Chapitre 16 partie 2

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La capitaine Gerthia Herzlich avait un sourire bedonnant. Son casque toujours sous le bras, sur son épaule, jetée négligemment, une lourde masse d’armes à ailettes. Elle voyait les bêtes rouges avancer péniblement vers ses lignes : quatre rangées de lancier dont une sur deux portait de grands boucliers, les autres en étant dépourvus, et derrière eux plusieurs carrés d’épéistes légers. Ces derniers étaient de ceux qui, à leurs entrainements hebdomadaires, s’étaient avérés avoir une plus grande affinité pour le combat avec un fauchon ou un équivalent et une targe ou un petit bouclier rond. Ceux là devaient intervenir si les lanciers ne parvenaient pas à contenir la charge adverse.

Gerthia était d’un calme suspect. Rien ne pouvait la décourager, et comme tout officier militaire, la perspective de la mort inéluctable de ses hommes ne l’effrayait aucunement tant qu’elle se sentait assurée de sa victoire et de la reconnaissance de maître Hargis Tunmort. La gradation de la hiérarchie militaire n’était peut-être pas sa seule raison de vouloir être distinguée par ce chevalier, mais quoi qu’il en soit elle se sentait une fierté immense qu’il lui ait confié le rôle clé de cette bataille, plutôt qu’à son suppléant. En effet, Dirval avait été envoyé à l’arrière, avec pour ordre de surveiller le déroulement des choses et de faire intervenir les réserves au bon moment. Elle, Gerthia Herzlich, se voyait chargée de donner le signal de charge de la cavalerie lourde ; une humble étrangère comme elle, indigne à jamais du rang de chevalière.

« Ach ! Les chiens sont là. »

Elle parlait toujours avec une grosse voix, qu’elle le veuille ou non. Les gnolls étaient maintenant assez proche pour qu’on puisse sentir leur odeur d’urine et de poils mouillés. Ils montraient les crocs en s’élançant à l’assaut de la colline. Les lanciers les attendaient au sommet de la pente, dirigeant le fer de leurs armes vers la meute gigotante. Gerthia enfila son lourd heaume, noir. Une longue plume mauve en ornait le cimier. Avant d’abaisser sa visière, elle cria en levant sa masse :

« Les rangs serrés ! Schnell ! Tenez vos position avec hargne ! Tuez les chiens ! Tuez les orques ! Faites les souffrir ! »

L’objectif dévolu au flanc gauche dont elle avait le commandement était d’attirer les orques et de les pousser à la frénésie. Il fallait que ces créatures choisissent de se jeter sur eux jusqu’à les faire reculer, engageant toutes leurs forces et se plongeant avec leur bêtise habituelle dans le feu de la divine baston. Ainsi, ils finiraient par tourner le dos à la charge de cavalerie qui leur rentrerait dedans complètement par surprise et écraserait en un instant la masse d’orques agglutinés contre ce flanc. C’était le plan. Pour ce faire, Gerthia ne voyait pas mieux que de les exciter par sa violence et ses insultes. Elle savait par expérience que les orques étaient très réceptifs aux insultes.

Le mouvement par lequel elle rabaissa la visière sur son visage était violent et cinglant. Sa démarche lourde la fit avancer vers l’ennemi avec un ricanement. Elle s’écarterai sans doute un peu à l’arrivée des orques eux mêmes, mais en attendant, elle avait une irrépressible envie de s’amuser en écrasant des têtes de cabots.

À l’autre extrémité de la chaine des collines, le précieux capitaine Vermant Lapalissade était chargé d’accomplir l’exacte inverse de ce que faisait sa moins précieuse collègue. Arrêter les orques quoi qu’il en coûte, les repousser vers l’autre flanc, et si possible, le moment venu juste quand les cavaliers se dévoileraient, entreprendre de passer sur le flanc de l’adversaire. Ainsi la charge écraserait dès le départ, sans perdre son précieux élan, la plupart des vermineuses créatures, et du reste, entre la cavalerie et les troupes de choc du capitaine Lapalissade, la horde serait écrasée par le marteau et l’enclume.

Pour cela, le capitaine pouvait compter sur des troupes de choc. Plus expérimentées et plus solides. Ses fidèles soldats portaient pour la plupart des brigandines ou des mailles solides, de quoi pouvoir tenir bon même face aux cruels et furieux assauts du plus terrible ennemi. Enfin, dans une certaine mesure…

Les sergents d’armes se tenaient en première ligne, là aussi brandissant lances et boucliers ovales. Armurés de pied en cap, des hommes d’armes se tenaient en beaux carrés, prêts à intervenir, sur leurs arrières, brandissant à deux mains des piques de guerre. Vraisemblablement, ce flanc ne devrait pas tomber tant ses hommes transpiraient la solidité et la haine.

