Chapitre 2 - Les pains au chocolat.

13 minutes de lecture

 C’est samedi et je vais aller courir tôt ce matin. J’en profite que tout le monde dorme dans la maison pour m’éclipser sinon je ne pourrais pas car il est très probable je n’aurais pas l’autorisation. Le week-end s’annonce chargé. Lucie, ma femme, a décidé que nous partirions avec les enfants dans la matinée pour arriver à l’heure du déjeuner chez ses parents. Il y a toutes les valises à préparer, les jouets de Chloé et Mattéo, les vêtements pour parer à tous les temps etc… On va faire quatre heures de trajet aller, et quatre heures retour, juste pour profiter de mes chers beaux-parents pendant à peine 24h… Ça me mine le moral. Je n’ai rien pu négocier avec ma femme. Hier soir j’ai pourtant essayé de lui faire comprendre que partir si loin pour si peu de temps n’était pas l’idéal et qu’on devrait peut-être mieux s’en tenir aux semaines de vacances scolaires mais sans aucun résultat. Je me fais une tartine de beurre que je mange fissa. Je prends soin de bien nettoyer toutes les miettes et les mets à la poubelle. Je soupire en regardant cette cuisine immaculée où rien ne laisse penser qu’il y a des enfants qui s’y restaurent. Je me passe la main sur les joues comme pour chasser ce constat. Elles sont rugueuses. Je me raserais en rentrant. Ce matin il fait un peu frais, mais je décide de prendre quand même mon short et j’enfile un tee-shirt noir où il est noté en gros et en rouge OBEY ! (obéis !) C’est Paul et Karim, mes potes du volley, qui me l’ont offert pour mon anniversaire. Ils sont persuadés que je suis naturellement autoritaire, et se moquent souvent de moi. Je les aime bien ces deux-là, avec eux je peux être moi-même. Je vérifie que j’ai bien mon trousseau de clés et mon portefeuille que je mets dans la poche à zip de ma ceinture. J’y introduis également mon téléphone portable et branche les écouteurs que je fais passer sous mon tee-shirt et les fais ressortir par l’encolure jusqu’à mes oreilles. Je trouve mes baskets dans le sac plastique que ma femme a mis à cet effet dans le placard de l’entrée et attends d’avoir refermé la porte palière sans un bruit, pour les chausser. Je fais quelques étirements sur le palier et descends les marches deux par deux. Je sors de l’immeuble et l’air frais me saisit. Que c’est bon ! A cette heure-ci toute la ville semble endormie et il fait encore nuit. Je me dirige vers le parc. Pendant une heure je cours, la musique rythme ma cadence. Je me sens bien. Je ne pense plus à rien. Je cours. Au bout d’une dizaine de kilomètres, je ralentis. Je m’arrête près d’un banc et fais de nouveau, des étirements. Le jour se lève. Je me dirige vers la boulangerie au coin de ma rue. Je vais acheter des pains au chocolat à mes enfants comme à chaque fois, c’est mon petit rituel. Ils adorent ça et moi, j’aime voir leurs yeux ensommeillés s’animer à la vue du sachet en papier de la boulangerie. Chloé a 14 ans, c’est mon ainée. Elle est très studieuse et vraiment douce. Elle est élancée avec de longs cheveux blonds qui lui tombent dans le dos. Elle tient de moi son côté réservé, introverti. Il y a quelques mois encore, elle était aux petits soins avec son petit frère. Mais je sens que le vent tourne et que la crise d’adolescence pointe le bout de son nez. Elle ne veut plus qu’il traine dans ses pattes, et s’enferme dans sa chambre en restant des heures au téléphone avec ses copines. C’est une période difficile qui commence… Hier, elle nous a fait une crise lorsqu’elle a su que nous allions chez ses grands-parents, elle avait prévu de faire du shopping avec sa meilleure amie. Je me suis sentie dépassé et j’ai essayé de ne pas envenimer les choses sans pour autant mettre sa mère en porte à faux. Mattéo a 12 ans, lui c’est tout l’inverse ! C’est mon artiste. C’est ma petite boule d’amour, il est très démonstratif. Il a toujours les cheveux ébouriffés, et un bonbon dans la bouche. Il fait tourner sa mère en bourrique car il n’est pas très ordonné. Et me surprend très souvent par sa philosophie de la vie. Rien est grave avec lui surtout pas les mauvaises notes et rien n’est important sauf ses amis, ses jeux et bien sûr ses parents.

