Chapitre 8 - Les pâtisseries.

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 Dans les vestiaires, Paul et Karim ont un fou rire. Après deux heures de volley, c’était toujours la détente, tout le monde décompresse. Je sors de la douche, une serviette nouée sur les hanches et je m’approche pour connaître la raison de cette excitation. Paul me montre le trou qui se trouve sur le caleçon de Karim. Il le chambre carrément ! Karim se moque de lui même :

- Oh ! Mais je t’assure que j’ai fait exprès de porter ce caleçon ! Ce matin quand j’ai vu ce trou, je me suis dit « allez soyons fou ! Ça ventilera le paquet ! ». Et en plus, je suis toujours à la pointe de la mode contrairement à vous, bande de mous du gland ! Moi je suis la vague « clodo chic ! » !

- Avoue, c’est surtout ta femme qui l’a intentionnellement mis dans tes affaires pour te faire payer ton machisme ! Elle s’est vengée !

Karim était un faux macho. En public, il pouvait se montrer légèrement sexiste mais tout le monde savait que c’était sa femme qui portait le slip et qu’il ne rechignait jamais aux tâches ménagères ni aux corvées domestiques. Mais comme il avait une double personnalité, on s’amusait souvent à le confondre. Mais je n’allais pas trop loin dans la moquerie car de mon côté je n’étais pas blanc blanc, et la situation aurait pu se retourner contre moi. Je savais qu’il aurait été impensable que Lucie laisse passer un vêtement abimé ou usé, elle l’aurait reprisé. Ce n’est pas vraiment que je ne participe pas à la vie domestique de la maison, mais simplement que je suis nul en couture et tout ce qui est en rapport avec le linge et les vêtements. Je ne suis vraiment pas pudique mais au moment d’enlever ma serviette pour enfiler mon boxer, je me retourne. Paul et Karim ont déjà vu mon sexe, et je me souviens encore de leurs cris de stupeur en le voyant et de leurs yeux ronds, incrédules. Karim avait ouvert le début des hostilités :

- Wahou ! Ne me dis pas qu’elle est au repos là !

Puis avec Paul, ils avaient continué gentiment à me taquiner sur la taille de ma queue. Rien de méchant bien sûr, ils étaient plutôt envieux et leurs remarques étaient plus des compliments que de la raillerie. Mais comme depuis l’adolescence, les gens se focalisaient sur la taille de mon phallus, j’avais parfois l’impression d’être une bête de foire. Pour mes 18 ans, mes amis m’avaient offert un string avec une tête d’éléphant sur le devant et une très longue trompe… Même si cela avait été fait avec humour, j’étais étiqueté le « mec à la grosse  bite ». Et avec le temps c’était pesant. On finit de se préparer, et on va boire un verre dans un bar à côté du club. C’est notre rituel. Assis tous les trois en terrasse, il fait vraiment bon maintenant, on discute du programme de nos vacances. Je leur dit que nous avons prévu d’aller voir mes beaux-parents, une semaine courant juillet. Ils savent que c’est une corvée pour moi et que la famille de Lucie a des mœurs différentes des miennes. Ils me disent qu’ils sont de tout cœur avec moi.

- Oh, ça ne va pas être si dramatique que ça ! Leur répondé-je.

- Mais Frédéric, je ne sais pas ce qui t’arrive mais tu as l’air vraiment plus détendu en ce moment. Avant tu aurais grogné et changé de discussion immédiatement !

C’est vrai que ma vision du pèlerinage chez mes beaux-parents a changé. Depuis que nous nous sommes officieusement séparés avec Lucie, le poids du devoir est beaucoup plus léger. Je les tolère pour elle et mes enfants… J’essaye d’imaginer la tête de mes amis si je leur apprends que ma femme, après 13 ans de mariage, m’a avoué qu’elle préférait les femmes… Elle, qu’ils considèrent tous, comme la femme parfaite ! Et que par dessus le marché, j’étais assez maso pour rester marié à elle, même si je ne l’aimais plus comme un époux le devrait. Tout ça, parce qu’elle a des parents ultra conservateurs et envahissants, et que ça achèverait sa mère mourante ! Ah, il est beau le tableau. Mais en tout cas, ce n’est pas si triste que ça, vu que maintenant, je m’envoie enfin en l’air… Si, en fait, je me fais pitié.

