L'amitié

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Je savais bien que c’était une mauvaise idée. Mais la voix de Julia m’avait suivi toute la journée. Sa voix, et tous les souvenirs qui en découlaient.

Alors j’ai craqué. J’ai regardé nos anciennes photos. J’ai regardé ces images d’un autre temps. Ces instants figés d’une époque où l’on était encore nous, où l’on était encore heureux, ignorant tous nos problèmes et goûtant avec délice au bonheur de nos débuts.

Bordel Julia, où est passé le temps de ce romantisme irrationnel qui embrasait nos cœurs innocents ? On était ignares, mais tellement heureux ensemble. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Je me sens las, déchiré. Je sens des émotions qui reviennent. Peut-être que je ne suis pas une simple coquille vide, finalement. C’est intense, ça me transperce. Un mélange d’amour et de rejet, qui me bouleverse corps et âme. Je regarde ces photos, et qu’est-ce que je me sens seul. Prisonnier de cette solitude et de ces illusions brisées, j’aimerais tellement que tu sois là, Julia. J’aimais tellement pouvoir compter sur toi, encore une fois.

Je suis devant ma page blanche. Mon désespoir, ma solitude, j’aimerais les retranscrire. Mais ça ne vient pas.

Alors j’appelle Olivier. Ni une, ni deux, il rapplique. J’ai de la chance, il est en congé. L’un des avantages d’être prof, comme je m’amuse à lui dire, de temps en temps.

Je lui raconte tout. La page blanche, Julia, les photos. Il me sent perdu, il nous ouvre une bouteille de vin.

Olivier n’a jamais vraiment aimé Julia. Il la trouvait aussi immature que ses amies. Elle refuse de grandir, Nicolas, me disait-il.

Il m’avait prévenu, en un sens. Je n’aurais pas dû être si surpris qu’elle parte avec un homme de vingt-deux ans, fraîchement sorti de ses études.

Mais c’est malheureusement ça qui me plaisait tant chez elle. Les années passaient, et elle, je la voyais rajeunir. C’était aussi pour ça qu’elle sortait beaucoup avec ses amis de la danse. Désireuse de rester jeune, elle était infatigable, toujours à la recherche de derniers endroits branchés.

Moi, ça ne me tentait pas plus que ça.

Moi, j’étais peut-être devenu un vieux croûton.

Heureusement, Olivier était devenu un croûton avec moi.

Olivier. Nous sommes amis depuis nos quatre ans. Il a toujours su être là pour moi.

Il est omniprésent dans mon roman, et lui, je lui ai laissé son vrai prénom. Parce qu’il mérite tous les hommages, pour son soutien sans failles.

Olivier. Après avoir lu mon livre, il était venu sonner chez moi. Il pleurait. Nico, Nico, mon pauvre Nico. Je suis désolé de ne pas avoir pu t’aider davantage. Ton roman me brise le cœur. Si tu souffres, je souffre encore plus. Et ces mots, ces mots, c’est magnifique. Julia est conne, tu mérites beaucoup mieux.

On avait bu des coups, toute la soirée. Il était totalement ému par les pages que je lui avais dédiées. Les remerciements de mon roman. Même saoul, il pouvait me les réciter, par coeur. Un autre avantage d’être prof, sans doute : une mémoire infaillible qui résiste à tout, même à l’alcool.

Lorsque j’étais prêt à tout lâcher, tu as été là pour moi, tu as su m’empêcher de tomber. Tu te rappelles ce que tu m’as dit ce soir-là ? Si tu tombes, je tombe aussi.

Alors que j’en chiais avec cet amour aveugle, tu as été un des rares à me soutenir de bout en bout.

Et là, j’ai su. Que je ne rencontrerais jamais un type mieux que toi. Que toi, jamais, jamais je ne devrais te perdre.

Je remercie ma rupture pour ça.

A notre amitié éternelle, Olivier.

Et encore ce soir, il est là. J’aimerais lui rendre la pareille, un jour.

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