J’ouvre la porte de la boulangerie, une bonne odeur de pain chaud m’envahie les narines. Cette boulangerie est vraiment agréable, tout y est fait maison, et la présentation des pâtisseries, des viennoiseries et des pains donne envie de tout acheter. Je suis surpris de voir que je ne suis pas le seul. D’habitude à 6h30, il n’y a que moi. Mais ce matin, il y a en effet une femme qui semble hésiter sur ce qu’elle veut prendre. Elle est de dos et je ne distingue même pas son profil. Elle est vêtue d’une robe courte et porte des chaussures aux talons vertigineux. Elle est brune, les cheveux un peu en bataille, qui lui arrivent aux épaules. Sa silhouette est fine et sa taille légèrement marquée. Elle a des jambes interminables. J’ôte les écouteurs de mes oreilles car j’ai l’impression qu’ils m’empêchent d’appréhender la situation. De dos, cette femme est magnifique. Je l’entends enfin demander d’une voix mal assurée à la boulangère :

- Je crois que je vais finalement prendre la tarte aux framboises… Et puis rajoutez-en moi une au citron, s’il vous plaît.

Pendant que la boulangère prépare les pâtisseries à empaqueter, la femme regarde dans le vide comme si elle était soucieuse. La commerçante lui demande :

- Ça fera 5 euros 10, Madame.

La jeune femme sursaute en sortant de sa méditation.

- Oui bien sûr.

Elle se met à fouiller dans son sac à main à la recherche de son portemonnaie sans doute. Elle s’agite et pose sur le comptoir de la boulangerie beaucoup d’objets qui y étaient cachés. Un téléphone portable, un briquet, un paquet de cigarettes… Au fur et à mesure, je sens la panique s’emparer d’elle:

- Bon dieu ! Mais il est où ce foutu portefeuille ?

Elle bafouille, s’énerve, soupire. Elle repositionne une mèche de cheveu derrière ses oreilles.

- Je suis vraiment désolée mais… je vais le trouver.

Elle lâche deux, trois jurons et finit, dans un geste désespéré, par déverser tout le contenu de son sac sur la tablette devant la boulangère. Cette dernière étouffe un rire. C’est vrai que de bon matin, la scène est vraiment comique. La femme pousse une sorte de petit cri hystérique et dit :

- Il est là ! Dit-elle d’un ton victorieux. Elle est visiblement soulagée.

Pendant qu’elle cherche la monnaie, j’aperçois en plus des objets que j’avais déjà vu, un paquet de mouchoirs en papier, une petite voiture d’enfant, un trousseau de clés et deux sachets de préservatifs… Ça me fait sourire. Au moins elle, elle s’envoie en l’air, pensais-je. Elle est vraiment nerveuse, et fait glisser par inadvertance une pièce qui finit au sol. Elle se baisse instantanément pour la ramasser et m’offre par la même occasion une vue imprenable sur son postérieur. Cette vision me déconcerte de bon matin , comme un cadeau inattendu ! C’est à mon tour d’être un peu nerveux et je n’arrive pas à retenir mon rire qui sort bien plus fort que je ne l’aurais souhaité. Surprise, alors qu’elle est toujours accroupie en train de chercher sa pièce, elle tourne le visage dans ma direction et s’affale de tout son corps à mes pieds. Elle s’est tordue la cheville à cause de son talon qui gît un peu loin sur le carrelage de la boulangerie. Je cesse immédiatement de rire. S'est-elle fait mal? Mais la vue de la courbure de ses fesses et d'un petit morceau de dentelle noire me distrait. Sa peau est parfaitement lisse et rosée. Je me sens étourdi et surtout excité. Je dois me contrôler. Notant la direction de mon regard, elle tire sur sa robe avec une certaine hargne et tente de remettre sa chevelure en place. Je la sens désemparée. Je lui tends la main pour l’aider à se redresser. Elle se tourne de nouveau vers moi et me lance un regard rapide et confus. Elle est rouge pivoine et bredouille une phrase inaudible mais je crois entendre entre deux murmures :

- Quelle conne !

Elle refuse ma main, par fierté j’imagine, et j’ai du la mettre très mal à l’aise.

- Vous ne vous êtes pas fait mal mademoiselle ? Lui demande la boulangère.

- Je suis désolée… C’est lamentable comme situation… mais TOUT VA BIEN !

