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Arrivé dans la nuit à la maison d’arrêt de la santé, Lucas avait attendu le petit matin dans une cellule à l’écart des autres détenus. L’admission ne se faisait pas avant huit heure du matin, le personnel s’occupant uniquement des rondes et de la surveillance. Cela ne l’avait nullement dérangé, son manque de sommeil l’ayant rattrapé.

Le bruit de la matraque sur les barreau en fer carillonna en continu.Le jeune homme sursauta sous le regard amusé du gardien de la paix. Désorienté, Lucas se redressa, dépliant son mètre quatre-vingt-neuf. Ses bras passèrent au dessus de lui pour s’étirer. Il y eut un « crac ».

Le maton tapa de nouveau sur les barreaux, il était pressé.

- Laville, fils de flic ou pas, je m’en fous. Aucun privilège ici. On se dépêche, l’administration vous attend.

Il se dirigea vers la porte, les autres détenus en transition murmurant dans son dos. Être « fils de flic » était la pire des choses qu’il pouvait arriver dans une prison. Bien que vous ne soyez que l’enfant du « méchant » flic, vous étiez surtout un excellent défouloir.

L’administrateur de la maison d’arrêt était un personnage froid. Costume gris, visage fermé, le ton de sa voix fit frissonner Lucas. Dans le plus grand des silence, il s’évertua à remplir le dossier d’admission. Son stylo à plume versait avec résistance de l’encre noir.

Il n’était qu’un parmi les autres, un banale détenu pour lequel il n’aurait pas plus de considération.

Il finit par tendre les papiers au jeune garçon, lui indiquant du bout du doigt qu’il devait les signer. Le petit Laville prit les feuille et commença sa lecture. Le pied du geôlier tapotant le sol en bois exaspéra le garçon. Il s’exécuta pour mettre fin à ce calvaire. Lucas se leva, prêt à suivre son guide.

- Savez-vous si ma demande d’isolement a été acceptée, monsieur ?

- Vous allez dormir avec tout le monde ce soir.

Un froid de plus.

Dans le couloir, certains détenus vaquaient à leurs occupations. Un groupe de trois hommes se mit à dévisager le petit nouveau. L’un était une masse, imposant par sa taille et sa surcharge pondérale débordante de son tee-shirt et son pantalon. Ses bras, bien que musclés, laissaient paraître ses excès de jeunesse. Ses bonnes joues aussi.

À ses côté, deux hommes l’encadrés : à droite, un tout petit, brun, le visage agressif et l’attitude menaçante. Une petite bombe à retardement prête à s’exprimer. À gauche, le plus calme des trois. Cheveux gominés, sourire parfait et silhouette d’athlète insatiable.

- Il est là pour quoi lui, Marco ?

Le gardien ralentit le pas et s’arrêta devant le mitard d’en face. Le grincement du battant en métal fit sourire les trois détenus.

- Assassinat. Détention provisoire. Un nouveau camarade.

- Une pointure pour son jeune âge, comméra le plus petite des trois. On va le bichonner sans problème.

Lucas découvrit son dortoir avec dégoût. Bien que l’entretien semblait être fait régulièrement, des taches sur le sol étaient incrustées. Le jeune homme s’imagina les odeurs nauséabondes s’en dégageant. Un goût amer lui envahit la bouche.

Il déposa draps et couverture sur le matelas. Le sommier cria sa souffrance accumulée depuis des années. Le jeune homme aperçut un éviter et un toile en se retournant. Leur vécu ne faisait pas le moindre doute.

- Laville, tu t’installes. La balade est dedans une heure.

Sa porte se referma derrière lui, le verrou actionné dans un bruit de ferraille s’entrechoquant.


***


Dans la cour, chaque prisonnier avait sa place. Les bandes faisaient respecter scrupuleusement leur territoire, avec force s’il le fallait. Du haut de leur mirador, quatre hommes surveillaient les va-et-vient de chacun, prêt à presser le bouton d’alarme en cas d’incident.

Lucas observa avec attention. Il distingua un groupe en train d’entretenir leur muscle à l’aide d’haltères. Il avait une carrure semblable à la leur, mais il n’irait pas de ce côté. Non loin, un groupe ricanait, mettant des coups d’oeil en direction des uns et des autres. Le commérage devait être leur spécialité.

Laville continua son tour d’horizon. Par-ici un détenu lisait du Tolstoï, par-là d’autres jouaient au basket. Lucas aimait ce sport, il suivait les match de la NBA dès que possible, surtout pendant les plays off. Il s’engagea vers le terrain, décidé à placer quelques paniers.

Les joueurs le toisèrent. Il n’avait pas fait ses preuves. Une grand noir tout fin fit un pas vers lui, le bras tendu vers lui avec la balle dans le creux de la main. Lucas voulut s’en emparer, mais l’homme eut un geste d’esquive. Tous rirent. Le jeune garçon aussi.

Il pénétrait sur le terrain lorsqu’une lourde main l’attrapa par le col. Il sentit son corps se déplacer seul sur le côté. Cela dura quelques brèves secondes et il percuta un mur. Le choc fut brutal, son épaule hurla sa douleur.

