Chapitre 16 partie 3

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« Humpf ! Fils de raclures de truies de mes couilles de chiotte à trique ! »

Humgratz ne regardait même pas le visage de la pauvre chose sur laquelle sa massue s’abattait dans un craquement et un froissement de métal et d’os absolument barbare., Il en insultait déjà un autre qui ne comprenait même pas ce déchainement de violence personnelle en même temps que la cruauté gratuite et parfaitement immotivée. Le milicien ne bougea pas pendant un temps beaucoup trop long, plusieurs secondes. Alors pour ne pas perdre de temps bêtement à extirper le fer de son arme de là où elle s’était enfoncée, l’orque saisit de son autre main la tête casquée de l’humain et lui flanqua un coup avec son crâne. Humgratz ne portait pas de casque. Pourtant, il parvint à sonner l’humain assez pour ensuite lui envoyer son genou dans les testicules, puis le jeter à terre comme un chiffon et l’écraser à coups de talon.

On lui sauta au cou par derrière, l’agrippant avec tout un bras. Il se retourna et cette fois ne se gêna pas pour donner un coup de poing qui enfonça le nez de l’orque. Celui-ci renifla douloureusement, mais lui parla tout de même.

« Chef, on a demandé partout et c’est bon…

- Ah ! Tout de même ! Alors ! Ou que c’est que ça se bat le mieux dans ce tas de pécores merdeux ?!

- Par là bas chef. » l’orque désigna le sud des collines. « C’est par là qu’y sont le plus résistants avec des grosses armures et tout ce bordel là.

- Grah ! Enfin !

- Mais le bruit s’est répandu, alors tous nos gars y sont en train de se bousculer pour y aller.

- Je m’en bat les couilles aussi fort que je bat le cuir d’un warzuk. C’est moi que ch’uis le chef ici et si y a quelqu’un qu’essaye de prendre ma place contre les meilleurs gars d’en face je le bousille moi même ! Non mais !

- Je comprends chef.

- Et fait savoir aussi que les vieux ont priorité. Par le rectum plein de merde de Vundkram le broyeur ! Si ces jeunes raclures de couilles se croient dignes de demander les meilleurs morceaux sans rien laisser aux autres, fais leur savoir que je leur arracherais les deux bras pour me torcher le cul avec !

- Compris chef ! Warzukan brûle en toi mon maitre ! »

Humgratz se gratta la tête. Puis il reposa sa masse sur son épaule et avança droit vers le sud en flanquant des coups de pied aux orques sur son chemin. La plupart se retournaient alors en montrant les crocs mais s’enfuyaient sitôt qu’ils voyaient de qui il s’agissait. Ceux qui ne le faisaient pas recevaient un poing dans les dents de toute façon. Quelqu’un qui aurait regardé l’armée orque de loin à ce moment là aurait eu la surprise de voir que l’arrière de l’armée orque se dirigeait entièrement vers le sud, tandis que ceux déjà engagés à l’avant, trop stupides ou inconscients de leur environnement pour se détourner du seul ennemi qu’ils voyaient, restaient campés devant la ligne humaine jusqu’à convenablement l’occuper sur toute sa longueur. On aurait presque pu penser qu’il y avait une stratégie derrière, que les warzukas cherchaient à profiter de leur surnombre et de leur endurance supérieure pour empêcher d’un côté le débordement sur le flanc adve ;rse le plus faible tandis qu’ils concentraient sur la partie la plus dure de l’ennemi une pression croissante afin de la faire tomber et le reste avec.

Mais pour celui qui à cet instant précis regardait l’armée orque de loin, à la longue-vue, perché sur un cheval, il était clair que c’était par bêtise que les orques agissaient. Seulement, ça ne l’empêcha pas de pousser une exclamation en rangeant son outil

« Oh, laissa-t-il sobrement échapper entre ses lèvres. Tout cela est tout de même très fâcheux je crois. Ce me semble. »

Dirval eut un grelottement insignifiant en enfonçant la longue vue dans son étui. Comme si personne ne pouvait le voir, il secoua les épaules. Sans savoir pourquoi. Peut-être essayait-il d’en faire tomber quelque chose d’invisible et qui lui pesait.

