Chapitre 15 : Celle qui évoque l’avenir

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Quand Gabriel rentre du travail ce soir-là, je prends mon courage à deux mains et me lance.

— Tu… Tu comptes rester après ?

Mes joues rougissent alors que je me rends compte du ton que j’ai employé. On croirait que je l’accuse. D’ailleurs, son regard s’allume d’une lueur blessée avant de traduire l’étonnement.

— C’est-à-dire ?

Je pose une main sur mon ventre, là où j’ai cette drôle de sensation de bulles.

— Bah… Jusque là on s’est dit qu’on tentait notre histoire… Mais le temps passe, j’ai l’impression que ça se passe bien entre nous. Mais quand le bébé sera là ? Comment on va faire ? Ca ne te fait pas peur ?

Il hausse les épaules.

— Comme tu dis, j’attends de savoir où ça nous mène. J’apprécie les moments passés entre nous, il n’y a pas de doute. Mais notre histoire est toute récente… Je ne suis pas prêt à m’engager dans un rôle parental.

Ma bouche s’arrondit. Laura avait raison, il faut définitivement qu’on éclaircisse le sujet.

— Sans même t’engager dans un rôle parental… Je veux dire, cet enfant j’avais prévu de le faire toute seule, je te demande pas de devenir son père. Mais tu voudras qu’on continue de se voir après la naissance ? Est-ce que tu viendras encore chez moi alors que j’aurais un bébé qui me demandera beaucoup d’attention ?

— Je ne suis pas stupide non plus… J’avais bien remarqué que t’étais enceinte.

Il jette un coup d’œil coquin à mon décolleté plus que valorisé par ces quelques mois de grossesse.

— Je n’ai pas peur des bébés, reprend-il. Mais je ne sais pas quel rôle je pourrais jouer dans sa vie. Je pense qu’on a encore le temps d’y réfléchir.

Il caresse mon bras lentement, sûrement pour me rassurer. Cependant, son contact m’empêche de réfléchir.

— Tu crois ?

Il acquiesce.

— Bien sûr, il n’y aurait pas tout ça. Je t’aurais proposé qu’on s’installe ensemble, mais là, il vaut mieux prendre notre temps…

Dans mon corps, j’ai l’impression que mon cœur est monté au septième étage avant de redescendre jusqu’au sous-sol. Il m’aurait proposé d’emménager avec lui ? Mais pourquoi il ne le fait pas ? La partie rationnelle de mon cerveau me sort toutes les raisons possibles dont la première qui s’affiche en lettres rouges « PARCE QUE TU ES ENCEINTE MA VIEILLE ! » La partie amoureuse, elle, s’est arrêtée à la première phrase de Gabriel. Jamais aucun homme ne s’est engagé dans une véritable relation avec moi. Comme si mon envie de fonder une famille les effrayait. Pourtant, je faisais mon possible pour ne pas l’évoquer trop tôt. Laura pense qu’ils le devinaient à cause de mes goûts, idées, projets d’avenir. Je ne saurais dire. Mais toujours est-il qu’au-delà de quelques rendez-vous, ils finissaient toujours par me dire qu’ils pensaient qu’on était incompatibles. L’incompatibilité chez les mecs, ça dépend vraiment du moment. Pour baiser aucun souci, mais pour les choses sérieuses, là…

Gabriel me regarde étrangement en s’approchant de moi.

— Tu vas bien ?

Je secoue la tête.

— Désolée, j’étais perdue dans mes pensées.

— On continue comme ça pour l’instant ? vérifie-t-il.

— Oui, oui… Tant qu’on en parle, c’est bon.

Je souris. Mon cœur continue de virevolter tel un papillon niais dans ma poitrine. Il passe les doigts dans ses boucles brunes pour les ébouriffer encore plus qu’elles ne le sont. Je résiste à l’envie de les caresser. Gabriel a pris une mine sérieuse.

— Ma mère arrive à Paris demain… Elle va loger chez moi pour quelques jours.

Il mordille sa lèvre. Que va-t-il m’annoncer ? Il veut me la présenter ? Si c’est cela, il va falloir attacher mon cœur transformé en ballon d’hélium à ma poitrine.

— J’aurais bien aimé qu’elle te rencontre, mais je ne sais pas trop comment lui expliquer tout ça.

Son geste désigne mon ventre. Je ne peux empêcher quelques larmes de venir embuer mon regard. Je ferme les yeux pour les dissimuler.

— Je suis désolé, je ne veux pas te blesser. Mais je n’ai pas encore dit à ma mère que je voyais quelqu’un. Elle est très croyante et elle voudrait sûrement que je t’épouse avant même de savoir que je ne suis pas le père.

Bon, OK, l’argument est valable. Mais il n’a même pas parlé de moi à sa mère qui va loger chez lui. Mon ballon d’hélium se dégonfle.

— Du coup, on va pas trop pouvoir se voir. Désolé.

Je grimace avant de lâcher.

— C’est pas grave, j’ai pas mal de choses à faire de toute façon.

— Ah bon ?

Il semble surpris.

— Je vais profiter des vacances pour chercher un appartement avec une chambre supplémentaire pour le petit.

— Ah oui, c’est vrai…

— Dans le même secteur ?

— Vu que mon budget n’est pas extensible, je pense que je vais devoir m’éloigner de Paris, j’explique en haussant les épaules.

Genre c’est une situation totalement normale pour moi d’annoncer que je déménage loin de lui. Et de mes amis.

— Oh c’est dommage…

— Bah on se verra les week-ends où tu n’es pas de garde, je lâche. De toute façon avec le bébé, on se serait moins vu en semaine. Puis, je ne peux pas choisir l’endroit où je vais habiter comme si on était déjà un couple marié.

Je retiens de justesse un petit sourire satisfait. Paf, dans les dents ! T’as vu comme ça fait mal ? Soudain, je passe une main dans mes cheveux, pourquoi suis-je aussi méchante tout à coup ? Ah oui, sa mère…

Penaud, il m’enlace.

— Tu veux de l’aide pour les recherches ?

Je secoue la tête. Je trouverai ça vraiment vache de lui demander de s’investir dans mon projet.

— C’est gentil, merci…

Devant sa mine déconfite, je propose :

— Pour le déménagement, plutôt ! Je ne pourrai rien porter.

J’accompagne mes mots d’un baiser sur ses lèvres qui fait naitre une douce chaleur dans mon bas ventre. Nous nous rapprochons et finissons enlacés. Je soupire d’aise et évacue la pensée de sa mère loin de moi.

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