Chapitre 14 : Celle qui se rend à l’échographie

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Quelques jours après mon terrible baby-sitting, je retrouve Laura dans la salle d’attente de mon gynéco. Les autres couples nous étudient avec attention. Ils doivent nous prendre pour un couple lesbien. Laura s’amuse de leurs réactions et saisit mes doigts. Elle me chuchote à l’oreille :

— T’as vu la tête outrée du couple coincé du cul ?

Je m’esclaffe.

— Ils doivent pas être si coincés que ça, vu qu’elle est enceinte…

Laura ronchonne en croisant les bras.

— Madame Martin ? appelle le docteur en sortant de son cabinet.

Je me lève précipitamment.

— Oui, oui…

— Prenez votre temps, me dit-il gentiment en me voyant emporter manteau et écharpe dans un tas.

J’inspire longuement. Depuis le réveil, je me sens stressée. Sans raison précise. La peur qu’on m’annonce que quelque chose ne va pas, peut-être… Bébé me donne un coup comme pour me rassurer. Je pose une main à l’endroit où il a appuyé, le remerciant silencieusement.

Je m’installe devant le bureau, Laura prend une chaise à mes côtés.

— Comment ça va ? me demande mon gynéco.

— Bien.

— Pas de soucis particuliers ?

— Mis à part une perte de sang, il y a plus d’un mois. Je suis allée aux urgences, ils m’ont arrêtée quelques jours…

Et je sors avec le docteur depuis, j’ajoute mentalement. Mais le spécialiste fronce déjà les sourcils.

— Pas d’autres pertes depuis ?

Je secoue la tête.

— Bon, on va aller vérifier que tout va bien alors.

Je m’installe sur le lit médical, ravie de ne pas avoir besoin de mettre les pieds dans les étriers pour une fois.

Je relève mon pull et le docteur recouvre ma peau d’un produit froid. Puis il vient sonder mon ventre avec l’échographe. Aussitôt une image brouillée apparait sur un écran de télévision. Un sourire naquit sur mes lèvres et j’entends Laura lâcher un petit « Oh » ravi. Je saisis sa main et étudie le visage concentré du spécialiste. Il prend des mesures sur son ordinateur. L’attente me parait interminable avant qu’il annonce :

— Bébé va bien, il bouge bien. On entend son cœur.

Et il appuie sur un bouton. C’est la plus belle musique que j’ai jamais entendue. Mes yeux s’emplissent de larmes.

— Vous voulez connaitre le sexe ?

— Oui, je murmure, étonnée.

Je ne pensais pas que l’on m’annoncerait le sexe dès l’échographie des 3 mois.

— C’est un garçon.

Le reste de l’échographie est moins riche en émotions. Le docteur continue de vérifier tout un tas de points pour s’assurer du bon développement. J’en profite pour admirer le miracle de la vie qui grandit en moi.

Quand nous sortons du cabinet, Laura commente :

— Je vais pourrir-gâter mon neveu ! Je vais être la tata foldingue qui lui apprend à faire des grimaces !

— Euh… C’est pas nécessaire, je pense…

— Bien sûr que si. Je te vois venir. Ton côté prof va ressurgir avec un enfant et tu vas devenir la mère super pointilleuse. Il faudra bien que je compense. Et puis je lui apprendrai à cuisiner !

Je penche la tête sur le côté. La cuisine, je ne dis pas non ! Laura ne prend pas que de belles photos dans les restaurants pour son compte instagram. Elle cuisine aussi merveilleusement bien et des plats très originaux.

— Tu lui apprendras à me faire des chirashis ?

— Je peux ! T’es en manque de sushis ?

Elle a la mine grave. Laura et la bouffe, c’est une histoire d’amour. Rien que pour ça, je ne l’imagine jamais enceinte.

— Un peu, mais je me rattraperai après la naissance !

— Je sais pas comment tu fais. Entre les sushis, l’alcool, les huitres, le saumon fumé, le fromage…

Elle compte sur ses doigts tout ce que je ne peux pas manger.

— J’ai compris… Mais je suis prête à me priver de tout ça pour réaliser mes rêves.

Elle lâche un soupir.

— Tes rêves sont si loin des miens…

— Je sais. Mais ça ne nous empêchera pas d’être toujours là l’une pour l’autre…

Ma voix traine un peu. Je me sens moins sûre que d’habitude.

— Bien sûr, s’exclame-t-elle. C’est pas un bébé braillard qui aura raison de notre amitié. 20 ans ! Il ne peut rien contre ça !

J’éclate d’un rire soulagé.

— ça va avec Gabriel ? me demande-t-elle. Le bébé commence à prendre de la place…

Je perds immédiatement ma mine réjouie.

— On en parle pas vraiment, tu sais. C’est un peu tabou. Après tout, nous ne voyons que depuis un mois. Et, j’ose pas mettre les pieds dans le plat. Mais dans moins de 6 mois, j’aurai un enfant et si Gabriel reste, les choses vont forcément changer.

— Il n’en parle pas non plus ? C’est pas comme s’il pouvait passer à côté pourtant ?

— Bah, il parle de la grossesse. Mais pas d’après…

Elle pose une main sur mon bras et prend un air sérieux.

— Il faudrait que vous ayez une conversation à propos quand même. Au moins pour savoir s’il se projette au-delà. Rassure-moi, c’est pas un anti-enfants comme moi ?

— Je ne crois pas… Il aime bien s’occuper de ses neveux et il est devenu gynéco pour le « miracle de la vie »… Mais après il ne m’a jamais dit qu’il voulait des enfants plus tard…

— Je veux pas te mettre la pression, hein ? grimace Laura. C’est pas mon genre. D’habitude je serai la première à dire Carpe diem ! Juste je pense qu’il faut éviter les non-dits. Si pour lui, votre histoire s’arrête à l’accouchement…

À ma tête, elle s’arrête.

— Attends, j’en sais rien. Je ne sais pas ce qu’il veut. Mais si jamais c’est son plan, il vaut mieux que tu sois au courant, non ?

Ma gorge est nouée et je ne parviens à répondre qu’en hochant la tête. Laura m’enlace alors et j’éclate en sanglots contre son épaule.

— J’aurais jamais dû accepter de le revoir, parvins-je à articuler entre deux reniflements.

Une main rassurante passe dans mon dos.

— Tu dis n’importe quoi… Sûrement ces fichues hormones ! Tu as eu raison de le revoir. Je pensais juste que vous auriez commencé à parler de après…

D’un geste, elle désigne le renflement désormais évident de mon ventre.

— Mais je t’ai assez fait pleurer pour aujourd’hui ! Parlons d’autre chose ! Je t’ai raconté comment je suis tombée sur Xavier ? Tu sais le pâtissier qui m’avait invitée à son émission ?

Je laisse le flot de paroles de Laura m’emporter dans un monde joyeux où tout n’est qu’histoire cocasse de fesses ou de cuisine.

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