Le premier accrochage fut si bref que Lapalissade ne se donna pas même la peine de dégainer son sabre. En se triturant la moustache d’une main, il regarda les quelques gnolls stupidement plus intrépides que les autres se faire déchiqueter le cuir avec des jappements d’impuissance que le capitaine trouvait ravissants. De son point de vue il pouvait par ailleurs admirer la lente approche des verdâtres guerriers warzukas, ralentis par les tirs d’arbalète seulement. Parfois, l’un d’entre eux s’effondrait. Les autres grognaient. Ils avançaient toujours. Puis vint le moment où les humains pouvaient sentir l’odeur des orques. Une odeur affreuse, celle d’êtres n’ayant jamais songé à se laver car leur cuir est suffisamment épais pour que cela ne les fasse pas tomber malade. Seulement en face, les nasaux de carnivores des warzukas reniflaient au même moment l’odeur appétissante de la viande humaine. Les réactions des deux camps étaient parfaitement opposées. Les humains avaient un mouvement de recul. Les orques, eux, se léchaient les babines avec une excitation incommensurable.

Humgratz avait pensé tourner son regard vers ses propres troupes pour les passer en revue avant l’assaut. Les bons généraux font ça. Mais Humgratz n’était pas un général. C’était le chef du clan des Ventraciers, et le meneur de cette bande. Il en avait pas grand-chose à faire de ce à quoi son armée ressemblait actuellement. Les orques avaient avancés sous les tirs d’arbalètes en se gaussant. Warzukan ne les avait pas pourvus d’un instinct de survie semblable à celui des humains. L’inquiétude n’existe pas pour un orque, alors ils marchaient sous les dangereux projectiles. Les arbalètes avaient décoché la mort, des orques s’effondraient parfois avec un carreau dans le cœur ou dans le crâne. Sinon, rien ne les arrêtait. Un carreau dans la cuisse ? Les orques recherchaient évidemment ce genre de blessures pour nourrir leurs capacités de régénération. Ils s’épuisaient un peu, certes, à force de perdre du sang qui mettait un certain temps à se renouveler il y en avait certains qui perdaient en combativité. Était-ce de la stupidité qui leur faisait arracher à main nue avec des hurlements de douleur les projectiles fichés dans leurs corps ? Les orques étaient conscients qu’ils n’étaient pas invincibles sans doute, mais il leur fallait bien défier la mort pour rendre le combat plus excitant et leur victoire plus glorieuse. Alors que Humgratz Ventracier reniflait l’odeur d’humain, il sentit une aura brulante courir dans ses veines. Sa langue se mit à pendre, alléchée. Il écarta les deux orques les plus proches avec des coups d’épaule si violents qu’ils auraient suffi à estropier un humain. Il y avait les gnolls dans son chemin, mais ils étaient trop petits. Il marcherait dessus, trébucherait peut-être dessus, se relèverait et courrait à nouveau. Les respirations derrière lui se faisaient plus lourdes, plus agitées. On poussa un hululement semblable à celui d’un loup. Il put entendre le claquement humide des langues qu’on sortait pour goûter l’odeur de viande. Puis un hurlement féroce vers sa droite. Urzamka, un orque particulièrement illuminé avait sorti une outre d’huile qu’il avait à sa ceinture et l’avait éventrée avec un couteau au dessus de sa tête, répandant le liquide visqueux sur sa tête, ses épaules et ses bras. L’huile coula partout, dans ses cheveux et les poils hirsutes qui couvraient son buste. Puis ils tira de sa ceinture l’outil que tous les orques possèdent : une pierre briquet.

L’étincelle fut aussi sauvage que son cri, guerrier et terrifié, douloureux et divin. Le cri d’un animal pris d’une illumination et submergé par un zèle religieux intense et jaculatoire sans avoir pour autant l’âme nécessaire à une compréhension totale de ce don. Une sauvagerie plus infâme que la sauvagerie venait de s’éveiller, et un orque fou plus fou que les autres venait dans un rugissement de flamme de rendre hommage à son dieu d’une façon qu’aucun humain ne saurait imiter, car il fallait pour cela une spontanéité et une simplicité que l’esprit humain n’a pas pour les questions religieuses. Warzukan est le dieu du feu, alors on fait tout bruler. Tout.

« WAAAAAAAARRRRRRRRRRR… ! »

Des centaines de gueules affamées de carnage s’unissaient à celle d’Urzamka. Le vétéran orque ne put pas se retenir plus longtemps, et, boule de feu enragée, il se précipita en avant. Humgratz, comme tous les autres, récitait pendant ce temps le reste de la parole rituelle.

