fais souvent.

- Petit malin ! Je passe instinctivement ma main dans ses cheveux bruns. Bonjour monsieur Bonneton.

Je sais, j’ai l’air d’une pimbêche à l’appeler par son nom de famille mais cela crée au moins l’illusion d’une certaine distance entre nous. Il y a maintenant Lucas tout content, Fred, une distance imaginaire, Bob Marley et moi.

- Tu viens le week-end prochain à la maison Lucas ?

- Oui ! Ça va être super, j’ai trop hâte de montrer à Mattéo mes nouvelles cartes Pokémon !

- Il y aura aussi Anatole, si j’ai bien compris… Il me regarde droit dans les yeux.

- Oui je sais, je l’ai eu au téléphone hier ! Dit Lucas se rendant compte de rien.

Anatole est le gamin que j’ai failli défigurer à la fête de l’école. Je retiens mon souffle quand je repense à ce qui s’est passé quelques minutes après le sauvetage d’Alex.

- Seriez-vous en train de repenser à vos performances artistiques, madame Plessis ?

Le voilà qui me vouvoie maintenant ! Mais au lieu de calmer mon ardeur, je sens à contre-coeur une petite pointe d'excitation m'envahir! Ça y est la nympho en moi se réveille. Pourquoi ne me rend-il pas indifférente? Pourquoi faut-il que je m'inflige tout ça? Ce mec se fout de moi et de sa femme…Je lutte pour paraître le plus neutre possible. De son côté, je ne décèle aucune expression particulière sur son visage, il est indéchiffrable. Je ne sais pas s’il s’amuse de moi ou s’il cherche juste à combler un silence gênant. Voit-il dans quel état je me trouve? Je ne sais pas ce que je suis pour lui. Sans doute un trophée de plus. Je m’agace dans tous les sens du terme.

- Comment va votre épouse ?

Mais pourquoi ai-je demandé cela ? Ce ne sont pas mes oignons après tout, alors je rajoute pour nuancer :

- Tout se passe bien avec les enfants ?

Il me fixe dans les yeux puis soudain son air se rembrunie. Je le sens mal à l’aise, il regarde dans le vide, puis ses pieds. Ça y est, on y est ! C’est le fameux changement climatique… Après le froid, puis le chaud avec bien évidemment la fonte des glaces, maintenant on arrive au moment fatidique où tout va foutre le camp, où le point de non retour va être franchi, où l’hiver galactique va s’installer et les astéroïdes de la taille d’un stade de foot vont venir percuter ma pauvre cervelle déjà bien ramollie par le visionnage d’un nombre inavouable de films de série Z!

- Marie…

Il semble hésitant et regarde Lucas.

- Tout se passe bien, merci. J’étais en déplacement cette semaine, je vais retrouver mes enfants mercredi. Ils m’ont manqués et je veux dire que… ma femme aussi, elle… Enfin Lucie m’a manquée... Bon, je dois y aller. A la semaine prochaine Lucas. Bonne journée madame Plessis.

Il parle très vite. J’ai l’impression qu’il ne prend même pas le temps de respirer. Il nous lance un rapide sourire et il part sans même attendre une réponse de notre part. En même temps il aurait pu attendre longtemps. Mon cerveau analyse, en mode magnéto, ce qu’il vient de se passer au ralenti, mais je me ressaisis en me disant que sa réaction était franchement prévisible. C’est vrai, dire au revoir et partir, c’est une réaction normale pour des gens normaux ! Peut-être que je ne suis pas « normale » ? Je m’attendais à quoi ? Donc TOUT SE FINIT BIEN, dans le meilleur des mondes… Il n’y a aucun malaise. Non, aucun. Alors pourquoi dois-je faire des efforts surhumains en sa présence, pour ne pas me jeter sur lui, le déshabiller, et le violer ! Putain, il vient de me gâcher ma journée ! Mais c’est quoi son problème exactement ? Pourquoi est-il venu nous voir, il aurait tout aussi bien pu nous ignorer, non ? Bon je ne vais pas me laisser aller, pas quand Lucas est là ! Je prends de grandes respirations, regarde mon fils, le seul être sur cette terre à m’aimer quoi que je fasse, et décide que ce samedi 8 juillet sera une journée très agréable coûte que coûte ! Nous nous dirigeons vers la grande bibliothèque. Lucas me tient la main.

- Tu sais maman, tu vas me manquer ces 2 prochaines semaines…

- Je sais mon amour, toi aussi mais on se téléphonera souvent ! Paul et Clotilde rentrent bientôt, et ils vont m’installer Skype ! Comme ça on pourra se voir ! Je vais devenir une mère au top de la technologie et ultra connectée !

- Pfff même grand-père sait utiliser un ordinateur mieux que toi !

- Ça ne compte pas !

- Pourquoi ? Demande-t-il, ahuri.