On parle de la kermesse qui aura lieu samedi après-midi. C’est « le » sujet du moment. J’ai hâte que ça se termine, Lucie prépare ça depuis des mois et je dois avouer que ça m’a passablement rendu dingue. D’ailleurs, je trouve que cette année, Lucie a mis la barre très haute, elle s’est infligée une pression de malade et tout doit être parfait ! Je sais déjà que samedi matin, je devrais faire plusieurs aller-retours en voiture pour aller chercher les gâteaux, les boissons, différents accessoires etc… Sans parler des stands que je devrais monter… La journée promet d’être horrible.

Paul m’annonce, qu’il viendra avec sa femme et ses filles car son ainée rentre au collège en septembre. On parle de Guillaume qui sera également présent, et je ne peux m’empêcher de penser à Marie… Chacune de mes rencontres avec elle, a été surprenante. Elle me touche vraiment avec sa timidité… Je suis obsédé par les rougeurs sur ses joues lorsqu’elle se sent gênée, et par son corps qui est vraiment parfait. Cette femme respire la féminité ! Elle a comme un pouvoir d’attraction sur moi… Je bande rien que de penser à elle. La dernière fois je l’ai croisé devant l’école, je ne l’avais pas revu depuis l’épisode de la boulangerie. Et ça m’a retourné le cerveau ! Je ne voyais qu’elle, j’étudiais chaque réaction de son visage, de son corps…J’étais comme hypnotisé par son décolleté, elle avait la chaire de poule et sa respiration faisait bouger ses seins de façon sensuelle, j’aurais aimé les lécher. Je me remémorais aussi son magnifique fessier que j’avais eu la chance d’entrapercevoir. J’ai eu envie de me jeter sur ses lèvres et d’enfoncer ma langue dans sa bouche une bonne dizaine de fois. Et puis il y a son petit côté excentrique ou tête en l’air qui m’amuse beaucoup. Elle est très rafraîchissante ! Après une dernière tournée, je laisse Karim et Paul en pleine discussion sur le foot. Je rentre tranquillement à la maison, songeur. Dès mon arrivée je sens une bonne odeur venant de la cuisine. Lucie et les enfants en sont au désert.

 - Bonsoir Frédéric ! Je pensais que tu rentrerais plus tard sinon on t’aurait attendu pour diner.

Elle est vraiment prévenante avec moi depuis qu’elle a fait son coming out.

- Ne t’en fais pas Lucie, j’ai picoré deux, trois tapas avec Paul et Karim. La journée a-t-elle été bonne les loulous ?

- Oui Papa dit Mattéo.

- Au fait, j’ai eu ma sœur, Pascaline, et elle sera là samedi à la kermesse, elle m’a dit qu’elle avait dans l’idée d’inscrire Sophie à la rentrée… Tu te rends compte !

- Chouette, Sophie pourrait être dans ma classe ! Trop bonne nouvelle ! S’exclama Chloé.

Chloé et Sophie n’ont que quelques mois d’écart et s’entendent à merveille. Ça me fait plaisir de voir ma fille si enthousiaste.

- Allez les enfants, allez faire votre toilette avant de vous coucher ! Dit Lucie, que je soupçonne vouloir avoir une discussion privée avec moi.

Les enfants sortent de la cuisine, et nous laissent seuls.

- Ça m’inquiète, cette nouvelle proximité avec Pascaline… Il va falloir être très prudent, Frédéric.

- Tu devrais lui parler de l’état de santé de ta mère, ça serait plus simple…

- Je ne parle pas de ça, mais de nous ! Si elle se rend compte qu’il y a quelque chose qui cloche entre nous, mes parents seront automatiquement au courant…

- Non tu t’inquiètes pour rien, il n’y a aucune raison qu’elle découvre le pot aux roses, et puis je ne vois pas pourquoi elle penserait que notre couple va mal, il va bien, les règles ont un peu changées, c’est tout ! Mais comme nous ne nous sommes jamais montrés très démonstratifs, je ne vois pas ce qui pourrait lui mettre la puce à l’oreille…

- Ah, Frédéric, tu es un époux parfait. Me dit-elle en souriant. Quelques mots de ta part, et la vie me semble si facile.

