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Le téléphone fixe sonna. Un double coup. Aucune réponse. À moins que ce ne fut la sonnette de l’appartement. Fort probable, Jules n’arrivait pas à les distinguer. Ces deux notes qui tintaient dans l’air et chatouillaient les tympans du jeune homme groggy par les séquelles de l’explosion.

Sous sa couette, il bascula sur le côté tout en veillant à ne pas mettre de pression sur sa cuisse. Il était tout engourdi. La plaie le lançait, elle avait bavé un peu de sang durant la nuit, rien de bien grave. Ce n’était pas demain la veille qu’il irait mieux, mais il ne se plaignait pas. Beaucoup serait sorti les pieds devant.

Il y eut une nouvelle sonnerie.

Pas de doute cette fois, c’était la porte. Bon dieu ! Qui peut venir un lundi matin emmerder les gens à… ah oui… dix heures et demi quand même. Peut-être le réveil se trompait-il… Non. Il se redressa pour s’asseoir sur le lit et jeta la couverture vers ses pieds. Sa tête était toujours dans un étau, lourde par moment. Lui était endormi, un peu trop.

Il se traina jusqu’à la porte de l’appartement, la plante de ses pieds ne quittant jamais la fraicheur du carrelage. Il tournait au ralenti. Sur le passage, il prit un tee-shirt chiffonné à l’effigie de l’Olympique de Marseille. Lucas était un fan invétéré de ce club de football, il avait offert le même à toute sa famille. « Pour la victoire de l’OM en Europa league les gars », avait-il argumenté.

La sonnette piaillait en quasi continu à présent.

- J’arrive ! C’est bon !

Il voulut presser le pas, mais sa jambe l’en empêcha. Le rappel à l’ordre lui arracha une grimace. Il aurait dû accepter les béquilles sollicitées par le médecin. Trop tard.

Il fit tournait le loquet deux fois. Son bras lui paraissait plus lourd que d’habitude. Il avait du mal à saisir correctement le fermoir. Il continua avec la chaine de sécurité qui glissa péniblement pour quitter son habitacle. La porte pivota lorsque la poignée fut baissée.

- Mec, j’ai eu trop peur, tu répond pus au téléphone ! Putain la crise cardiaque dix fois !

- J’ai perdu mon portable. Mais je vais bien.

Il n’eut pas besoin d’inviter Babacar à entrer, le sénégalais s’installait déjà dans le canapé, son sac se vidant de son contenu sur la table basse. Le convive ordonna ses affaires avant de fixer Jules. Il avait une sale mine. Alice allait encore lui faire la morale.

- J’ai mis le journal de Mâcon dans coffre au repère. certaines pages ont commencé à prendre feu, mais l’essentiel est là.

- Une bonne nouvelle.

- Et j’ai fait des recherches dans la nuit, parce que mon stress est monté tellement haut avec ton silence. C’est à propos de…

Il y eut une sonnerie. Jules qui tentait de s’asseoir avec prudence se redressa. Téléphone ou porte ? Il attendit la deuxième sonnerie. Le téléphone brailla de nouveau. Le son raisonnait inlassablement dans la tête du juriste. Il crut qu’elle explosait. Ses doigts sur le combiné, il le porta à son oreille.

- Jules ? C’est toi ? Tu m’as fait peur, j’essaye de te joindre depuis hier !

Le jeune homme décida de ne pas interrompre Alice, il sentait dans son discours de l’énervement, mais aussi beaucoup d’inquiétude, et pas que pour lui.

- Être bloquée chez moi m’horripile, j’ai la bougeotte, je veux vous aider à faire avant l’enquête, mais mon père me barre la route à chaque tentative.

- C’est embêtant oui, ajouta Jules d’un ton sarcastique.

- Ne te fiche pas de moi.

Si la jolie brune apprenait qu’il avait demandé à son père de la tenir à l’écart, il se ferait trucider. La une du quotidien lui serait consacrée avec la photo de son corps en petits morceaux éparpillés. Alice était caractérielle, elle ne supportait pas que l’on aille contre son avis sans argument. Encore plus dans cette situation.

- Jules… J’ai surpris une conversation entre mes parents. Il se pourrait que Lucas soit l’auteur d’un coup monté. Une vengeance orchestré par des mafieux. Mon père a bossé à la brigade des stupéfiants il y'a quelques années, et il a démantelé un réseau.

Les yeux de Jules s’écarquillèrent. Il fit un signe à Babacar. Il mit le haut parleur et l’ami se chargea de prendre en note les informations.

- Tu m’écoutes ?

- Oui oui, je note ce que tu me dis ma puce.

- À la tête de ce trafic, Dimitri Balkichvski. Aucune preuve n’a permis de le traduire en justice, mais le coup a été dur pour lui. C’est tout ce que j’ai entendu et je t’ai appelé.

De précieuses informations qui pouvaient relancer l’enquête.

Jules tenta de se concentrer, d’intégrer ses nouvelles informations. Les pièces du puzzle commençait à s’imbriquer es unes avec les autres. Il sentait pointer le bout d’un début de réponse. Babacar souriait sans savoir pourquoi.

