Chapitre deux

5 minutes de lecture

Je tirai les lourds rideaux qui obstruaient la vue. La lune me baigna de sa lumière. Tout en restant aussi froide qu’une pierre, ses rayons m’apportèrent aucun réconfort.

Je me tins immobile devant la fenêtre ouverte à observer la nuit aux alentours. Elle était glaciale et ma peau frissonna à son contact.

Je laissai tomber la couverture qu’avait posée Dévil sur mes épaules. Je voulais ressentir cette morsure fatale.

Alors que je scrutais le petit bois derrière le manoir, deux billes vertes scintillèrent dans la pénombre. J’avais l’impression que c’était des yeux qui me fixaient.

Je ressentis un courant d’air passé sur mon dos, comme une main. Je passai la tête par-dessus mon épaule pour regarder si y avait quelqu’un derrière moi par tout hasard. Mais seul le silence régna à mes côtés.

Quand je tournai à nouveau la tête vers l’extérieur, les billes vertes avaient disparu.

Je me frottai les yeux pour être sûre. Mais rien, comme si ma vision m’avait joué un tour.

Incapable de distinguer le réel de l’imaginaire, je décidai que Dévil avait raison. J’étais sûrement plus épuisée que je ne l’avais imaginé.

Je me couchai sur la couverture rêche du lit. Sa texture me causa quelques irritations, mais c’était la seule chose qui me restait de ma famille.

Je la gardais non pas par amour ou par piété filiale. Je la gardais pour me rappeler toute la souffrance que j’avais subie à cause d’eux depuis leur lâche abandon.

J’espérai secrètement qu’un jour se serai eux qui se retrouveront aux mains de mon bourreau.

Je ramenai mes genoux sous mon menton et occupa le côté gauche du grand lit.

Alors que je sombrai doucement vers l’obscurité, la musique, qui n’avait cessé de me hanter ce soir, flotta dans l’air comme une plume.

Une porte grinça, une voix faible se fit entendre, je soulevai mes paupières lourdes.

Si c’était déjà le matin, j’avais l’impression de n’avoir dormi que quelques secondes.

Je m’assis au bord du lit, à gauche, comme je dormais toujours de ce côté-là. Je m’étirai comme un chat, fit craquer mes os avant d’ouvrir péniblement les yeux.

Quelque chose clocha, rien du décor autour de moi ne ressemblait à une chambre du vieux manoir. Au contraire, tout était blanc à m’en irriter les pupilles.

Un cri me fit sursauter ! Je regardai de part d’autre de moi, petit à petit des meubles se dessinèrent.

Un rideau bleu par-là, une fenêtre par-ci, un lit d’hôpital par-là, un plateau par-ci. La chambre d’hôpital, dans laquelle je me retrouvai, apparut doucement.

Les néons de la pièce se firent plus doux, je pus distinguer chaque mobilier autour de moi et les monitorings qui bipèrent.

Un autre cri déchira mes tympans. Je me relevai en sursaut et m’éloignai du meuble sur lequel j’étais assise jusqu’à présent.

Mais sur quoi je m’étais assise ?, me demandai-je. Quand je regardai derrière moi, les traits d’une jeune femme et d’un homme se dessinèrent.

Etrangement, leur visage était flouté. On aurait dit la mauvaise image d’un film d’horreur.

Cependant, je pouvais distinguer des détails futiles. L’homme portait des cheveux noirs en brosse sur une barbe de plusieurs jours. La jeune blonde semblait énormément souffrir, les jambes relevées par des étriers.

Je me questionnai d’un coup sur le pourquoi je me retrouvai à assister à un accouchement. Ce rêve était bien étranger et je voulus me réveiller au plus vite.

Je ne voulais pas ressentir le bonheur écœurant et encore moins leur amour l’un pour l’autre.

Je n’eus pas le temps de protester que la femme ramena déjà un enfant sur sa poitrine. Une masse drue de cheveux blonds se profila.

J’allais bientôt assister à une profusion d’amour.

« ― Regarde comme elle est te ressemble ! s’exclama le père.

― J’espère que la deuxième te ressemblera, s’exprima la mère. »

On ne pouvait qu’être dans un rêve, les voix étaient monocordes et sans intonations, comme si l’on lisait un livre.

Ce qui m’inquiéta d’autant plus, c’est qu’ils parlèrent d’un deuxième enfant et que je tenais absolument à me réveiller.

Mais, j’avais beau me pincer de toutes mes forces, seule la douleur me répondait.

« ― Oh mon dieu ! Qu’est-ce que c’est que cela ?

― Votre deuxième enfant, madame !

― Non, cela ne se peut ! »

J’eus détourné les yeux quelques instants que la scène s’était modifiée en rien de temps.

Quand je l’observai, la mère repoussa fébrilement la jumelle nouvellement née alors qu’elle en chantait les louanges quelques secondes auparavant.

Je m’interrogeai sur ce soudain revers et m’approchai d’eux. La sage-femme tenait toujours le bambin dans ses bras.

Plus j’avançai, plus je sentis un poids sur ma poitrine. Je sentis que je n’allais pas du tout aimer ce que j’allais découvrir.

« ― Son aura est malfaisante ! Chéri, nous ne pouvons pas la garder ! Elle nous mènera à notre perte. »

La mère vociféra ces paroles dans une peur insondable, essayant de garder la sœur loin d’elle.

Je n’étais plus qu’à une enjambée de la sage-femme, je me forçai à avancer et passai mon visage au-dessus de son épaule.

Mes yeux s’écarquillèrent, mon souffle se bloqua dans ma gorge et mes oreilles sifflèrent.

Les mêmes yeux vairons me fixèrent intensément et les mêmes cheveux noirs flottèrent autour d’un visage pâle, presque maladif. Une aura lugubre tournoya autour du nouveau-né.

Ce n’était pas possible ! Ce n’était pas moi, n’est-ce pas ? Il fallait que je me réveille à tout prix pour ne pas devenir folle.

« ― Qui est-tu ? Pourquoi tu es dans mon rêve ? »

Je bondis en arrière, une jeune fille blonde dans la vingtaine me fixa. Ces yeux étaient en tout point similaire aux miens. Elle portait quelque chose qui ressemblait à un uniforme scolaire.

Mes pensées firent l’aller-retour entre la scène et cette fille. Quelque chose ne me plaisait pas.

« ― Maîtresse ! Réveillez-vous ! Ce n’est qu’un cauchemar ! »

La dernière chose que j’aperçus, fut la couleur de l’uniforme que portait la jeune fille.

Je retrouvai Dévil au-dessus de moi, paniqué.

« ― Vous gémissiez et je n’arrivais pas à vous réveiller. J’ai eu peur… »

Je posai ma main sur son épaule et le repoussai doucement. Je la rassurai d’un regard.

« ― Faut que tu fasses des recherches pour moi, Dévil.

― Qu’en est-il, maîtresse ?

― Recherche l’école de la ville qui fait porter des uniformes bleus à carreaux à ces élèves. Une tête d’aigle orne la poche du blaser. »

Je le chassai d’un revers de la main avant qu’il ne pose des questions inutiles et fatigantes.

Si les images que je venais de voir correspondaient bien au jour de ma naissance, je pourrais découvrir grâce à cette gosse, l’identité de mes parents. Et, enfin, assouvir cette soif de vengeance qui brûlait dans mes veines depuis trop longtemps maintenant.

Annotations

Vous aimez lire Story Tempted ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0