Le grand jour est enfin arrivé ! Lucie s’est réveillée à 6 heures ce matin pour préparer des gâteaux et les faire cuire. J’ai eu beau lui expliquer que chaque année il y en a trop car tous les parents en apportent, elle n’a rien voulu entendre. Elle s’est lancée dans un truc inouï. Elle a fait une dizaine de gâteaux de couleur et de forme différentes, avec des décorations, des bonbons, etc… Je ne la maîtrise pas, c’est comme si c’était obsessionnel chez elle ! Elle a demandé l’aide de nos enfants. Ils ont l’air éreinté par le rythme infernal qu’elle leur impose. Heureusement vers 10h30, je suis allé chercher Paul et Emmanuel qui ont bien voulu m’aider à monter les stands. On est plutôt efficace à nous trois, en deux heures tout est mis en place. Mme Riponi nous fait remarquer toutes les 5 minutes à quel point il fait vraiment très beau. Elle est surexcitée par l’évènement, et de lancer des « hourra », des « super » ou des «vous êtes au top les garçons ! » à chaque stand monté. Elle nous fait rire. Emmanuel est très à l’aise avec Paul qu’il voit pour la première fois aujourd’hui, il est d’une humeur joviale, je l’ai rarement vu aussi détendu. Il a acquiescé avec bienveillance lorsque je lui ai annoncé que la fille de Pascaline serait bien dans cette école. Il m’a paru plus épris que jamais de ma belle-sœur et il ne donne pas l’impression de s’en cacher. Nous laissons Paul, en bas de son immeuble, et rentrons à la maison car il déjeune avec nous, et Pascaline et ses enfants ont prévu de nous rejoindre vers 14 heures afin de nous aider à transporter tous les gâteaux de Lucie. Lorsqu’on nous arrivons, Lucie est moins survoltée que quelques heures plus tôt. Elle accueille Emmanuel avec un muffin « maison » lui implorant de donner son avis. Emmanuel l’a complimente et n’en revient pas du nombre de pâtisseries dans la cuisine !

- En effet, deux voitures ne seront pas de trop pour transporter tous tes chefs d’œuvre ! Tu devrais réellement songer à ouvrir une pâtisserie Lucie, tu as un don. Lui dit-il.

Ça y est l’opération séduction a commencé ! Dès qu’on est un membre de la sacro sainte famille de Pascaline, Emmanuel ne peut s’empêcher d’être flatteur et séducteur… Faut le voir avec mon beau-père lorsqu’il lui passe la brosse à reluire, il ne le fait pas dans la finesse mais cela ne semble pas déplaire au principal intéressé. Nous passons tranquillement à table. Lucie qui semblait plus détendue, s’est soudainement liquéfiée sur place quand Emmanuel en revenant des toilettes nous demande :

- Dites-moi, c’est quoi cette histoire ! J’ai vu que vous aviez transformé ton bureau en chambre …

Même moi, je tique un peu à sa remarque. Mais de quoi se mêle-t-il ?

- Vous attendez un heureux événement ? Rajoute-t-il avec un sourire qui donne à son visage l’expression d’être une véritable tête à claque.

Chloé et Mattéo sont tout ouïes. Ils s’échangent des clins d’œil avec la lourdeur déconcertante des enfants. Lucie est rouge écarlate, et je la sens au bord de la rupture. Elle me dévisage, implorant par son silence mon aide. Non mais franchement il faut arrêter là, avec toutes ses conneries !

- Non Emmanuel pas de bébé en vue, juste l’âge… Le sommeil est sacré et nous nous gênons mutuellement alors nous avons décidé de faire chambre à part avec Lucie. Dis-je en évitant de laisser transparaitre la moindre émotion et en le regardant droit dans les yeux afin d’éviter toute suite à la discussion sur ce sujet.

Cela a l’air de fonctionner, personne n’ose rajouter quoique ce soit. Emmanuel qui s’apprête sans doute à dire quelque chose, se ravise, et sourit l’air compatissant. Le silence se transforme néanmoins en gêne. Et Lucie en profite pour demander aux enfants de nous faire le café. Ils adorent ça ! Et ils se battent pour utiliser le percolateur. Pendant ce temps, je repense à ce que je viens de dire, putain mais quelles foutaises ! On n’est pas vieux, on aime, Lucie et moi, juste tous les deux, les femmes. C’est ce qu’on pourrait appeler un différent inconciliable ! La situation avec Lucie me pèse soudainement. Je ronge mon frein. En silence. Lucie fait son possible pour donner le change. Elle se tente même à faire des plaisanteries de mauvais goût sur la forme d’un de ses gâteaux en le rangeant dans une boîte en vue de son transport, et me lance des regards langoureux qui ont l’air de tromper tout le monde sauf moi. Ça va être quoi la prochaine étape ? Elle va se jeter sur moi comme si j’étais un dieu vivant ? Décidément, je ne contrôle plus rien. Je n’aime pas les mises en scène, je n’aime pas mentir et je sens que je deviens irascible. C’est sans compter l’arrivée de Pascaline, toujours très ponctuelle. Une femme parfaite, comme savent bien le faire mes beaux-parents ! Même l’euphorie de mes enfants et de leurs cousins me fatigue. La kermesse, reste et restera donc toujours le pire jour de l’année. Je ne dis rien quand je vois Emmanuel et Pascaline se tenir par la main. Ils ont choisi aujourd’hui pour officialiser leur relation, il ne manquait plus que ça ! Lucie me regarde, je sais qu’elle sent que je ne suis pas d’humeur à faire le moindre effort.

