Chapitre 4 - La proposition.

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 La route a été mauvaise. De la pluie et du vent. Aucun bruit dans la voiture à part la radio. Ma femme a mis une fréquence qui ne diffusait que de la musique classique. Mattéo dort, en ronflant allègrement et bavant même. Sa sœur a mis ses écouteurs et nous ne l’avons pas entendu depuis quasiment 2 jours. Nous rentrons enfin à la maison après un week-end mouvementé chez mes beaux-parents. Je trouve une place dans la rue de notre immeuble. Pour une fois que j’ai de la chance.

- Mattéo, réveille-toi… Dis-je doucement.

- Allez les enfants, montez avec moi, votre père va décharger la voiture pendant que vous allez vous coucher.

Lucie sort de la voiture, claque la portière sans même un regard dans ma direction. Il fallait que je trouve une solution pour avoir une vraie discussion avec elle. Mais il était trop tôt. L’ambiance était encore lourde et tendue du week-end et il est tard, demain, les enfants ont école.

J’ouvre le coffre de la voiture, et je me demande bien pourquoi avons-nous amené autant d’affaires ? Lucie est vraiment trop prévoyante… Je porte 3 valises à l’appartement je les dépose dans l’entrée. J’entends Mattéo qui rechigne à se laver les dents. Je passe la tête dans l’entrebâillement de la porte.

- Mattéo, ne discute pas. Va te laver les dents.

- Oui papa, je vais le faire tout de suite. Papa…?

- Oui Mattéo, qu’y a-t-il ?

- Pourquoi maman a crié devant bon papa et pourquoi elle a pleuré ?

Que puis-je bien lui répondre ? Que ce sont des histoires d’adultes ? Non. Mais je ne sais pas quoi lui répondre, car je n’ai pas tout compris non plus, il est certain que j’y suis sans doute pour quelque chose mais quoi exactement, je n’en ai aucune idée.

- Mattéo, ta mère était en désaccord avec son père. C’est tout et rassure-toi, ce n’est pas bien grave. Bonne nuit mon jeune Padawan. Lui dis-je en lui faisant en clin d’œil.

Il me sourit et me souhaite une bonne nuit. Il a l’air d’avoir pris mes explications dans le bon sens. Il est pourtant si curieux d’habitude. Mais là je crois qu’il est totalement claqué.

- Et n’oublies pas de te laver les dents !

Il lève les yeux au ciel, passe devant moi l’air abattu et se dirige vers la salle de bain. Je vais dans la chambre Chloé, je la trouve assise sur son lit. Elle se lève et m’enlace de toutes ses forces.

- Bonne nuit papa.

- Bonne nuit ma princesse.

Je suis étonné par tant de démonstration mais finalement, elle reste une petite fille qui a besoin aussi de tendresse. Je ferme sa porte et je vais ma chambre. Lucie est déjà attelée au rangement des vêtements. Je n’ose pas la déranger. J’ouvre discrètement le tiroir de ma table de chevet et prends une cigarette du paquet que je cache sans vraiment de raison. Je fume peu, voire pas du tout. Ça doit bien faire 6 mois que j’ai acheté ce paquet et il est plein aux trois quarts. Puis je vais à la cuisine prendre la boîte d’allumettes. Lucie m’a mis un couvert. Il y a une assiette de rôti froid avec une salade de tomate et un verre d’eau. C’est déprimant. Je redescends chercher le reste des bagages. Adossé à la façade, j’allume ma cigarette et je réfléchis aux évènements de ce week-end. Tout n’avait pas si mal commencé pourtant. La moumoute de son père a le don de me mettre de bonne humeur ! C’est un petit bonhomme, assez enrobé qui n’assume pas sa calvitie. Chaque fois qu’il me salue, et son petit rituel est de me dire :

- Alors mon petit (je dois bien faire une tête de plus que lui), je vois que je ne pourrais pas te transmettre le peigne de mon arrière, arrière grand-père ! AHAHAHAHAHA.

