Chapitre 15

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Hallbresses était agitée au plus haut point. Entre l’arrivée des eldariens et les renforts de civils venus de tout le marquisat qui pénétraient petit à petit dans la cité, la population avait quintuplée en quelques jours à peine. Les portes principales de la ville étaient grandes ouvertes en permanence, et presque tous les miliciens en service étaient mobilisés pour surveiller le bon déroulement des procédures tandis que des sergents, fonctionnaires et autres gratte-papier de l’administration enregistraient chaque personne qui entrait dans la ville, cherchant leurs noms dans les registres du marquisat pour noter que la personne s’était bien présentée. Puis ils devaient mettre de côté des armes pour chaque personne, leur assigner un logement, et des rations. Tout cela dans un chaos incomparable. Il y avait une masse de personnes, chacune nécessitant une certaine procédure, mobilisant pour chaque paysan ou paysanne arrivant en ville des dizaines de sbires qui s’empressaient de noter tout ce qu’il y avait à noter. Les ordres pour les circonstances d’urgence étaient toujours les mêmes : toute la population du comté devait se rassembler dans la cité capitale. L’essentiel était de repousser l’assaut des warzukas en une seule fois, une seule bataille pour déterminer si oui ou non le comté sombrerait dans les flammes. L'important, c'était la préparation en amont.

Les entrées secondaires de la ville étaient délaissées. Ces quelques petites portes faciles à condamner n’étaient employées que pour les cas exceptionnels, comme lorsqu’un messager voulait entrer ou sortir de la ville en vitesse et à toute heure. En l’occurence, la porte au nord n’était gardée que par deux gardes. En théorie, parce qu’en pratique il n’yen avait qu’un seul, l’autre ayant été réquisitionné ailleurs à l'improviste. Meckard n’avait donc rien de mieux à faire que surveiller l’horizon, en craignant de voir paraître des gnolls. Heureusement, le risque était faible : tous les warzuks de la région devaient avoir rejoint la horde à cette heure. Non, ce qui l’inquiétait c’était surtout l’ennui. Il n’avait personne à qui parler, et ne pouvait même pas s’asseoir. Le marquis, soi-disant, s’attendait à ce qu’un messager arrive d’ici peu depuis la capitale, alors il avait ordonné que des gardes restent posté devant la porte en permanence, dut cette attente durer plusieurs journées entières.

Meckard avait eu nettement l’impression, au cours des derniers jours, que le flegmatique marquis Ardelance commençait de plus en plus à perdre le contrôle de ses nerfs. L’arrivée de l’armée eldarienne et des elfes n’avait rien arrangé. Sans doute avait-il l’espoir que le duc Bade lui enverrai une instruction quelconque, ne serait-ce que pour le rassurer.

Pour l’instant, Meckard était appuyé sur sa lance, et il baillait en contemplant le paysage. Comme tout le monde, il appréhendait le moment où la horde déferlerait, au point que même si les jours de préparation étaient presque autant infernaux et épuisant, il aurait largement préféré que le monde ne fasse que les rejouer en boucle plutôt que de voir ce cycle abominable atteindre sa fin.

Il cligna des yeux. Quelque chose arrivait. Quoi que à moitié endormi, c’était une part de ses capacités de soldat endurci que de pouvoir voir d’un œil distrait le moindre mouvement suspect dans son champs de vision. Il ouvrit grand ses yeux pour voir arriver plusieurs chevaux lancés au galop dans sa direction. Le messager ? Les estafettes du duché voyageaient toujours seul. Qui était-ce alors ? Au moins, ce devaient être des humains. Ils étaient tous drapés dans des capes noires, capuches relevées bien qu’il fasse un temps radieux, comme s’ils avaient quelque honteuse préoccupation à camoufler. Quoi qu’il en soit, Meckard se redressa, épousseta son pourpoint, et, lance en avant, arrêta d’une injonction la cohorte de cavaliers comme ils arrivaient devant lui. Ils étaient environ une dizaine, tous avec des capes noires qui cachaient bien mal un équipement assez étrange. Des tenues de cuir, des armes diverses, qu’ils camouflaient sous le tissu de leurs capes. Un seul toutefois, et c’était rassurant, portait fièrement la cape bleue des messagers. Pourtant il n’était ni en tête de la file, ni bavard.