- Merci Alice, je vais fouiller. Et je te tiens au courant, ajouta-t-il pour couper l’herbe sous le pied de sa chère et tendre.

- Je t’aime Jules. Fais attention s’il te plaît.

- Moi aussi.

Elle raccrocha.

Babacar fit un rapide voyage faire le frigidaire. De sa périlleuse expédition il ramena un canette de Fanta. Le traditionnel « pchit » s’échappa de l’ouverture une fois la languette métallique basculée. La première gorgée pétilla le longue de son gosier. Sa grimace précéda une jolie éructation.

Sur la table, plusieurs photocopies d’imprimés dépassaient d’une pochette couleur saumon. Jules y perçut une identité qu’il commençait à bien connaître : Diane Le Tane.

- Cette nana là a un putain de pédigrée, commença Babacar observant son ami s’emparer des documents. Elle a pratiqué le tir dans sa jeunesse.

Le juriste lu les papiers à une vitesse vertigineuse. Il n’en retint pas grand chose, son crâne l’empêchant de se concentrer. Il décida d’écouter son compère avec une plus grande attention.

- Championne régionale de tir à quarante mètres. Trois fois consécutives en plus. À la cité, elle serait la patronne mama !

- Il y avait un sniper à l’entrepôt. Et des douilles de petits calibres. Diane est hors course.

- Pas toute à fait.

Jules fronça des sourcils. Où diable Babacar voulait-il en venir ? Il n’était pas d’humeur à attendre.

- Accouche mec !

- Doucement l’ami, je vais te donner la clef magique dans trente seconde. Je cherche le bon papier. Tu sais, moi je ne suis pas doué avec les papiers. Heureusement mon daron est français.

Il éclata de rire. Cette blague, quelque peu raciste, le bidonnait à chaque fois. « J’ai le droit, disait-il, je suis noir. ».

- Tiens. Regarde les lignes stabilosées. Devine qui possède une jolie collection d’arme chez son papa.

- Diane.

- Exactement.

Trop d’éléments pour être une série de coïncidences. Mâcon était mort, Dimitri trempé jusqu’au coup et Diane la probable tueuse. Il ne manquait, encore une fois, que le lien entre cette femme et l’homme d’affaire.

- C’est un super boulot Bounty.

L’heure tournait et Jules se souvint de son rendez-vous avec le redouté Balkichvski. Il raccompagna Babacar avec une pointe de rapidité qu’il regretta tant sa blessure se réveilla.

- Rendez-vous au quartier « G » dans l’après midi mec. Je continue à fouiller pour retrouver notre fugitif.

- À toute.

Jules claqua la porte derrière lui et se précipita à la fenêtre. La douleur était à son comble, autant en profiter pour se dépêcher. Si le médecin le voyait…

La sonnette de l’entrée hurla de nouveau. Qu’est ce que Bab a oublié ? Une vraie tête en l’air celui-là. Le jeune homme ouvrit l’accès de son appartement. Ses yeux s’écarquillèrent. Il fit un pas en arrière, ses mains cherchant appuis contre les murs du couloir.

Devant lui, Piotr et sa gueule des mauvais jours. Il arborait un costume taillé sur mesure couleur gris ardoise. Sa chemise noir assombrissait un peu le visage déjà très fermé du visiteur surprise. À sa ceinture, Jules reconnut un Glock dans son holster.

De l’index droit, l’homme tapota le cadrant de sa montre. Sa manière de signifier à Jules qu’il fallait partir et vite. Le garçon saisit son jogging bleu marine Adidas. Il enfila ses baskets sans les lacets et eut à peine le temps de fourrer dans son sac à dos ce bon il avait besoin que le garde du corps le pressa.

Un coup de clef pour verrouiller le chemin de son antre et il descendit les marches maladroitement, le gaillard chauve dans son dos.

Dehors, il faisait bon vivre. Le soleil illuminant un ciel d’un bleu pur, une légère brise caressant la peau, il n’en fallait pas plus pour commencer une bonne journée. Les enfants criait sur le trottoir d’en face. Ils jouaient à chat. Une petite fille de six ans, deux couettes couleur blé, poursuivait sans relâche sa copine.

- Monte dans la voiture, le patron t’attend.

- Ah bon ? Je croyais que vous m’emmeniez à Disney land. Grosse déception.

- Ta gueule. Ton sarcasme, tu peux te le foutre au cul connard, pesta Piotr.

Jules n’avait pas pu s’empêcher de provoquer le colosse. Il ne pouvait rien lui faire, Dimitri avait besoin de lui parler. Il allait en profiter tout le voyage.

- En route.

Sa main compressa l’épaule de Jules. Il le fit fléchir et le poussa à l’arrière du véhicule. Piotr rentra à son tour. Le juriste attendrait pour s’amuser avec le russe. La portière se referma et la voiture se mit à vrombir.

Le véhicule noir ne traina pas.

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