Son rire est toujours gras et fort. C’est surprenant. Mais je ne réagis plus à son sarcasme. En fait depuis que je suis marié à Lucie je crois que ce type m’exaspère, j’ai pris l’habitude du bonhomme et je le trouve même « exotique ». Dans ma famille, mes parents étaient discrets, ils passaient surtout leur temps à faire prospérer l’entreprise de quincaillerie de mon père et travaillaient beaucoup. Aucun d’entre eux n’étaient si exubérants, démonstratifs et curieux que mes beaux-parents. Charles et Madeleine sont des catholiques pratiquants, ils ont élevés leurs deux filles de façon à ce qu’elles procréent, s’occupent de l’éducation de leurs enfants et de la maintenance domestique. Ça me hérisse maintenant, mais j’ai compris ça trop tard… Elles sont devenues toutes les deux, de parfaites femmes d’intérieures, sans surprise, sans folie… Leurs parents ne cessent de les comparer entre elles, de s’exalter devant celle qui a fait preuve de plus de docilité ou de soumission, « elle est bien brave » disent-ils pour en complimenter une ou l’autre. Aujourd’hui, lors du déjeuner dominical, Lucie a pourtant fait preuve de rébellion. C’était assez hallucinant mais il faut dire que par ma faute, je l’avais mise en condition pour un gros pétage de plombs. Je tire encore une latte sur ma cigarette, quel calme. Je me sens bien. Ah ! Si Lucie ne m’avait pas surpris hier, en train de m’adonner à un plaisir censé être solitaire… Bon dieu ! Qu’est-ce qu’il m’arrive depuis samedi ? Je ne pense qu’à Marie, aux courbes de son fessier que j’aurais bien claqué. A ses jambes interminables, où sans gêne, j’aurais glissé mes mains. A tout son corps, que j’aurais adoré mordre, pincer, embrasser. J’imaginais que mes doigts étaient ses lèvres même s’ils sont rugueux, j’étais à deux doigts de la jouissance. Elle m’a retourné le cerveau. Marie… Moi qui croyais avoir enterré à tout jamais mes instincts les plus primaires.

Et puis qu’est-ce qu’il m’a prit lorsque Lucie, immobile devant notre lit, me regardant d’un air incrédule, de lui demander de se joindre à moi ? Oh ! Cela n’aurait pas été aussi embarrassant si elle ne m’avait pas répondu : « Frédéric, mais tu es fou, mais… mais tu es… Tu as totalement défais le lit !!! Il va falloir que je le refasse ! ». C’était la femme « parfaite » qui me répondait. Elle était totalement confuse. C’était la première fois qu’elle me surprenait en position délicate. J’avais eu l’impression de redevenir un petit garçon pris en flagrant délit. Elle s’était mise devant moi les bras croisés comme si j’avais fait une bêtise. Je trouve insupportable la façon qu’elle a de me materner. J’avais quand même insisté avec un « viens » plus soutenu. Et elle était rentrée dans une colère noire.

- Tu es un obsédé ! Tu devrais avoir honte de toi avec ton énorme truc !

- Il n’y a rien de mal tu sais… Lui avais-je juste répondu.