- Oh mais vous avez peut-être quelque chose à nous annoncer ? Ose-t-elle dire timidement à sa sœur et à mon associé.

Roulement de tambours …

- Effectivement Lucie ! Dit Pascaline en rajoutant d’une manière très solennelle : Nous nous aimons et nous avons décidé de vivre ensemble !

Quelques secondes passent sans que personne ne dise rien. Je vois dans les yeux de Lucie qu’elle commence à paniquer. Elle lisse sa jupe pour se donner de la contenance, comme souvent.

- Trop cool ! Dit Chloé en partant en direction de la chambre de Mattéo pour lui annoncer la nouvelle.

- Et bien… Toutes mes félicitations ! Dit Lucie, se forçant un sourire.

- C’est une très bonne nouvelle, tous mes vœux de bonheur ! Dis-je sur un ton bien plus sarcastique que j’aurais voulu.

Emmanuel se sent obligé de nous raconter comment leur amour a été une évidence et Pascaline de pouffer de rire à chacune de ses fins de phrases. Nous faisons semblant de les écouter avec attention tandis que nous préparons le reste des boîtes. Lucie me murmure discrètement :

- Merci Fred.

Elle ne me dit pas merci pour l’aider à emballer les pâtisseries mais pour tout le reste… Tout ce qui fait que ma vie est compliquée. Je réalise aussi en la regardant, que ce ne doit pas être facile pour elle en ce moment. Elle a tellement été conditionnée à être une fille et une femme parfaite qu’elle est passée à côté de ce qu’elle est vraiment. On charge toute la marchandise dans nos voitures, les enfants et leurs mères partent à pieds à l’école car il n’y a plus de place. Sur le trajet, je trouve que finalement l’annonce d’Emmanuel et Pascaline est une bonne nouvelle, une fois qu’ils seront établis ensemble et que l’année scolaire commencera, Pascaline pourra enfin être informée sur l’état de santé de sa mère et Lucie n’aura pas à porter ce fardeau toute seule. Et j’essaierais de la convaincre d’annoncer notre séparation à sa famille. Oui c’est une bonne chose. J’arrive, l’ambiance est déjà survoltée, des dizaines de parents sont déjà arrivés avec leur progéniture. J’ai à peine eu le temps de saluer ceux que je connais, que Lucie en pleine discussion avec Mme Riponi me fait signe de venir rapidement.

- Frédéric, c’est un drame ! Dis Lucie.

- Mais non Lucie, rajoute rapidement la directrice en lui posant une main sur l’épaule.

- J’ai oublié de prendre des gobelets !

- Et tu ne penses pas que d’autres parents vont en apporter ? Lui dis-je, agacé de voir qu’elle veut tout gérer.

- Va au supermarché d’à côté, s’il te plaît, ça te prendra 5 minutes ! Tu seras un ange ! Il fait tellement chaud que tout le monde va vite se jeter sur les boissons et si on a pas de quoi les servir ça va être l’émeute…

- L’émeute rien que ça ! Dis-je.

Je regarde autours de moi et je vois des enfants courir de partout, certains parents déjà dépassés tentant d’en rattraper certains, tout ce petit monde dégoulinant de sueur… Lucie a raison, ça va bien être l’émeute ! Quand d’un coup, une musique se met en route, on sursaute, le volume est très fort. La directrice court en direction de la sono. Le volume devient presque acceptable suite à l’intervention de Mme Riponi, on entend des chansons pour enfants. La kermesse est donc officiellement ouverte, mon calvaire ne fait que commencer.