J’ai l’impression qu’elle dit ça pour se convaincre elle-même. Elle quitte ses chaussures, du moins ce qu’il en reste, et se relève avec toute la grâce possible. Elle ramasse ces affaires et les replace dans son sac. Elle tend les pièces à la boulangère, sans un mot. Celle-ci la regarde avec une certaine compassion et lui sourit avec tendresse en lui rendant la monnaie. Elle prend sa paire de chaussures d’une main, se retourne vers moi en direction de la sortie. C’est à ce moment que je la reconnais. C’est Marie, la maman du meilleur ami de Mattéo, Lucas. Je ne l’ai pas croisé souvent. De rares fois, à la sortie du collège. Elle habite à deux pâtés de maison de chez moi. Elle est divorcée de Guillaume que je connais mieux. C’est un ami de Paul. On était allé boire quelques bières ensemble, et il est très sympa. Sa nouvelle femme, Claire, bosse dans une boîte de communication. Elle a des horaires de malade donc c’est lui qui s’occupe de leur bébé comme il bosse de chez lui. Il est journaliste. D’ailleurs cette dernière année, il ne me semble pas l’avoir rencontré une seule fois sans sa petite. Ils sont restés en très bons termes avec Marie. Je me souviens, pour l’anniversaire de Mattéo, qu’elle était venue à la maison déposer Lucas pour l’après-midi. Elle avait été accompagnée d’un ami qui me dévisageait d’une drôle de façon. Il était grand, mince et habillé en costume gris avec une cravate droite ce qui contrastait avec la robe simple et plutôt commune de Marie. Ma femme, trop contente de rencontrer enfin la mère du meilleur ami de son fils, s’était pratiquement jetée sur elle, lui posant un flot continu de questions sur Lucas, le collège, les professeurs de nos enfants, son ex-mari etc… Je crois que Lucie avait étourdie Marie en quelques minutes. J’avais bien tenté de lui écourter ce calvaire en amenant Lucas auprès de mon fils et une fois les garçons ensemble, je lui avais fait un signe de la tête signifiant que son devoir avait été accompli et qu’elle pouvait partir. Mais ma femme ne cessait pas son interrogatoire. J’avais bien vu l’échange de regard qu’elle avait eu avec son ami. C’était gênant mais à la fois amusant de voir la façon dont Marie était embarrassée, ses joues étaient devenues roses, je sentais son inconfort. Son ami aussi, et il n’hésitait pas à se moquer ouvertement de la situation en relançant ma femme. J’avais même surpris Marie lui donner un coup de coudes dans les côtes. Elle avait coupé court à la conversation en invoquant un rendez-vous avec des amis. Ma femme avait semblé déçue. Et moi j’avais été soulagé que le supplice prenne fin. En me saluant, elle m’avait dit par politesse :

- Ravie d’avoir enfin fait votre connaissance Fred !

C’était étrange qu’elle utilise ce diminutif car peu de gens le font, même pas mon épouse. En fin de journée, c’était Guillaume et sa petite Sarah qui étaient venus récupérer Lucas. On avait discuté un bon moment de tout et de rien, mais cette fois ma femme ne semblait pas aussi disposée à faire la conversation.

Je l’ai peut-être dévisagée sans le vouloir pendant le moment de ma réflexion car maintenant elle me regarde étrangement avec de grands yeux marrons et des cils courbés qui lui donnent un air de biche et me font ressentir chasseur. J’ai cru voir en elle, un bref instant, de la colère. Ou m’a-t-elle simplement reconnu ? Elle a quelque chose qui pétille, peut-être son expression légèrement espiègle. Elle force un sourire à mon intention. Cette femme est sans doute un peu gourde mais vraiment belle !

- Bonne journée ! Lance-t-elle par-dessus son épaule comme si elle voulait fuir à toute vitesse.

- Madame ! Vous oubliez vos gâteaux ! Lance la boulangère.

L’espace d’une seconde, en la voyant faire demi-tour, je crois qu’elle va se mettre à pleurer. J’ai envie de la retenir. Mais quel idiot ! Alors que, dignement, elle prend son petit colis d’une main et de l’autre sa paire de chaussures.

- Bonne journée Marie ! Lui dis-je pour lui signifier que je l’avais reconnue.

- Merci… Fred, elle ne pourra pas se finir d’une pire manière que celle dont elle a commencé. Bonne journée également. Me murmure-t-elle.

