Chapitre trois

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Je fis couler le premier café de la journée.

Bien que la nourriture solide ne me nourrisse pas comme tout à chacun, j’en consommai malgré tout. Tout simplement parce qu’il y avait des goûts qu’on ne pouvait ignorer.

Et vivant avec des êtres humains tout ce qui a de plus normaux, il avait fallu indéniablement remplir le réfrigérateur.

Dévil arriva dans la cuisine en trottinant joyeusement, un ordinateur à la main.

« ― As-tu trouvé ce que je t’ai demandé ? lui posai-je comme question.

― Pas tout à fait, Maîtresse. J’ai réduit la liste au maximum. Il faut que j’aille sur place pour vérifier.

― N’as-tu pas école aujourd’hui, d’ailleurs ?

― Si, mais je sècherais comme d’habitude, me sourit-il. »

Je soupirai de son comportement immature.

« ― Je n’extorque pas nos prisonniers pour te payer une école où tu ne te rends jamais ! »

Je pris ma tasse et m’éloignai vers le salon. Barbaros regardait un combat d’ours passé sur les chaines découvertes de la télévision. Affalé sur le sofa, les jambes étendus sur la table basse, il sirotait un verre bien remplit de rhum.

« ― Comment va notre invité ce matin ?

― Il va bien, Maîtresse. Et vous ? »

Il me suffit d’un regard noir pour qu’il comprenne de ne plus jamais posé cette question débile.

« ― Ce soir, après tes cours, Dévil, retourne dans la ruelle de hier soir, ordonnai-je en insistant sur le « après tes cours ».

― Pourquoi cela, Maîtresse ?

― Rend-toi à l’adresse que je t’envoie par SMS, une proie nous y attend. »

Mes deux acolytes parurent surpris de ma nouvelle. Mais je coupai court à la discussion.

« ― Et trouve moi cette école avant que ma patience s’amenuise, Dévil, dis-je froidement. »

Je sortis rapidement du manoir pour prendre l’air. Je ne supportai plus leur regard inquiet. Leur pitié me fit plus mal que le tranchant d’une épée.

Barbaros m’attendait déjà à la cave pour commencer sa nouvelle séance de torture. Le prisonnier sans nom bien installé sur sa chaise, Barbaros prit une pince pour débuter.

Fatiguée et affamée, je m’installai sur le canapé défoncé et attendis.

Je fermai les yeux et me laissai aller lorsque les premiers cris retentirent. Les halètements et la sueur envahirent la cave et firent battre mon cœur.

Un battement, la pince s’enfonça dans la chair de la victime. Deux battements, un relent d’hémoglobine entra dans mes narines. Trois battements, les cris formèrent une douce mélodie à mes oreilles.

Quatre battements, la lourde porte en métal de la cave s’ouvrit brusquement. Dévil supportait le poids d’un homme inconscient sur ces épaules.

Je levai les paupières de mécontentements.

« ― Pourquoi faut-il que tu gâches toujours mes moments de détente, Dévil ?!

― Je… Pardonnez-moi, répondit-il en baissant la tête. »

Je soupirai fortement et indiquai à Barbaros d’enfermer le torturé.

Je pris le temps d’observer notre nouvelle proie. Elle avait les traits tirées et sombres.

« ― Vous allez le punir, pas vrai ? »

Je ne remarquai que maintenant la petite fille accrochée au pantalon de Dévil. Un nouveau bleu était apparu sur sa joue et des traces de larmes accrochèrent sa peau.

« ― Je ne t’avais pas demandé de la ramener elle par contre, Dévil.

― Je suis désolée, Maîtresse. Mais je ne pouvais pas la laisser seule là-bas.

― Si tu aurais pu ! Et c’est ce que tu aurais dû faire d’ailleurs, lui reprochai-je.

Il s’excusa une nouvelle fois sans me promettre de la ramener chez elle.

« ― Ne sais-tu donc que t’excuser ? Je te préviens, si tu l’as fait rester, tu débrouilleras pour t’en occuper. J’ai bien assez d’animal de compagnie avec toi et Barbaros.

― Promis, Maîtresse, elle ne vous dérangera pas ! »

J’en doutais fort, mais je pouvais bien lui laisser le bénéficie du doute après toute ses années de cohabitation.