- Parce que je t’ai donné une bonne partie de mes neurones à ta naissance pour que tu sois le garçon parfait que tu es devenu aujourd’hui ! Et que ton grand-père n’a pu eu ce genre de sacrifice à faire avec moi !

Je l’embrasse sur la tête. On choisit 6 livres pour les prochaines semaines. On nous autorise même à prendre 2 bande-dessinées supplémentaires. Je réserve exclusivement ma soirée à tout ce qu’il aime faire. Il m’apprend le fonctionnement de son jeu vidéo et s’amuse de ma dextérité ! On mange un bon vieux Mac do, ce qui arrive vraiment rarement mais cela lui fait tellement plaisir, que ce soir j’ai cédé. Et il part se coucher pendant que je finis de faire ses valises.

C’est dimanche soir, j’ai un peu le bourdon. J’ai déposé Lucas chez son père, et j’appréhende ces 2 semaines sans lui. C’est qu’il commence à grandir, bientôt il sera adulte, il faut que je m’habitue à ma solitude. Je fais une première entrave à mon nouveau style de vie mémère en me servant un verre de vin. Et m’assied sur une des chaises du balcon. Il fait chaud et la nuit est tombée. J’aime l’odeur de l’été, la ville semble fonctionner au ralenti. Hercule, scrute les quelques passants qui déambulent dans la rue et se retourne parfois pour me lancer des regards réprobateurs. Il aurait été un parfait inquisiteur avec sa robe noire et son petit sourire pincé. Je regarde le journal des petites annonces et entoure celles susceptibles de m’intéresser pour le local. Ce calme m’est bénéfique. Tout en bossant sur mon projet, je finis la bouteille sans m’en rendre compte. Je ressens une once de remord lorsque je m’en aperçois et décide qu’il est temps d’aller me coucher. Lorsque je tombe sur Marcel dans la salle de bain, je ne peux m’empêcher de repenser à Fred et à sa plastique tellement parfaite… Face au miroir, les yeux fatigués et le regard légèrement hagard, je me fais la promesse de reprendre ma vie sentimentale en main et d’arrêter les conneries ! Hercule se met à miauler, comme si j’étais irrécupérable. Il me juge, encore. Et ma dernière image de cette soirée est celle du chat assis sur le fauteuil de ma chambre, me dévisageant désabusé lorsque je lui annonce :

- Toi, petite chose ingrate, tu vas passer une semaine chez la voisine lorsque je serais dans le Sud. Donc fais gaffe à ton comportement sinon tu y resteras une semaine de plus !

Et il me semble que je lui ai tiré la langue, ou en tout cas j’ai imaginé le faire.

Le réveil sonne ! Aïe ! Ma tête ! Je me traine à la cuisine direction café  et paracétamol ! Une bonne douche et ça repart. Allez courage petite, tu as du potentiel. J’ai l’impression que j’ai une équipe de pom-pom-girls qui se déchainent dans ma tête pour me soutenir. Je me sens gonflée à bloc. Je me maquille légèrement et enfile une tenue simple, confortable et jolie. Des sandales plates, mais je m’aperçois qu’il faut absolument que je retouche le vernis de mes orteils. Je décide de clore définitivement ma période de jeûne aujourd'hui. Je me parfume. Je donne des croquettes au chat, qui continue sa grasse mat’ comme pour me narguer. Et je pars en direction du métro, toute guillerette. Baptiste me siffle lorsqu’il me voit au loin, et on s’assoie ensemble dans le wagon. Il me raconte que vendredi soir il a appelé Alex et lui a demandé de passer chez lui. Alex était dans un sale état. Il lui a fait comprendre qu’il avait cru que Baptiste l’avait plaqué, ce qui l’avait anéanti. Alors Baptiste lui a dit à quel point il le trouvait parfait sauf pour ses trucs de soumis. Il lui a expliqué que ce n’était pas dans son tempérament de dominer, que l’être humain civilisé pouvait se passer de ce type de rapport de force qu’il trouvait archaïque. Que tout ceci l’agaçait au plus haut point et que ça le rendait méchant. Et qu’il s’en voulait. Surtout, il n’avait pas besoin de l’humilier pour l’aimer ou se sentir aimé.

- Et que t’a-t-il répondu ? Tu lui as fait une super déclaration Baptiste, c’est vraiment du sérieux votre relation. Dis-je ému.

Alex lui avait paru vraiment soulagé, et il acceptait les conditions que lui imposait Baptiste.

- Tu sais à quel point ça fait du bien de se retrouver après une dispute ! C’était génial, on a passé un bon week-end.

- Tant mieux c’est une excellente nouvelle ! Et tu penses qu’il a bien compris le message ?

- Oui, ça ne fait aucun doute ! Il m’a laissé débarrasser la table hier, et a laissé trainer nos vêtements sur le sol de la chambre sans même sourciller ! Et cet inconscient m’a même laissé faire la cuisine !

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