- Si tu es une brute. Et « il » est si gros, si large…

J’avais pouffé de rire de la voir si Sainte Nitouche, ce qui m’a valu une grande tirade sur le fait que je devais cacher mon sexe, « mon bidule » l’avait-elle appelé, que c’était moche, qu’il n’y avait rien d’attirant dans la nudité et que les « rapports sexuels » ne l’intéressaient pas. Elle avait foncé s’enfermer dans la salle de bain et je ne l’ai plus revu jusqu’au diner. Elle ne m’a plus adressé la parole du week-end et m’a ignoré totalement et il faut dire que je n’ai pas cherché le contact. Lorsque son père lui a fait une remarque sur le fait que Mattéo avait été trop turbulent à la messe de ce matin comparé aux enfants de Pascaline, sa sœur, je ne l’ai pas reconnu. Elle s’est mise à hurler qu’elle n’était pas parfaite, et que c’était comme ça et qu’elle s’en « foutait » que sa sœur le soit. Elle était comme enragée et des larmes coulaient sur ses joues. Je ne l’avais jamais entendu être grossière et surtout se disputer avec l’un de ses parents et ce n’était pas pour me déplaire. Et puis on était parti en laissant le reste de la famille un peu ébranlé par ce qu’il venait de se produire. Son père était venu me voir pour me demander ce qui se passait. Et là encore, je n’ai pas su quoi lui répondre. Je monte les dernières valises, tout le monde dort maintenant. Je n’ai plu faim, je remets mon assiette au frigo après l’avoir couvert d’un fil de cellophane. Je n’ai aucune envie aller me coucher. Je sors un verre et me verse un whisky avec 2 glaçons. Je m’installe confortablement dans mon canapé sans allumer la lumière du salon. J’ai été tenté de prendre un dessous de verre pour ne pas faire de trace mais non, là je m’en fous. Je devais vraiment avoir une discussion avec Lucie mais par où commencer ? Mes pensées mènent encore à Marie. Il faut que je me la sorte de la tête. Je me le répète plusieurs fois. Il est 2 heures du matin, je n’ai pas vu le temps passer, je vais dormir.

Depuis le début de la semaine, le comportement de Lucie a radicalement changé. Ce qui aurait du me mettre la puce à l’oreille. Tout a commencé lundi soir, au moment où je me suis assis pour le diner, elle est venue m’embrasser sur la joue. Les démonstrations affectives n’étaient pas son genre. Mais pas du tout. Cela a étonné tout le monde, les enfants se regardaient les yeux ronds et moi je regardais Lucie. Elle était un peu gênée et lissait sa jupe comme pour se donner de la contenance pourtant elle esquissait un petit sourire. Le mardi soir, c’est une fois dans notre lit qu’elle m’a dit qu’elle serait d’accord pour accomplir son « devoir conjugal » dixit Lucie. J’étais sidéré et je voyais bien qu’elle n’en avait aucune envie. Elle était allongée sur le dos, tendue, et regardait le plafond. Je voyais qu’elle se forçait dans le but de me faire plaisir. Elle avait mis une nuisette noire avec un décolleté léger et de la fine dentelle. C’est là que je me suis dit que lui faire l’amour dans ses conditions ne la ferait que détester encore plus le sexe. Malgré mon envie foudroyante de me soulager, je me suis retenu. Je ne suis pas un animal non plus ! Elle avait gardé son chignon. Je m’approchais de son visage, elle ferma les yeux. Crispée, sa mâchoire s’était fermée, je m’en m’aperçu en voyant son muscle se contracter sur sa joue. La dégoûtais-je à ce point ? Pourtant, je gardais une sorte d’affection pour Lucie, je sentais bien que tout cela lui demandait un effort démesuré, je ne voulais pas la brusquer. Je me suis dit que je pouvais peut-être la décoincer, qu’il y avait peut-être une chance pour qu’on puisse s’épanouir. Je lui caressais le visage et j’enlevais l’épingle de ses cheveux et laissais tomber sa tignasse sur ses épaules, en lui lissant les mèches derrière ses oreilles. Elle n’ouvrit pas les yeux et ne se détendait pas. Je posais ma main sur ses paupières, et je descendais jusqu’à ses lèvres. Mais aucune réaction positive. Rempli de désespoir, je lui dis :

- Je suis fatigué Lucie, une prochaine fois peut-être.

