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Une jolie demoiselle blonde, le mètre soixante et un, les yeux d’un bleu ciel clair, se dressa de toute sa petite hauteur devant l’accueil du poste de police. Sa pochette à la main, elle présenta sa carte d’avocate à l’agent derrière le comptoir qui ne la regarda pas. Rien de plus pour l’énerver que de l’ignorer.

Sa main gauche se posa sur l’établi et ses ongles commencèrent à taper le bois en rythme. L’homme fronça les sourcils, mais ne fit rien pour autant. Il se permit d’alpaguer un collègue d’un signe de la tête. Les deux reluquèrent la femme de haut en bas, la dévorant sans aucune discrétion. Les hormones masculines en action.

Que la douche fut plus que froide !

- Je suis mariée messieurs. Peut-on y aller maintenant ?

Un joli mensonge. L’agent Gaufron toussa dans sa main et se précipita derrière son comptoir. Son collègue disparut en empruntant un accès vers les étages supérieurs. Idiots, tous les mêmes quand ils sont en chaleur, pensa la femme avec un sourire aux lèvres.

- Que puis-je faire pour vous, euh… Madame l’avocate ?

- On dit « maître » s’il vous plaît. Marie Piochard, je viens voir Monsieur Laville.

Un petit bleu, de quoi s’amuser un peu avant de passer aux choses sérieuses. Il l’avait dévoré du regard, elle allait le lui rendre.

- Mais avant, nous pourrions parler un petit peu vous et moi. Je ne vous ai jamais vu au commissariat du dixième.

- Je viens d’être affecté à mon poste madame. Major de ma promotion.

- Vraiment ?

- Oui, madame.

- Impressionnant !

La jeune femme feinta l’admiration. Sa tête entre ses mains, les coudes sur le comptoir, elle se mit à papillonner des yeux et sourire. Gaufron rougit.

- Venez, lui dit-elle, l’index pointé droit sur lui.

- Je…

Le planton s’exécuta. Il rejoignit la femme et elle lui susurra quelques délicieux mots à l’oreille. Ceux laissant à penser que la soirée n’allait pas être si calme que prévu. Le bleu s’imagina tout et n’importe quoi. Il en oubliait tout ce qui l’entourait. Sur son visage, un sourire niais s’imprima. Il ne manquait plus que le petit filet de bave.

La porte du commissariat s’ouvrit. Perdu dans ses pensées, le jeune flic ne s’attarda pas sur la percussion avec le passant, il était bien trop occupé. Son passe quitta sa poche en un éclair.

Vêtu d’une capuche sur la tête, le nouvel arrivant fit glisser entre ses doigts la carte magnétique. Il replongea sa main dans sa poche et réajusta son sac de sport sur son épaule. Marie continua son numéro :

- Bref, passons cette folie. Monsieur Laville, présent ou non ?

Le retour sur Terre fut brutal pour le jeune homme. Ses yeux clignèrent plusieurs fois, ses épaules s’affaissèrent et un léger soupir de déception s’échappa. Il saisit un répertoire et tourna les pages avec rapidité. Son doigt pointa une colonne, puis glissa vers le bas. L’information trouvée, il tapota dessus et redressa son regard, sa tête marquée par le revers qu’il avait pris.

- Le capitaine devrait être présent dans son bureau. Deuxième étage, couloir de droite.

- Je crois que l’on ne s’est pas compris. Je cherche Lucas Laville, son fils. Il a été arrêté pour meurtre.

- Ah… Celui que l’on voit à la télé… Un instant s’il vous plaît.

L’air un peu décomposé, l’homme disparut derrière une porte, laissant seule la jeune femme à l’accueil.


***


Entrant dans les toilettes du poste de police, l’homme à la capuche s’engouffra dans la première cabine disponible. Un bruit de la fermeture de sa veste précéda un changement rapide de tenue. Un morceau de vêtement dépassa, intrigant un autre usager. Il quitta le lieu aussitôt. L’opération finie, l’homme prit le temps d’évacuer son trop plein de stress. La chasse d’eau se manifesta, et l’individu sortit.

Devant les glaces tachetées, le jeune garçon ajusta le col de sa chemise. Petit sourire en coin, il se rapprocha de la porte. Sa main tapota la poche de sa veste. Le passe était toujours là. Le battant grinça tout le long de la manoeuvre ; l’homme leva les yeux au ciel. Jules et la discrétion… Personne à gauche, un homme en poste à droite. D’une démarche naturelle, il s’engagea pour rejoindre les étages et le bureau de le capitaine Laville.

Aucun agent ne lui prêta la moindre attention. Un homme en costume dans un poste de police, il y en avait des dizaines chaque jour. La couverture parfaite pour se déplacer. La montre en argent indiquait dix-huit heures vingt. Plus une seconde à perdre maintenant. Le blond monta les marches de l’escalier deux à deux, inclinant la tête vers le bas pour ne par croiser ses connaissances.