« ZU… ! »

Et ils se mirent tous à courir.

« KAAAAAAAAAAANNN ! »

Tel était le seul et unique cri de guerre des orques. Trois syllabes qui valaient tous les ordres du monde. Humgratz n’avait pas à se fatiguer en disant de charger. Trois syllabes. Un cri commun à toute l’espèce, compréhensible par tous, même par les humains en face qui sentirent le vent tourner de façon fort peu agréable, un vent brulant. Humgratz était à l’avant, poussant en arrière ceux qui le suivaient. D’autres enflammés, au sens propre ou au figuré se précipitaient encore plus vite que les autres, écartant les gnolls un peu trop grands pour être simplement enjambés à grand coups de hache, sans pitié. Ça courait. Ça s’approchait bien trop vite et furieusement. Humgratz se fit dépasser malgré ses efforts, sa masse se mouvant avec lourdeur à cause de sa brigandine. Les autres orques qui allaient torse nu ou avec de simples protections de cuir mal cousues avaient peut-être leurs raisons après tout. En face, les lieutenants humains criaient à leurs hommes pour les extirper de la torpeur superstitieuse où les avait jeté le cri des orques.

« Raides et droits ! Concentrez vous ! Pas de mauvais réflexes ! Ne frappez pas au hasard et visez les organes vitaux ! »

Humgratz écarta largement sa gueule pour hurler sans articuler :

« FEU! SANG ! FEU ! AAAAAARG ! WARZUKAN ! »

Les cadavres commençaient déjà à voler.

La charge des orques était si désordonnée que les premiers trublions les plus dérangés auraient dû, normalement, pouvoir être abattus à coup de lance sans problème. Mais aucun humain à moins d’avoir déjà une longue expérience de la guerre contre ces ignobles créatures ne peut voir approcher un orque hurlant au buste enrobé de flammes sans sentir son cœur être broyé par la peur et avoir au moins un pas de recul. Seulement, un pas de recul et c’est toute la formation qui en pâtit.

Urzamka mit plusieurs longues minutes à mourir. Ce vétéran avait tant subi de coups au cours de son existence que la régénération de sa chair avait atteinte des capacités défiant l’entendement. Une lance plantée dans son corps se retrouvait aussitôt coincée car les muscles se ressoudaient et la plaie cicatrisait avant qu’on ait retiré le fer. S’il ne s’était pas lui même mis en feu, il n’aurait peut-être pas été possible de le tuer, mais à force il s’éteignit, asphyxié car le feu avait brulé tout son oxygène. Les hommes l’ayant vu plonger littéralement sur leurs piques avaient déjà brisé la formation. Les gnolls s’étaient engouffrés dans l’ouverture, et les lanciers se retrouvaient avec les flancs exposés par la faute de leurs camarades tremblants d’effroi. La meute vociférante de guerriers warzukas dardait sur cette ouverture des regards avides de prédateurs sanguinaires. Ils sautillaient presque, ces guerriers gigantesques rendus grotesques par une musculature défiant de loin l’entendement humain. Mais dans la pente ils s’épuisèrent et les premiers d’entre eux furent cueillis par des lances tremblantes, perçant cœur, estomac, gorge… Les suivants sautèrent par dessus les corps effondrés des premiers, souvent ils trébuchèrent, mais leurs lames rageuses s’engagèrent contre les boucliers des humains. La colère intense et insensée de leur race leur fit donner des coups défiant l’entendement alors que les hommes et femmes leur faisant face réfrénaient les battements de leurs cœurs pour essayer de redonner corps à leurs entrainements. Face à un warzuka assoiffé de sang, l’humain est comme un chien acculé par un ours, forcé à se battre en espérant survivre assez longtemps, peut-être tuer l’ennemi, un ou deux, mais aucun espoir de triompher purement par la force. Warzukan avait au moins imprimé cela dans l’esprit humain afin qu’ils n’aient pas à perdre du temps à l’apprendre : la supériorité de l’humanité sur les autres races créées par le dieu du feu ne serait jamais dans le combat singulier mais dans les manœuvres et les formations militaires.