Comme soulagée, elle s’était retournée et fit mine de dormir. C’était à mon tour de fixer le plafond. J’ai eu de grosses difficultés à m’endormir cette nuit-là. Je voulais baiser, sans réfléchir de façon sauvage et non contrôlée. Je me retins plusieurs fois de prendre mon épouse par surprise. Non pas que j’avais envi de ma femme, mais j’avais envie de cul et de sexe. Mais je me contrôlais comme à chaque fois. Et ça me minait. J’avais réussi ces dernières années à faire abstraction de mes pulsions de mâle en m’occupant de ma société, de mes enfants, en faisant du sport, en me satisfaisant de ma famille parfaite. Mais je n’y arrivais plus. Je m’étais toujours dit qu’une femme qui a une faible libido, c’était commun et que la plupart des hommes vivaient avec alors pourquoi pas moi ? Bons nombres de mes amis me faisaient part de leur frustration. La réalité, c’est que ces femmes s’ennuyaient au lit. Et cela venait tout simplement du fait qu’elle ne prenait pas de plaisir, et que nous, les hommes, nous avions perdu le mode d’emploi. J’en étais arrivé à cette conclusion en mangeant un carreau de chocolat. Si j’en prenais un, ce n’était pas que j’avais faim, mais que ça me procurait du plaisir. Le sexe était pareil. On ne refuse pas ce qui nous procure du plaisir généralement ! Mais avec Lucie cette explication n’était pas totalement convaincante. J’étais patient avec elle, et j’aimerais qu’elle me laisse une chance de lui procurer du plaisir, de lui montrer de quoi son corps était capable, cette magie qui s’opère lorsqu’il n’y a plus la barrière de la pudeur et que le seul objectif commun est le plaisir. Je bouillonnais intérieurement, et ne cessait de me retourner dans les draps. Je m’y prenais mal avec elle, c’est certain. Et je décidais cette nuit-là, de ne pas baisser les bras, de lutter contre mon envie de vivre avec « ça » comme de si rien n’était. Je ne savais même plus si je l’aimais avec un grand « A ». Avais-je vraiment été amoureux d’elle un jour ? Oh oui je n’en doutais pas mais elle ? Peut-être qu’elle ne l’avait pas été. Il fallait que j’arrête de me torturer l’esprit. Il fallait que je trouve un moyen de lui provoquer le désir… Je ruminais encore une bonne partie de la nuit. Et il me sembla que Lucie ne dormait pas non plus car je n’entendais pas sa respiration légèrement plus prononcée signe de son sommeil évident. Le lendemain matin, Lucie préparait le petit-déjeuner dans la cuisine. Je décidais de ne pas m’habiller tout de suite après ma douche, et d’aller la rejoindre en boxer que j’avais choisi bien saillant. Je mettais mon plan en action : lui montrer mon corps sans pour autant lui faire d’avances pourrait peut-être éveiller en elle, un désir insoupçonné ? Je me sentais un peu con et c’était un peu nul comme plan, mais je n’en avais pas d’autre et j’étais bien décidé à faire quelque chose ! Les enfants n’étaient pas encore là et ils ne tarderaient pas. Lorsque Lucie se retourna et me vit, ce fût un grand moment de solitude pour moi. Comme si le monde s’écroulait. Elle me fixa dans un premier temps, les yeux ronds puis éclata de rire. Elle arriva néanmoins à laisser échapper une excuse ou deux. J’étais effondré : voilà ce que mon corps inspirait à ma femme : un fou rire !

- Oh désolée Frédéric ! C’est que je ne m’y attendais pas…

Elle continua à rire, et se tint même le ventre, les yeux brillants. J’étais vexé comme un poux, ça devait se voir. Les enfants me passèrent devant, c’est à peine s’ils m’avaient remarqué, en me lançant un « bonjour papa » à peine articulé. Lucie retenait son rire aussi bien qu’elle pouvait afin de le dissimuler le mieux possible à notre petite marmaille. Et puis je la dévisageais, elle souriait comme je l’avais rarement vu, et ses joues étaient rouges d’émotion. Je réalisais alors que ça me faisait plaisir de la voir ainsi, sa soudaine bonne humeur était communicative.

- Mais papa… T’es à poil là ! Me dit Chloé d’un ton moqueur.