- Dis-moi, le bon Marco t’a appelé Laville non ?

Le jeune reconnu le petit nerveux. Il aurait aimé esquiver la discussion, mais la grande paluche du gros Patrick s’écrasa tout près de sa tête, lui barrant la route.

- Il ne réponds pas. Je peux le taper ? demanda la voix grasse de l’immense bagnard.

- Pas de suite, le message avant.

Un maton se dirigea vers le groupe, l’air à la fois interrogateur, mais aussi agressif. Sa simple présence suffit à faire relâcher l’étreinte imposée par les trois comparses. Il les balaya d’un simple geste de la main. Le petit nerveux se retourna et siffla :

- On n’a pas fini petit Laville. Crois-moi.

Ce n’était que partie remise, mais Lucas se sentit vivre. Il resta dans l’ombre du garde un bon moment. Tous les nouveaux faisaient ainsi, mais lui était un peu spécial. Son père ayant mis participé à l’arrestation de plusieurs détenus, surveiller ses arrières n’était plus suffisant. Chaque instant était propice à une attaque.

Le réveil afficher « 16h30 ». L’heure des douches pour le bloc. Lucas n’osa pas sortir dans le long couloir qui menait à la salle de lavage. Il se répugnait certes, son odeur de transpiration l’enveloppant. Sa peau collait au possible. Mais hors de question de s’exposer à la menace que constituait ses trois voisins d’en face. Ils l’attendait, il en était sûr. Lucas s’assit en tailleur sur son matelas.

Mais si l’on peut se prémunir contre le mal, le destin est parfois bien plus cruel. Le mal commence à la plus haute branche, et descend jusqu'aux racines. Le loquet glissa sur la droite et cette infime protection offerte par le verrou s’envola.

La porte s’ouvrit dans ce même grincement que le matin. Un courant d’air frais s’introduisit le premier, puis apparut ledit Marco, son visage vide de toute émotion. Lucas lui fit face. Il n’eut pas de mal à constater la présence du trio infernal.

Le gardien de la paix s’écarta. Le jeune Laville comprit alors que cette fois, il n’y couperait pas.

- J’ai la loi pour moi.

- Entre ces quatre murs, la seule loi qui s’applique, c’est celle du plus fort.

Le poing du gros Patrick s’enfonça dans le nez du Lucas. Le crac sonore fut suivi par un filet de sang et une multitude de taches sur le sol quand le fils Laville expira. Il réprima un cri de douleur, ses yeux s’enivrant de larmes.

Il jeta un regard désespéré à l’homme de loi, sans succès.

Une pluie de coups s’abattit sur Lucas. Le gros Patrick frappait au torse. Ses poings compressaient l’estomac de sa victime sans relâche. Il y eut un nouveau crac, sûrement un côte. L’ogre ricana si fort que l’écho dans le couloir ne laisse personne indifférent. Tous surent que le trio de la mort sévissait.

À quatre pattes, Lucas reçu un nouveau coup. Le dos cette fois-ci. Il s’affala sur le sol. Le petit nerveux au yeux de psychopathe s’installa sur le corps du jeune détenu. in que sonnait, Lucas sentit un tranchant mordre sa chair le long de sa jour droite.

- Écoute bien mon message : Dimitri n’est pas très content. Ton père a fouillé dans ses affaires, maintenant c’est le tour de ce type là, Jules. Il n’aime pas qu’on le dérange en plein business. Tu me comprends ?

Il y eut un silence. Le grincheux claqua des doigts. Le pied démesuré du gros Patrick fouetta le bassin du garçon.

- J’écoute.

- Oui, geint alors Lucas

- Bien. Si tu veux garder la vie sauve, toi et toute ta petite famille, fais passer le message. Qu’on laisse le patron tranquille sinon c’est toi qui payera le premier.

Passif depuis le début, le beau gosse intervint. Il tapota l’épaule du plus petit de tous et lui indiqua la sortie. Il ronchonna. Il aurait aimé profité un peu plus de la situation, laisser ses pulsions s’exprimer encore un peu, rien qu’un tout petit instant. Tant pis, il passerait ses nerfs sur un autre détenu. Il avait le choix.

La masse sortit aussi de la cellule. Lui n’eut pas la moindre compassion pour la victime. Vivant ou mort, il n’en avait que faire, il obéissait, un point c’est tout. Il sourit au gardien, montrant sa dentition trouée ici et là. Le beau gosse glissa ses sous les épaules de Lucas et le traina sur son lit. Il y eut des souffles plaintifs, mais il n’avait plus la force de se battre.

L’homme quitta à son tour le cachot. Il avait assez souffert pour cette fois, mais ils reviendraient si nécessaire. Le garde prit sa radio et demanda une unité médicale pour la cellule numéro trente sept. Il ferma la porte, la verrouilla pour ne pas être suspecté et se plaça un peu en retrait.

Lucas essaya de se redresser, un effort colossal dans son état.

Il tomba à terre.

Et sombra.

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