Chapitre quatre

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Je me sentis lasse, vidé de tout. J’avais une sensation de flotter. Ne dormais-je pas ? pensai-je.

Mais d’un coup, l’apesanteur se retourna contre moi. Au lieu de flotter, j’eus une sensation de chute incontrôlable, dans un noir complet.

J’agitais les bras pour trouver quelque chose auquel me rattraper. Ma main rencontra le rugueux d’une branche.

Je m’y accrochai fermement, le vide jusqu’alors se transforma en une distincte forêt.

Encore suspendue à l’arbre, je me hissai sur cette dernière et profitai de ce moment de répit pour observer la scène.

Les yeux plissés pour combattre la pénombre, je reconnus la forme des arbres et la silhouette d’un bâtiment.

« ― Ne t’en fais, tu seras bien ici. Ce sera vite terminé… »

Une voix inconnue et masculine me sortit de mon observation.

Une sensation familière entoura mon cœur, mais je ne voulais pas y faire attention. L’inconnu s’approcha du bâtiment et ne sembla pas avoir conscience de ma présence.

Je m’avançai pour voir son visage, la branche craqua sous mon poids. Le bruit fit sursauter l’inconnu, qui se retourna.

Un haut-le-cœur remonta lorsqu’un tourbillon noir remplaça son visage. Je posai ma main sur ma poitrine et déglutit bruyamment.

Le personnage continua sa route comme si de rien n’était, continuant à rassurer l’enfant qu’il tenait dans ces bras.

Je suivis le père en sautant de branche en branche, convaincu que ce n’était qu’un rêve.

Arrivée à la lisière de la forêt, un manoir en ruines se dressa devant moi.

Je suffoquai à sa vue, je connaissais parfaitement ce manoir ! J’y vivais encore aujourd’hui avec Dévil et Barbaros.

Je ne pouvais croire que mon rêve me montre cet endroit en particulier.

« ― Tu seras bien ici, petite. Tu disparaitras vite et sans douleur. Ce sera comme t’endormir, petite Héla. »

L’homme repartit sans un regard en arrière. L’enfant emmitouflé dans une couverture rêche et grisâtre, grelota de froid.

Ses lèvres virèrent rapidement au violet et sa peau blafarde se craquelait sous la morsure du froid. Une fine couche de neige se déposa déjà sur l’enfant, qui pleurait à pleins poumons.

Ses cris se fichèrent dans mon corps, comme autant de flèches.

« ― Je n’en peux plus ! Je ne veux plus voir… Laissez-moi partir… »

Je tombai misérablement à genoux, mes jambes et mes mains s’enfonçant dans la froideur de la neige. Des larmes chaudes dégringolèrent de mes joues.

Ma respiration se bloqua et une boule se forma dans ma gorge. Je voulais laisser libre court à toutes mes souffrances.

« ― Tu t’appelles Héla, alors. Ne t’en fais pas, ne pleure plus. Je vais rester à tes côtés, mon enfant. »

Je relevai vivement la tête, ces paroles étaient prononcées par une voix familière.

Une femme mince, vêtu d’une tunique à la blancheur immaculée, se tint au-dessus de l’enfant. Elle le prit dans ces bras et le berça joyeusement, une douce mélodie se déploya autour d’eux.

Une berceuse d’un autre monde, chantée d’une voix fluette : Dort mon enfant, Dort. Un jour, ton reflet apparaitra. Mais en vain, tu le chasseras. Puisse la paix s’abattre sur ton âme, pour que ta moitié ne soit en peine. Quel destin vas-tu accomplit ? Le bien ou le mal vas-tu choisir ? Ta destinée est encore à écrire.

Je reconnus facilement la fin de cette berceuse. Je l’entendais partout depuis quelques jours. Je frissonnai d’avance, je n’avais aucune envie de découvrir la suite.

La femme emporta l’enfant à l’intérieur. Je m’apprêtai à les suivre lorsque deux mains agrippèrent fermement mes épaules.