Il n’en fallu pas plus à Lucie pour recommencer à rire, et je la suivis, conscient d’être dans une situation grotesque.

- C’est que je ne voulais pas salir mon costume ! Prétextais-je.

- C’est vrai que tu manges parfois comme un porc… Tel père, tel fils. Surenchérit Mattéo en faisant un clin d’œil en ma direction, fier de sa boutade.

Hier soir, je suis rentré tard à la maison à cause du travail. Ce qui est arrivé le matin ne m’avait pas tracassé plus que ça et j’avais été absorbé par plusieurs rendez-vous professionnels. Encore une fois, tout le monde dormait. Et je fis pareil très rapidement, ce qui n’est pas coutumier. Rien ne m’a laissé présager la conversation que je viens d’avoir avec Lucie en début d’après-midi. J’ai tout bonnement l’impression d’avoir vécu un cataclysme. Je ne sais plus quoi, comment, pourquoi ! J’erre dans le froid de la ville, pour essayer d’assimiler tout ce que Lucie m’a dit, ou plutôt ce qu’elle n’a pas osé me dire… PUTAIN ! Ma femme est lesbienne… Je suis encore sous le choc ou je suis fou ou je ne sais pas, plus…

Elle m’avait prévenu ce matin qu’elle souhaitait me parler une fois que les enfants seraient retournés à l’école après leur pause de midi. J’avais trouvé ça étrange effectivement, mais elle n’était pas nerveuse alors je ne me suis pas inquiété. Tout à l’heure, en arrivant à la maison, je l’ai trouvé au salon, assise sur un des fauteuils. Naturellement en voyant qu’elle m’avait sans doute attendu dans cette posture quelques temps je me mis en face d’elle, sur le canapé. C’est là, que j’ai eu un pressentiment qu’un truc lourd allait tombé dans ma vie comme un pavé dans une marre.

- Frédéric, je voulais te parler honnêtement, car je vois que tu es malheureux et je m’en sens responsable. Tu as des besoins… sexuels, je veux dire, et je n’arrive pas à les satisfaire. Je me pose beaucoup de questions ces derniers temps… Je voulais te rendre heureuse. Et je n’ai jamais su ce qui clochait chez moi…

Je réalisais à ce moment là, que nous étions en train d’avoir enfin la discussion que nous aurions du avoir il y a des années. J’avais encore espoir que nos problèmes se règlent c’était sans compter la suite des révélations… Une chose m’avait titillée dans son discours. C’était l’utilisation de l’imparfait lorsqu’elle m’avait dit : « je voulais te rendre heureuse ».

- Tu voulais ? Tu ne veux plus ?

Elle avait le regard baissé, elle était émut et nerveuse. Elle se triturait les doigts et dans un murmure :

- Non… Je sais maintenant que je ne peux pas le faire.

- Ah !

En fait j’avais sorti un drôle de bruit digne d’un sketch, j’étais estomaqué.

- Ce n’est pas toi c’est moi. Au début je croyais que j’avais un problème, que j’étais malade… En fait depuis toujours je pensais ça. Je n’ai jamais été attiré par les hommes pourtant quand je t’ai rencontré, j’ai cru que je le pourrais avec le temps, que tu pourrais me soigner tu es tellement beau mais…

- Je ne comprends rien Lucie ! Sois plus claire. Je criais bien plus fort que je le souhaitais.

En fait c’était faux, je commençais à comprendre. Comme si j’avais reçu la foudre, et c’était violent. Lucie ne se démonta pas et continua.

- J’ai toujours voulu plaire. A mes parents, à mes professeurs, à mes amis, à ma sœur, à toi… Je me suis trompée sur toute la ligne. J’ai rencontré quelqu’un…

Je passais mes mains sur mon visage. J’avais l’impression de vivre un moment irréel.

- Oh ! Non...Ne crois pas… Il ne s’est rien passé, et il ne se passera rien. Cette personne ne sait même pas ce que je ressens pour elle… Elle…

Elle appuya sur le dernier mot.