En tout cas, il, peinait à réfléchir, le soleil tapant trop durement son pauvre petit visage. Pour ne pas donner l’impression de se couvrir de ses rayons, il frotta son œil gauche avec une main.

« Fâcheux me paraît le mot adapté, oui. Le terme idoine. »

Rien. Il ne pouvait penser à rien. Fallait-il vraiment que son action ait douloureusement pesée sur son esprit pour que ses pensées soient estropiées de la sorte ? En effet, sans en référer au général, il avait pris une initiative hasardeuse, qui, il le savait, pouvait lui couter cher si les choses tournaient mal. Il pourrait être radié de l’armée, ou pire, Hargis Tunmort pourrait le frapper au visage. Dirval détestait être frappé au visage. En fait, il avait horreur de la douleur.

Mais la situation avait selon lui exigé une initiative. On lui avait confié le commandement de la cavalerie légère ; des troupes de hussards et d’archers montés qui étaient sans doute une des plus ancienne unité militaire connue de l’humanité. Des paysans possédant un cheval, pour la plupart, qui avaient opté pour la façon de combattre la plus sûre et la plus efficace qu’on connaisse. Les hussards, eux, maniaient des piques légères, mais solides, que la puissance de charge d’un cheval au galop pouvait rendre mortelles dans tous les cas. Dirval avait passé le début de l’engagement à réfléchir. Il avait en horreur ce sentiment d’être inutile au déroulement des événements, de n’être qu’un spectateur de la bataille qui à n’en pas douter serait une boucherie voire une défaite s’il n’agissait pas. Dirval n’avait jamais connu la défaite. C’était inadmissible pour lui. À ses yeux, le monde n’était pas conçu de sorte que quelqu’un comme lui puisse perdre. Si la chose arrivait, l’univers et ses lois en seraient atrocement meurtries, outragées, offensées jusque dans les fondements de leur trame.

Ou alors c’était cet insupportable picotement dans l’arrière de son crâne, se transmettant à tout le reste de son corps, quand il songeait que sa précieuse collection de victoires successives seraient entachées par la faute d’un général plus vieux mais moins expérimenté que lui.

Alors il avait fait discrètement mouvement de sa cavalerie. Ils étaient peu nombreux, mais leur force serait à même de perturber grandement les actions de l’ennemi, il le savait. Alors il avait fait emprunter à ses hommes un long chemin de contournement pour les amener dans le dos de l’armée ennemie. Les orques n’ont pas réellement de ligne de ravitaillement d’ordinaire, et surveiller leurs arrières lors d’une charge était la dernière de leurs préoccupations. Néanmoins, il fallait rester aux aguets au cas où des warzukanis rôderaient. Les elfes noirs étaient beaucoup plus rusés que leurs cousins guerriers, et leurs esprits tortueux savaient prévoir tous les mouvements des humains. Pour ne pas rendre leurs intentions trop évidentes, Dirval faisait avancer la cavalerie légère de façon irrégulière, avec quelques détours. Même un observateur avisé aurait eu du mal à savoir s’ils allaient rejoindre le combat ou plutôt quitter le champs de bataille.

Ils étaient en pause à mi parcours. Il n’était pas encore trop tard pour faire le mouvement inverse, mais Dirval ne savait pas comment ses hommes réagiraient dans ce cas. Ils seraient confus, et perdraient confiance en lui.

Dirval leva ses yeux, laissant la lumière du ciel faire luire de vert de ses yeux. Oser agir sans en avoir reçu l’autorisation de ses supérieurs était désormais son nouveau problème. Un nouveau tambourinement sous son crâne venant s’additionner au précédent que n’avait pas le moins du monde apaisée la vision des mouvements de la masse d’orques.

Il fit un simple mouvement de la main, sans dépense d’énergie superflu, ni mot ni expression faciale, pour indiquer aux cavaliers à ses côtés de se remettre en route. Les montures repartirent ensemble, au pas.

Le son délicat du tambourin, l’éclat sobre des armures et des lances, la suprême candeur d’une moustache.