« Et bien messieurs, qui êtes vous ? Pourquoi vous présenter ici à Hallbresses dans cette tenue ? » Il renifla avec nervosité. « Expliquez vous ? »

Un des hommes se redressa sur son cheval avec une sorte d’enthousiasme. Sa capuche se releva assez pour montrer son visage, un faciès serré mais dont le regard brillait d’une sorte de fascination improbable.

« Ne vous inquiétez nullement, mon brave. Nous sommes la guilde, et nous... »

Un autre dans leur bande leva la main pour interrompre le précédent, mouvement brusque qui parut étonner tous les autres. Sauf le messager en cape bleue qui regardait toujours devant lui, l’air complètement vide.

« Sauf votre respect monsieur, veuillez vous taire pour une fois. Je m’en vais parlementer avec ce garde. »

L’homme qui avait parlé d’une voix grave fit doucement avancer sa monture, puis mit pied à terre devant Meckard. Le garde releva la pointe de sa lance, comme l’individu semblait vouloir s’expliquer. Maintenant il attendait de se voir présenter une longue explication sur le pourquoi du comment avant de devoir les laisser entrer. Pourtant les autres, quoique silencieux, dégageaient une aura inquiétante. Sans parler d’une odeur qui flottait autour d’eux… une drôle d’odeur qui vous faisait dresser les cheveux sur la tête. Une odeur avec laquelle il était impossible de rester tout à fait à l’aise en la sentant.

Meckard décida qu’il valait mieux de toute façon se donner l’air plus décontracté qu’il ne l’était. Si ces gens étaient venus chercher des noises, il pourrait leur sortir le coup habituel du « j’ai encore trente copains dans les casernes, juste derrière cette porte. » quand bien même ce n’était pas tout à fait vrai.

« J’vous écoute.

- Et bien, le sieur que vous voyez là s’appelle Yvon Delgvoy. Il a été envoyé par le marquis pour porter un message au duc Bade.

- Mouais... ?

- Et nous revenons avec la réponse du duc.

- Et pourquoi n’y a-t-il pas que le messager ? »

L’homme ne dit rien, la bouche close, la gorge serrée, il paraissait ne rien avoir à dire, ou même à souffler. Meckard en fut étonné plus qu’autre chose.

« bah quoi ? Vous êtes qui ? Pourquoi vous n’avez pas de cape de messager ? Qu’est-ce que vous faites là ?

- Disons que… nous escortons le messager... »

Meckard fronça les sourcils.

« Dites, vous avez vraiment aucune meilleure histoire à me raconter ? »

L’étranger poussa un soupir, et se tournant vers un de ses collègues, il tendit une main en disant :

« Camarade, tu peux me passer ta masse ? »

Celui à qui il s’adressait sortit de sous sa cape un long objet métallique que Meckard eut de la peine à distinguer comme il le jeta à son confrère qui le saisit en plein vol.

« Hein ? Ho ! Quoi ! »

La masse d’arme était entièrement métallique, avec une petite tête dans laquelle se concentrait toute l’énergie du coup. Meckard n’eut pas le temps d’abaisser le fer de sa lance que d’une frappe rapide et bien placée, l’étranger faisait voler en éclat sa boite crânienne. Le soldat s’effondra sans même avoir compris ce qui lui était arrivé, et encore moins pourquoi.

« Enfin, frère Devkir ! je vous ai expressément recommandé de ne pas abimer leur cerveau. »

L’intéressé se contenta de hausser les épaules.

« Vous pouvez toujours essayer, non ?

- Je vais tenter, mais je serais surpris que ça marche. »

Varghys se donna la peine de descendre de cheval, avec une lenteur pesante. Son pas le dirigea vers le cadavre défiguré de Meckard qu’il contempla une seconde, l’air désolé.

« Un cerveau qui aurait pu encore nous servir. Je vous préviens, Devkir, les prochains vous les égorgerez !

- Comme il vous plaira monsieur. »

Varghys se frotta les mains, prit une grande inspiration, et se pencha sur le cadavre.

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