- Frédéric, je sais bien que tu es contrarié, je comprends tout ça. S’il te plaît va juste chercher les gobelets et après je te laisse tranquille, promis, tu l’as bien mérité. Me dit-elle avec un franc sourire ! Tu pourras partir quand tu le souhaites mais reste un peu pour faire plaisir aux enfants.

Comment lui résister, elle est tellement bienveillante ! Je vais donc au supermarché. Il y a un monde de fou, c’est normal pour un samedi. Je me glisse entre la foule et je prends 200 verres en plastique. Pour une fois, la queue aux caisses ne me fait pas ruminer, ça me donne une bonne raison de rester loin de cette foutue fête de l’école ! Je m’en fiche d’arriver là-bas et de trouver un carnage… Cette pause me fait du bien, je me détends. Je réalise à la caisse, devant moi, il y a l’homme qui était avec Marie pour l’anniversaire de mon fils, accompagné. Son ami est grand, fin et blond. J’entends leur discussion.

- Baptiste, tu te rends compte de ce que tu me fais là ? Tu me forces à faire les courses un samedi après-midi juste pour acheter des lingettes démaquillantes !!! Tu me punis, encore !

- Alex, c’est Marie qui m’a appelé en panique…

- Je sais, je te chambre. Lui sourit-il. Je ferais n’importe quoi pour toi… Même poireauter une demi-heure à la caisse d’un carrouf si ça te fait plaisir…

Le fameux Alex lui caresse gentiment le postérieur et le dévorant des yeux. Je comprends qu’ils sont en couple. J’avais presque oublié que j’allais voir Marie aujourd’hui. Rien que cette idée me met du baume au cœur. Je crois que je souriais bêtement lorsque Baptiste se retourne :

- Hé ! Mais tu es Frédéric ! C’est moi Baptiste, l’ami de Marie !

- Salut ! Je t’avais reconnu, sympa de te revoir.

- C’est marrant de se retrouver ici ! Fred, je te présente Alex, mon copain. Alex voici Fred, « LA » raison pour laquelle Marie ne va plus à la boulangerie ! Dit-il avec malice.

Je ris intérieurement en repensant à cet épisode.

- Ah, je vois … Dit Alex en souriant. Ravi de te rencontrer.

- Vous allez à la fête de l’école ?

- Oui, pour rien au monde on ne raterait ça !

Sa réflexion me surprend, pourquoi cet intérêt pour cette kermesse alors qu’il n’a pas d’enfant et que moi qui en ai deux, fais tout pour la fuir ? Mais bon, pourquoi pas après tout, je ne cherche pas vraiment à comprendre. Nous parlons de Lucas, du boulot et de tout et rien et le temps semble passer plus vite. Je comprends alors que Baptiste est très proche de Marie et de son fils, et qu’ils travaillent ensemble. Nous payons et nous dirigeons vers l’école. En chemin, Baptiste qui se souvient parfaitement de Lucie, me dit en riant qu’il serait content de revoir ma femme. Son côté faux cul me fait sourire ! Il est drôle, je l’aime bien. J’ai du m’absenter plus longtemps que je me l’imaginais car lorsque nous approchons du portail, je peux apercevoir la cour de l’école qui est bondée ! L’ambiance est surnaturelle, il y a des cris, des pleurs, des rires, et toujours la musique en fond sonore. A chaque stand il y a une queue d’une dizaine d’enfants transpirants en plein cagnard et surexcités, des groupes de parents qui discutent entre eux et ma femme qui me fait de grands signes… J’avais presque oublié ce pourquoi j’étais parti ! Je lui montre les gobelets comme si c’était un trophée.

- J’ai essayé de te joindre sur ton téléphone portable ! C’est bon on nous a apporté beaucoup de verres en plastique ! Me dit-elle tout en servant un verre de jus de fruit à une gamine.

Avant même qu’elle puisse lire dans mon regard une pointe d’agacement, Baptiste apparaît.

- Bonjour Lucie ! Tu te souviens de moi ? Je suis l’ami de la mère de Lucas, Marie.

- Mais oui bien sûr !

Et ils se lancent dans une grande discussion ennuyeuse que je soupçonne Baptiste d’alimenter. Alex se tient légèrement en retrait et fait des sourires polis. Nous sommes rapidement rejoins par Emmanuel et Pascaline, très fiers de s’afficher enfin ensemble et Paul. Je m’apprête à prendre congés car cette journée m’a vidé, et le bla-bla, trop peu pour moi, quand la femme de Paul arrive en courant, l’air catastrophé.