La moustache du capitaine Lapalissade avait droit à un traitement de familiarité surprenant au vu du rythme avec lequel le militaire finissait invariablement par venir la caresser ou la triturer avec amour, un sourire faste à moitié dissimulé derrière elle et ses yeux en amande se plissant d’un air chaleureux. Son autre main était toujours sur le pommeau de son sabre. Fierté et honnêteté étaient les seuls mots qu’évoquait sa noble posture. Il ne se tenait pas vraiment à l’arrière, puisqu’il était sur le côté de la première ligne, tout à droite, là où les ennemis n’étaient pas encore arrivés. Mais ce n’était qu’une question de temps. Avec un mouvement preste, il fit jaillir son sabre hors du fourreau.

La première charge des orques avait été difficile à encaisser, le choc ayant fait trembler toute la ligne, mais à force d’obstination et de professionnalisme, les humains avaient refait en avant le pas qu’ils avaient esquissés en arrière. Des coups de lance adroits avaient empalés les orques, d’autres les avaient aussitôt massacrés avant même que les corps n’aient pu toucher le sol. On suivait si parfaitement la méthode enseignée qu’on perforait chaque organe dans l’ordre : poumon gauche, cœur, estomac, foie, et poumon droit. Puis on passait à la créature suivante. Il y avait tant de synchronisation et une succession si parfaite de chacun de ces mouvements qu’on aurait pu croire à une simple représentation après un entrainement ardu et précis, comme des danseurs faisant leur chorégraphie. À ceci près que les hommes se tendaient réellement dans chaque fibre de leurs corps, suintaient de sueur, et serraient les dents, la certitude de la mort à la moindre erreur ne permettant pas le plus infime relâchement. Mais contre toute attente, il y eut un léger reflux. Les gnolls d’abord finirent par reculer en panique, constatant que vraisemblablement ils ne parviendraient à rien. Les orques, qui d’ordinaire se contrefichent pourtant des états d’âme de ces créatures, sentirent pourtant qu’on leur offrait là un bon prétexte pour se reculer au moins un peu. Ils reculèrent de quelques pas, laissant un mince espace entre eux et les lances. Des deux côtés on en profita pour reprendre son souffle. Les humains eurent juste le temps de reprendre le dessus sur leurs respirations devenues chaotiques et les battements de leurs cœurs, puis ils reprirent leurs position, serrant de nouveau les rangs et les dents. Les orques beuglèrent avec encore plus de rage et se lancèrent comme un seul dans un nouvel assaut.

Lapalissade émit un grondement de gorge comme seul un officier de grande expérience peut en produire, couvrant le fracas des combats et se faisant entendre à l’oreille de chaque soldat.

« MEEEessieurs ! » Il se contrefichait que près de la moitié des hommes sous ses ordres soient des femmes ; pour lui c’étaient tous des messieurs. « Messieurs ! Si vous le voulez bien nous allons avancer. Faites au passage tâter à l’ennemi de votre splendide détermination ! »

Et ils avancèrent. Chaque coup de lance étant amplifié par un pas en avant. Les piquiers eurent simplement à agir plus vite, mais la satisfaction de voir qu’ils gagnaient du terrain avait cet avantage de bannir la fatigue qu’auraient sinon pu sentir leurs membres. Les hommes d’armes, se déplaçant à pas lourds, vinrent par la droite aux côtés de leur capitaine se joindre au combat. Même les hardis warzukas eurent une hésitation en voyant ces guerriers les approcher de flanc.

Lapallissade souriait. Sa moustache brillait. Et il s’avança lui même avec son sabre. Heureusement, ses hommes ne le voyaient pas de face, sinon ils auraient été terrifiés. Ses yeux plissés comme deux sournoises fissures avaient tout du fourbe et du brutal, et le sourire esquissé sous sa moustache était aussi tranchant que le sabre avec lequel il taillait dans la masse de muscles. Ses coups étaient fugaces, mais touchaient toujours un morceau de chair et le détachait du corps. Ses attaques n’étaient pas mortelles, loin de là, mais les blessures étaient incapacitantes et si douloureuses que les orques reculaient avec des gémissements qui ressemblaient à des barrissements.

« Hardi messieurs. Nous les repousseront jusqu’à ce que warzukan les ravale en sa gueule et les digère. Ces rats ne nous imposeront pas plus longtemps l’ignominie de leur présence ! »

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