Je tentai à nouveau d’avancer, je ramenai un pied devant moi. Je perdis d’un coup l’équilibre, mais, les forces derrière moi me tirèrent vers eux.

Je me retrouvai dans un tourbillon d’obscurité, la nausée me prit aux tripes.

Lorsque la lumière revint, je n’eus le teint que de me redresse pour vider mon estomac sur le parquet.

Je tentai d’appeler de l’aide auprès de Dévil. Un gargouillis incompréhensible se forma dans ma gorge et une nouvelle nausée assaillit mon ventre.

« ― Vous avez besoin de Dévil, Héla, demanda d’une voix fluette Shua. »

Je ne pus que hocher la tête. Shua sauta à terre et courus en direction de la chambre de Dévil située à l’étage.

Je me trainai jusqu’à la salle de bain où je réussis à atteindre le robinet. L’eau coula en un rideau et vint asperger mon visage de ces gouttes.

« ― Maîtresse, que se passe-t-il ? paniqua Dévil.

― Aide moi, soufflai-je, donne-moi ta main. »

Il accepta sans réfléchir. Je pris la sienne entre mes doigts gelés et je puisai dans sa force intérieure.

Sa peur et son inquiétude pour ma personne me nourrirent suffisamment pour cesser les tourniquets dans ma tête.

« ― Réveille Barbaros, dis-lui que je l’attends en bas. »

Je m’appuyai sur la petite Shua qui m’accompagna jusque dans la cave.

Je m’installai dans le sofa de la salle des mille terreurs pour nos prisonniers. La petite prit place à mes côtés.

« ― Va te recoucher Shua, tu tombes de fatigue.

― Je suis désolée, siffla-t-elle. Je vous ai entendu gémir mais je ne suis pas arriver à vous réveiller. »

Des larmes perlèrent au coin de ces yeux.

« ― Ma maman aussi n’ouvrait pas les yeux, renifla-t-elle. J’ai eus peur de vous perdre aussi. »

Je n’avais pas la force de rassurer cette enfant. Alors, je fis la seule chose qui me vînt à l’esprit.

Je pris Shua dans mes bras et la serra dans mes bras.

Barbaros arriva en trombe dans la cave. La porte claqua contre le mur en béton, soulevant une couche de poussière.

« ― Vous avez besoin d’une bonne dose n’est-ce-pas ? »

J’acquiesçai à sa question. Il se retourna et partit en direction des prisons.

« ― Remonte voir Dévil, Shua. Ce n’est pas pour toi cet endroit. »

Je le poussai dans le dos. Elle me lança un regard larmoyant. Mais je restai ferme, je ne pouvais pas m’occuper de ses sentiments alors que je ne gérai pas les miennes.

Je m’abandonnai à la lente litanie que faisait vivre Barbaros au géniteur de Shua.

Il prit son temps pour faire durer la souffrance. Les halètements de douleurs, la sueur, le sang emplirent la pièce de leur noirceur pesante.

J’inspirai profondément, laissant la magie opérer. Je pris de profondes inspirations, calmant mes nerfs et les battements frénétiques de mon cœur.

Je sentis enfin le calme reprendre sa place dans mon esprit. Mes pensées retombèrent, je cherchai à oublier cette vision que j’espérai n’être qu’on rêve.

« ― Maîtresse ?

― Oui ?

― J’ai trouvé ce que vous cherchiez… »

Je me redressai d’un bond, Dévil tenait un ordinateur. L’écran affichait en gros plan la page d’accueil du site d’une école privée.

L’école accueillait toute l’élite de Cruciafall et de ses alentours. Cette dernière se situait à l’opposé du manoir.

« ― Parfait, prend rendez-vous avec leur direction.

― C’est déjà fait. Vous avez rendez-vous lundi à huit heures. »

Je posai mes coudes sur mes genoux, les doigts s’entrechoquant. J’avais hâte de cette rencontre.

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