- Il s’agit d’une femme ? J’étais totalement incrédule, et je devais savoir.

- Frédéric, je viens de réaliser que ce je ressens est normal et sain mais en total contradiction avec mon éducation et surtout avec les vœux que j’ai échangé avec toi. Je suis incapable de te rendre heureuse… physiquement parlant, je veux dire… Car compte sur moi pour faire tout mon possible pour te rendre la vie la plus douce et agréable…

- Lucie je ne comprends toujours pas où tu veux en venir ! Tu es en train de m’annoncer ton homosexualité n’est-ce pas ? Et tu me parles du bonheur que tu pourrais me donner ?

Elle eût un moment d’hésitation :

- Le week-end dernier, je me suis emportée contre mon père comme tu le sais. Mais je ne t’ai pas tout dis. Bien sûr, il a été encore fois pénible mais ce n’est pas ça qui m’a fait sortir de mes gonds. Comme je te l’ai dis, ça fait quelques mois que j’ai réalisé que je devais assumer ce que je suis…

- Quelques mois ! Me le dis-je à moi-même.

Bien évidemment on ne devient pas lesbienne du jour au lendemain.

- Laisse-moi continuer, s’il te plait. Je voulais t’en parler plus tôt mais j’ai manqué de courage. J’avais pris également la décision d’en parler à mes parents, à nos enfants aussi. Mais voilà que samedi matin, père est venue m’annoncer une terrible nouvelle : maman a reçu ses résultats d’analyse, et son cœur est malade. Les médecins lui ont donné un traitement car ils redoutent un infarctus…

- Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?

- J’étais perdue. J’avais enfin eu l’espoir d’être moi-même depuis tout ce temps, et là… Ma mère ne survivrait pas à ça tu comprends. Je me suis sentie piégée et triste pour elle. Et pour toi également, car j’aurais aimé de rendre ta liberté et que tu aies le bonheur que tu mérites. C’est pour ça que j’ai fait cette crise devant père, sur le coup j’étais presque enragée mais maintenant j’ai réfléchis plus posément à la situation et je crois que j’ai une solution…

La suite était encore plus démente. Elle me proposait de continuer de vivre ensemble, le temps que sa mère se rétablisse. Elle disait qu’un divorce la tuerait tout autant que le scandale de son orientation sexuelle, que c’était une fervente catholique, très pratiquante. Qu’elle ne redoutait pas d’être la honte de la famille, mais qu’elle ne se pardonnerait jamais d’avoir « assassiné » sa mère en faisant passer son bien-être avant tout le reste. Elle disait qu’elle se refusait à tant d’égocentrisme, et qu’elle espérait que je la comprenne. Qu’elle me portait un amour réel et que si j’étais d’accord elle ferait en sorte de me rendre heureux. Qu’elle comprenait mes « besoins », et qu’elle m’encourageait pour que je les satisfasse avec quelqu’un d’autre à condition d’être très discret. Qu’elle, de son côté resterait fidèle car ses convictions religieuses l’empêchait d’être infidèle. Après elle se lançât dans un discours sur la religion, comme pour se convaincre elle-même, mais je ne l’écoutais plus. Je retins juste que personne ne devait être au courant de cet arrangement. J’étais abasourdi, toutes ces informations en même temps et je voyais bien qu’elle voulait que je lui donne une réponse. Mais je n’arrivais pas à réfléchir, j’avais l’impression d’être saoul, ivre-mort. Alors je me suis changé, j’ai mis ma tenue de sport, enfilé des baskets et je suis sorti sans même savoir ce qu’elle faisait, ni où elle était ni même si elle me regardait.

Voilà, comment je me retrouve là. Je ne sais pas où je vais, et je crois que mon cerveau va exploser. Je recommence à courir encore et encore. La nuit tombe, je suis lessivé. Ça m’a fait du bien, je réalise un peu ce qu’il vient de se passer. Étrangement, je me sens plus léger comme si un poids avait disparu.

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