« ― Je me chargerais de payer les frais de changement d’identité et de scolarité, prépare les papiers. »

Il acquiesça, laissa le père de l’enfant aux mains expertes de Barbaros et emmena la petite.

« ― Il est toujours aussi faible d’esprit après tout ce temps, s’exclama le bourreau.

― Et toi tu parles trop. Reprenons là où on s’était arrêté. Sa sale gueule me donne envie de le voir souffrir. »

Barbaros sourit de toutes ses dents, le mot « souffrir » était son mot favori. Il aimait tant l’entendre, surtout de ma bouche. C’était une douce mélodie à ses yeux.

Mes paupières étaient lourdes devant l’écran de l’ordinateur. Je rassemblai des informations sur les établissements scolaires de la région. Dévil avait restreint la liste à une dizaine d’école.

Les uniformes scolaires n’étaient pas monnaie courante ici, à Cruciafall. Bon nombre d’établissement privé de la région en faisait porter à leur élève pour les distinguer des « autres ».

Les yeux humide par l’irritation provoquée par la lumière bleue, je me levai et me dirigeai vers ma chambre.

La porte grinça sur ses gongs et l’obscurité me répondit. Un vent frais souffla une brise, glaçant mes os sur son passage.

J’ouvris le robinet de la douche, un jais brûlant entra en contact avec ma peau endolorie. Je soupirai d’aise et m’abandonnai à cette douce étreinte.

Propre et revigorée, je me glissai rapidement sous les couvertures pour garder la chaleur sur ma peau.

Je restai allongé sur le dos, à admirer un plafond dans la pénombre. Mes pensées divaguèrent rapidement vers cette jeune fille blonde et joyeuse aperçu dans ce rêve.

Je revoyais son visage, la couleur de ses yeux, reflet des miens, comme un miroir.

Je ne supportais l’idée qu’elle soit ma sœur et qu’elle est vécue dans la l’oisiveté tout ce temps.

Si je m’étais la main sur elle, je pourrais enfin accomplir la vengeance que je souhaitai si ardemment depuis vingt-un ans.

Un creux se forma dans le matelas, me ramenant à l’instant présent. La lune éclairait à présent la chambre. Une silhouette frêle et délicate se dessina dans ses rayons.

« ― Je ne crois pas t’avoir autorisé à venir ici ? Dévil est ton chapon, alors retourne le voir, dis-je d’une voix dure.

― puis-je rester, s’il-vous-plait ? Il fait bien trop froid dans sa chambre… »

Je soupirai de mécontentement cette fois. Si je ne la laissai pas faire, j’aurais droit au sermon de Dévil le lendemain.

« ― Très bien, mais reste le plus éloigné de moi ! Ou je te fais dormir dehors ! »

La petite hocha vigoureusement la tête et se blottit sous le duvet rêche.

« ― Tu t’appelles comment ? lui demandai-je.

― Shua, me répondit-elle d’une voix endormie. »

Je retournai à la contemplation de mon plafonnier. Je sursautai alors que les mêmes billes jaunes me fixèrent intensément.

Je me relevai d’un bond près à en découdre.

« ― Qui va là ! criai-je. »

La petite Shua se releva, surprise et craintive.

« ― Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

― Tu ne les vois, m’exclamai-je.

― De quoi parlez-vous, madame ? »

Je regardais à nouveau l’endroit de l’apparition. La lueur jaunâtre s’en était allée, me laissant à mes propres doutes.

« ― Vous allez bien madame ?

― Cesse de m’appeler comme cela, je ne suis pas si vielle. Appelle-moi, Héla.

― Vous faites des cauchemars ? J’en fais souvent aussi… Je rêve de mon père qui me bat et qui bat ma mère quand je ne suis pas sage.

― J’imagine qu’il considérait que tu n’étais jamais calme ? »

Shua hocha la tête, une larme perla au coin de son œil.

« ― Tu n’as plus rien à craindre de lui, parmi nous. Tu devrais te recoucher, la rassurai-je.

Elle vient se blottir contre mon ventre cette fois-ci. Je la laissai faire, je n’avais pas la force, ni l’envie de la gronder. Je tirai simplement le drap sur nos corps alors que nous plongions dans le sommeil.

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