Cette fois son sourire est plus franc, comme si elle est résignée et qu’au point où elle en est, plus rien n’a de l’importance. Elle sort dans la rue, pieds nus et reprend un pas plus rapide. Puis elle disparaît. Je suis troublé par ce qui vient se passer. Cela a définitivement cassé ma petite routine. Si bien que la boulangère me sort à mon tour de mes pensées en me demandant ce dont j’avais besoin.

J’ouvre la porte de mon appartement. Lucie passe devant moi et me dit sans même me regarder :

- Dépêche-toi, tu dois aller faire le plein d’essence, vérifier que les pneus sont bien gonflés, charger la voiture ! On part à 8h, et ah, oui ! Si tu peux passer par la poste sur le trajet, il y a cette lettre à envoyer à l’imprimeur, c’est urgent, il s’agit de la lettre d’invitation à la kermesse pour les parents d’élèves !

Je ne peux m’empêcher de me dire qu’elle me gonfle avec cette foutue kermesse, qu’elle n’est que dans 3 mois mais j’acquiesce de la tête et elle part en direction de la cuisine. Je range mes chaussures et la rejoint. J’y trouve mes enfants. Leur mère, comme à son habitude leur a mis la table pour qu’ils prennent le petit déjeuner. Les sets de table en coton blanc sans aucune tâche et bien sûr repassés, les assiettes pour ne pas qu’il y ait des miettes, les bols remplis de lait et de cornflakes, un verre de jus de fruit. On se croirait dans un pub pour des céréales ! C’est un petit déjeuner parfait, et ma femme est parfaite. Pourtant je ressens un vide. On ne s’est pas regardé, pas embrassé…Je soupire. Chloé et Mattéo me voient et je retrouve le sourire.

- Papa ! Me lancent-t-ils en cœur, les yeux pleins de malices en direction des pains au chocolat.

J’ai soudain envie de faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Spontanément, je me dirige vers Lucie et la prend par la taille. Je me penche pour lui donner un baiser dans le cou mais elle esquive.

- Vas vite prendre une douche, tu es tout dégoulinant, et tu vas nous mettre en retard ! Et puis qu’est-ce qu’il te prend aujourd’hui ? S’il te plait, dépêche-toi !

Je soupire, de nouveau. Je traverse l’appartement en direction de ma chambre. Je me prends un jean et un polo propre. Tout est parfaitement rangé et classé par type et couleur. C’est agréable mais j’ai soudain envie d’un peu de fantaisie, d’un peu de folie. Je me remets à penser à la mère de Lucas… Que m’arrive-t-il? J’entre dans la salle de bain. Je fais couler l’eau de la douche et j’y rentre dès qu’elle devient tiède. Cette chaleur me fait un bien fou. Je m’évade en pensant à cette femme tellement belle. Dans les vapeurs de l’eau chaude, je me dis qu’elle a vraiment un corps incroyable, des jambes fines et élancées, et sa croupe, mon dieu ! Ma queue se durcit immédiatement. Je me moque de mon érection. Cela fait tellement longtemps que je n’en avais pas eu une aussi ferme ! J’ai l’impression de redevenir un ado en rut. Mais c’est tellement bon d’imaginer ses fesses. Ce que j’ai vu ce matin, m’a laissé penser qu’elles devaient être fermes. Qu’est-ce que j’ai eu envie de les toucher. Et puis son corps si fin et délicat. Je me retrouve à l’imaginer gémissante sous mes caresses. Je me masturbe. Je ferme les yeux et j’imagine sa bouche à la place de ma main qui ne se lasse pas de faire des allers retours. Je vais plus vite, mes idées s’embrument, et je jouis. Je me sens merveilleusement bien. Cela fait des années que ce plaisir solitaire ne m’avait pas procuré autant d’émotion. J’ai été longtemps frustré de ne pas avoir de rapport avec Lucie satisfaisant. Lorsqu’elle accepte que je lui fasse l’amour, j’ai toujours l’impression que c’est par devoir conjugal ! Je n’ai pas l’impression qu’elle y prenne du plaisir. J’ai bien essayé de varier la façon de m’y prendre avec elle mais cela ne l’intéresse plus depuis la naissance de Chloé et je me suis résigné. Au summum de la frustration, j’ai bien dû me branler quelques fois, mais je n’en garde aucun souvenir agréable, je dirais même que cela me laissait dans un état encore plus pathétique que si j’avais sagement attendu que ça passe. Je me rase et m’habille en sifflotant et me prépare pour ce week-end qui ne sera sans doute pas aussi terrible que je me l’imagine !

Annotations

Vous aimez lire Julie Roussel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0