- Paul ! Ah Salut Baptiste, Alex et… heu… Bonjour tout le monde ! Dit-elle essoufflée.

- Qu’y a t-il chaton ?

- C’est un code rouge les garçons !!!!

On peut sentir la panique dans sa voix. Paul et Baptiste s’interrogent du regard, mais visiblement ils ne comprennent pas plus que moi la situation. Jusqu’à ce qu’une petite fille blonde se pointe en pleurs auprès de ce que j’imagine être sa mère qui se situe près de nous. La petite ressemble à s’y méprendre à un croisement de raton laveur défoncé au white spirit et d’une fille de joie maquillée comme un camion. C’est effrayant car comme elle pleure, et elle pleure beaucoup, son maquillage coule.

- Maman… Maman, on m’a dit que je ressemble à un zombie ! dit-elle entre deux sanglots. Moi j’avais demandé un maquillage de princesse…

Je ne cesse de la regarder tellement que son maquillage me fascine. Il y a du noir, du vert, du rouge sur les sourcils et du bleu sur les lèvres… Tout notre groupe semble sidéré, mais d’un coup j’entends Baptiste :

- Putain ! Elle a fait vraiment fort là ! Mais quelle idée de laisser Marie à proximité de crayons de maquillage ! Cette femme est l’anti sens artistique incarné, le diable de la création ! Tu vois je t’avais bien dit, Alex, qu’il fallait qu’on ne loupe ça pour rien au monde !

Il se marre. En fait, quasiment tout le monde rit sauf Lucie, Emmanuel et Pascaline.

- Non mais il fait vraiment chaud… C’est pour ça, le maquillage ne doit pas tenir ! Réfléchit Lucie à voie haute comme si elle voulait se cacher la vérité. Mais quand même, je pensais qu’elle se débrouillerait bien ! Rajouta-t-elle, sentant le fiasco venir. Il faut faire quelque chose !!! Frédéric !!!

- Non mais c’est quoi ce bordel ? Lance Pascaline appuyant chacune des syllabes, elle, pourtant si polie d’habitude.

Je ne vois vraiment pas comment je pourrais être d’un grand secours ! Je regarde autours de moi, cherchant Marie des yeux, mais la foule est trop dense. J’aperçois d’autres de ses œuvres d’art, certaines sont vraiment drôles d’autres carrément flippantes, et tous les enfants ne semblent pas aussi déçus que la petite fille. Je sens que les choses vont se gâter, deux mamans viennent vers nous l’air furax, elles dévisagent Lucie. Alex aussi a vite compris la situation et donne un coup de coude à Baptiste pour la lui montrer. Il réagit aussitôt.

- Lucie, ne vous inquiétez pas, voici des lingettes démaquillantes. Occupez-vous des deux furies qui viennent dans notre direction et nous, on va s’occuper de Marie ! Dit Baptiste.

Alléluia ! Baptiste a un plan ! Machinalement je suis Baptiste et Alex. Je regarde une dernière fois Lucie, sa sœur, Paul et sa femme, faisant bloc devant l’adversité. On se croirait en guerre. On se fraie un chemin jusqu’au stand de maquillage sous une canicule rare à cette période de l’année. Etrangement, je constate qu’il y a la queue malgré tout. J’entrevois enfin Marie. Elle est assise sur une chaise devant un garçon qui lui sourit bêtement. Tu m’étonnes ! Il a les yeux au niveau de ses magnifiques seins, le sale gosse ! Elle ne semble pas s’en rendre compte.  Elle est trop occupée à sa tâche, il semblerait qu’il ait demandé le maquillage de Jocker, du moins je l’espère... Elle tient un pinceau dans sa bouche, et avec un crayon elle dessine les contours d’une bouche géante. Elle est tellement concentrée, qu’elle ne voit pas arriver Baptiste.

- Poulette, il faut que tu arrêtes. Et que tu arrêtes maintenant ! Lui dit-il.

Elle se retourne, et  malgré la surprise de le voir, elle paraît vraiment heureuse. Après toute la pression de cette journée, Lucie, sa sœur et tout ce qui ne tourne pas rond dans ma vie, voir Marie me retourne totalement ! Vraiment, Marie est splendide ! C’est à ce moment précis que je disjoncte complètement.

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