Les soldats devaient se couvrir les uns les autres. Un rang de boucliers, un rang de piques. Les piques, plus longues que les lances, dardaient entre les épaules du rang de devant pour mordre une gorge ou frapper un visage. Le premier rang, boucliers serrés, épaules contre épaules. Ils s’efforçaient de reculer tous en cadence, pas par pas, lorsqu’il le fallait. Ça ne marchait pas. Une jeune milicienne se retrouva ainsi extirpée de la formation, en avant par rapport aux autres qui reculaient sous l’impulsion dangereuse de la charge. Elle regarda autour d’elle, apeurée, le trou dans la formation fut refermée par un lancier de réserve. Elle tourna sur elle même en levant son bouclier pour arrêter les coups des gnolls qui commençaient à s’agglutiner autour d’elle, puis un warzuka bondit littéralement sur elle. Un sac de muscle lui tombait dessus, un bras levé avec une lourde hache. Elle resta un instant sidérée, constatant sa mort inéluctable. Dans le bruit sourd de la hache et le craquement de son cri se retrouvait toute la violence d’une haine gratuite et sordide. Le fer s’enfonça dans son épaule, juste au dessus de son bouclier, mais plus que tout c’est la force phénoménale du choc qui la fit tomber littéralement à genoux. L’orque lâcha alors le manche de son arme pour saisir à deux mains la tête de la malheureuse. En poussant avec un pied sur son épaule et en tirant avec tous les muscles bovins de son corps, il détacha le crâne et le brandit, tout dégoulinant de sang et de cheveux, et poussa un cri que ses frères reprirent, impatients d’accomplir le même exploit. Le monstre arrogant n’eut pas longtemps de quoi se réjouir quand un carreau d’arbalète vint se planter au dessus de son œil gauche. La boite crânienne transpercée, il loucha, ouvrit la gueule, et ne poussa aucun cri ni gémissement en mourant.

Le net avantage de la méthode de Hargis Tunmort avait été que les arbalétriers, en amont par rapport à tout le reste du combat, n’avaient aucune peine à tirer par dessus les têtes de leurs camarades, et les orques étant plus grands que des humains, les repérer était un jeu d’enfant. Mais la proximité des monstres n’en était pas moins à même de les faire frémir. Ils entendaient d’ici les insultes qu’on leur grognait, et tremblaient presque à chaque fois qu’ils encochaient un carreau et remontaient la manivelle de leurs engins. Ils tiraient à volonté depuis un moment déjà. Il ne fallait pas tirer au hasard en espérant toucher et blesser quand on faisait face à des orques. Il fallait tirer pour tuer. Choisir ses cibles, les viser correctement, tirer, prier, et abattre la créature. Ils ne cessaient pas, et pourtant ils savaient que ce n’était pas assez, car la marée d’ennemis avançait toujours. La première rangée d’orques venus s’empaler sur les piques en gravissant au pas de course la montée sembla recommencer à bouger sur le sol jonché de corps à la respiration rauque et sanglante. Certains se redressèrent, beuglèrent des insultes, ou s’esclaffèrent. Puis ils retournèrent au combat.

« Pourquoi on a pas de bombarde pour mettre en charpie ces enfants de putain ! »

On criait pour se donner du courage, mais on reculait. Pas après pas. Pour un warzuka dont la mort pouvait être assurée, cinq humains au moins se faisaient emporter et découper tout hurlants dans un déchainement de violence et d’insultes à faire bleuir le ciel.

Gerthia surveillait la chose avec une grande attention. Sa masse d’armes la démangeait. Elle s’approcha à pas mesurés de la mêlée pour mieux observer comment on se débrouillait.

« Ach, haut les cœurs camarades ! Taillez ces raclures en tranche ! Faites en des lanières ! Warzukan est de notre côté ! »

L’interrompant, un de ses hommes fit un vol plané de quelques mètres et vint s’écraser devant elle. Un orque enfonçait ses lignes sans aucune gêne, envoyant valdinguer hommes et boucliers avec de grands coups de massue. Il avait brisé les piques à mains nues, et s’était couvert de sang au point qu’on ne distinguait plus le vert sale de sa peau. Un morceau d’intestin sur une de ses défenses témoignait qu’il avait littéralement éventré quelqu’un avec ses dents. Son regard était rouge, amorphe et bête.

« Ach ! Excellent ! s’exclama la capitaine. Je vais te faire tes propres tripes roter ! »

La créature ne put que hurler en posant ses yeux sur la capitaine. Les autres soldats auraient dû en profiter pour intervenir. Hélas, ils étaient trop terrifiés pour rien faire et s’écartaient plutôt d’un air rassurés. La capitaine laissa l’orque venir à elle. Elle se fendit au dernier moment, frappant avec la pointe de son arme dans le ventre. L’orque eut le souffle coupé mais donna tout de même son fruste coup de massue dans le casque de Gerthia, l’envoyant presque valdinguer au sol. La vitesse à laquelle elle se redressa était plus surprenante que la façon dont elle parvint à donner un coup de masse sur le bras gauche de l’orque tout de suite après. Celui-ci n’en parut pas tant inquiété, il banda ses muscles et la partie contondante du fer ne fit que ricocher en arrachant un petit morceau de peau. En revanche, dès la seconde qui suivait, elle tenait déjà sa masse à deux mains et passait à l’assaut, faisant pleuvoir des coups lourds et puissants mais d’une rapidité éclatante sur tous les membres de l’orque, jusqu’à ce que la bête, en essayant de frapper, s’aperçoive que ses deux bras étaient brisés.