Le juriste accéléra le pas une fois dans le premier couloir de droite. Les discussions qu’il entendait laissaient à penser que sa marge de manoeuvre ne serait pas si large qu’escomptée. L’un des flics revenait du rez-de-chaussée, le ton dans le bureau du commissaire montait de plus en plus. Un autre jaillit pour prendre part à la discussion. Il frôla le visiteur et s’immobilisa.

- S’il vous plaît.

Jules se figea à son tour. Son coeur fit un bond. Il pivota avec hésitation sur lui même, découvrant un flic robuste, chauve et le visage marqué par l’expérience et la fatigue.

- Pas de cigarette à l’intérieur.

- Excusez-moi. Vous savez, la dépendance…

- Je connais l’ami, sourit-il en tapotant son propre paquet dans la poche arrière de son pantalon. Mais pas dans les locaux, malheureusement, c’est la loi.

- Très bien.

Le garçon écrasa la tige de tabac.

- Merci.

L’agent se retourna et continua sa route. Reprenant à son tour son itinéraire, l’infiltré reçut un message sur son portable qu’il s’empressa de regarder :


«  Lucas ne va pas tarder. Babacar aussi. Je suis toujours à l’accueil. Ne traine pas. ».


Pas le temps de répondre. Le jeune homme se faufila dans le bureau de le capitaine Laville et baissa les stores. Le loquet bascula d’un quart de tour et verrouilla la porte. Cinq minutes, pas une de plus.

S’installant dans le fauteuil à roulettes de son « beau-père », Jules observa un peu le bureau. Il en apprendrait peut-être plus sur cet homme mystérieux.

Il avait encore en tête la réflexion qu’il lui avait envoyée en plein milieu du repas dimanche dernier : « Et sinon, as-tu pensé à te protéger quand tu as couché avec ma fille ? ». La remarque avait sidéré tout le monde, l’effet recherché bien sûr. Il lui avait mis un KO technique en moins de dix secondes. Très fort le vieux.

À la gauche du bureau, l’ordinateur. Juste à sa droite, une photo de famille, la même que sur le rebord de la cheminée, entourée d’une de chacun des enfants dans leurs plus jeunes années. Jules n’était rentré qu’une seule fois dans la demeure des Laville, un soir d’hiver. Il avait eu le droit à l’histoire de chacune d’entre elles.

Un peu plus centre, une pile de dossiers écrasée par un pot à crayons en fer étrangement vide. Une petite lampe siégeait en plein milieu, sans vie. Drôle d’organisation pour un homme de la stature de le capitaine Laville.

Le jeune homme se tourna vers l’ordinateur, saisit le clavier d’une main et la souris de l’autre. La page de garde s’ouvrit. Verrouillée. Il ne fallait pas en attendre moins de la part d’un tel personnage. Un rectangle imposait un identifiant et un mot de pass.

C’est un serveur en réseau, n’importe quel login doit permettre l’accès à cette base de donnée. Et puis ça ne me coûte rien de tenter ma chance.

Jules fit lentement glisser le pass qu’il avait subtilisé. Bingo, les identifiants de l’agent y étaient inscrits. Les doigts du juriste pianotèrent sur le clavier, les étoiles s’alignèrent et le verrou céda après un clic de validation. Mais les difficultés ne cessèrent pas pour autant : tous les logiciels requéraient un code personnel.

Entre les dates d’anniversaires, les événements marquants et toute autre chose pouvant servir de base à un mot de pass… Impossible de trouver le bon en si peu de temps. Il entra la date de naissance d’Alice. Accès refusé. Un petit message apparut à l’écran : « 2 tentatives restantes ».

Que savait-il sur le flic ? Il était rentré dans les force de l’ordre avant la naissance des enfants. Son mot de pass devait donc concerner… son mariage ! Jules entra la date : accès refusé. Plus qu’un essai. Un coup de main s’imposait. Après la troisième sonnerie, son tendre décrocha.

- J’ai besoin du mot de pass de ton père mon coeur.

- Pourquoi ?

- Entrer dans les logiciels de la police et récupérer les documents concernant le meurtre d’Alexian.

- Mais où es-tu ?

- Euh… Sur la chaise de ton père… Dans son bureau… Donne-le-moi s’il te plaît, je n’ai pas beaucoup de temps.

- Tu es complètement… Cinglé !

Il entendit un long soupir à travers le combiné.

- Papa utilise toujours le même mot de pass depuis des années. C’est « Irène2307 ».

Jules n’attendit pas une seconde de plus et entra le code. Le logiciel se mit en route et afficha un moteur de recherche. Un petit mot d’amour et il raccrocha. Trouver le dossier concernant l’affaire de Lucas ne fut pas difficile. Quatre procès verbaux y étaient inventoriés : trois témoignages et un relevé de la scène de crime. Une bonne base pour bien commencer une enquête.

Alors qu’il s’apprêtait à imprimer les documents, une main se posa sur la poignée extérieure de la porte, la tournant vers le bas. Le battant résista. Jules vit l’ombre s’emparer d’un objet dans sa poche. Lorsque la clef s’introduit dans la serrure, le piège se referma sur lui.

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