Le combat avec une arme contondante était pour les humains une discipline jugée des plus difficile, car pour rendre ce genre d’armement efficace contre un warzuka capable de se régénérer en un instant, il faut être capable de manipuler une arme lourde avec une célérité hors du commun. Pour cela, la seule solution était d’avoir la force d’un bœuf et de manier son arme à deux mains pour avoir plus d’adresse. Pas de bouclier, donc une armure aussi épaisse que possible. Le chevalier Morgenstern était un expert de ce type de combat qui requérait beaucoup d’entrainement. Les orques développaient leur capacité de régénération à force de subir des blessures, mais les parties de leurs corps n’ayant jamais ou très peu eu recours à la régénération mettaient naturellement plus de temps à récupérer. Considérant qu’il était plus rare pour eux de se briser les os que de se faire charcuter, les manieurs de masses essayaient de rendre l’orque incapable de se battre suffisamment vite pour pouvoir lui broyer la tête avant que ses os ne se ressoudent. Les ailettes d’une masse d’arme ou les piques d’un morgenstern, bien sûr, aident en écharpant la victime et en lui faisant perdre du sang, en plus du fait que les dards du morgenstern lui permettent de transpercer os et armures pour un coup fatal d’autant plus foudroyant. Ce style de combat était rare, car difficile à maitriser, mais sa capacité à surprendre les orques le rendait suffisamment efficace pour compenser sa difficulté. Par rapport à ceux qui combattent à coup de fauchon en priant pour avoir le temps de souffler avant que la chair ne se ressoude là où est passée leur lame, les combattants usant d’armes contondantes faisaient le choix de ne compter que sur leur talent, leur maitrise et leur force ; pas sur le hasard ou la chance.

L’orque auquel Gerthia faisait face se ressaisit assez vite, décidant de charger bêtement, les crocs en avant. C’est avec une grande satisfaction que seule l’opacité de son heaume dissimulait que la capitaine lui envoya un coup de masse d’armes directement dans la gueule, brisant et déchiquetant dents et mâchoire du même coup. L’orque ne put cette fois pas supporter la douleur, il se tordit, juste comme il fallait. Le coup de masse sur le crâne fut propre, net, pas comme les morceaux d’yeux et de cerveau qui giclèrent par les narines sales et les orbites de la bête.

Il était mort sur le coup.

La contre charge des épéistes ne se fit pas attendre. La large brèche ouverte dans les rangs avait vu passer des gnolls et quelques orques, qui furent pressés, massacrés, et rejetés. Gerthia contempla fièrement la formation reprendre figure.

« Très bien. Faisons les encore patienter. »

Il fallait que les orques comprennent que c’était sur ce flanc là le point faible du dispositif humain, mais ce n’était pas une raison pour se laisser aller. Les orques devaient encore affluer vers eux, tomber dans le piège. Il ne fallait surtout pas que ces troupes peu expérimentées se retrouvent en déroute face aux vermines.

La capitaine se retourna. La tête orientée vers le bas, elle ouvrit la visière de son casque et entra un de ses doigts gantés à l’intérieur pour tâter sa tempe. Quand elle ressortit le gantelet, il était légèrement taché de rouge. Mais ça lui semblait encore acceptable. Le casque avait encaissé la majeure partie du choc.

« Ha ! Rien ne me tuer ! »

Elle refit volte face, contemplant avec un sourire mal placé le déroulement des combats. Son sourire s’effaça aussitôt. Elle tourna la tête comme pour consulter ses soldats.

« Was ! Qu’est-ce qui se passe ? »

Il y avait une marée d’orques devant eux l’instant d’avant. Avec des créatures aussi zélotes, il n’y avait pas de reflux normalement. Mais le combat s’était désormais engagé sur toute la ligne, et les orques derrière leurs aînés, ceux qui n’avaient rien sur qui frapper, réagissaient de la plus stupide des façons. Cela aurait pourtant réclamé un effort minime de manœuvrer pour contourner l’aile humaine et attaquer de flanc. Ils ne le firent pas.

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