13 - La Nouvelle Goutte

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Langkah — Bordure


Quartier de la Nouvelle Goutte

— Ça devrait être bon… halète Carine, pliée en deux au milieu de la rue avec les mains sur les genoux.

— Ils ne risquent pas de nous retrouver ? s’inquiète Naomi en se tenant les côtes, le souffle court.

— Pas ici… Pas au milieu de la Nouvelle Goutte, réplique la technicienne.

Paul et Benedict tournent au virage, à la traîne, respirant comme des bœufs. Le purgeur a l’air hagard, le visage couvert de microcoupures issues de l’explosion de la baie vitrée. Il traîne des pieds à la suite de l’Intra et regarde régulièrement derrière lui. Visiblement, Benedict n’a pas été d’une grande aide pour le militaire : Paul porte Daphné sur son dos ; il la soutient autant qu’il le peut, légèrement courbé en avant. L’enveloppe se comporte comme un poids mort : ses bras s’accrochent brièvement autour des épaules du soldat, mais sa tête dodeline de droite à gauche en rythme avec le pas énergique du commandant.

— La Nouvelle Goutte, bon réflexe, se contente-t-il de dire en arrivant à la hauteur des deux femmes. S’ils comptent nous suivre avec des traceurs, c’est raté.

Le petit groupe a couru à perdre haleine dans les ruelles de Langkah, traînant Daphné et jouant des coudes pendant un temps qui leur semblait interminable. Ils ont eu de la chance : aucun monstre n’a surgi dans leurs dos, le dernier exosquelette a du mettre plus de temps que prévu pour s’extirper du véhicule embouti. Paul se sent un peu rassuré ; la Goutte d’or se trouvait au coin du quartier du Fer-Blanc, les fugitifs ont franchi l’arche marquant son entrée depuis déjà une bonne dizaine de minutes. Au moins, ici, pas de risque de se faire pister par des caméras de surveillances : il n ’y en a pas. Le district a été reconstruit sur les vestiges d’un bloc de maison vitrifié par l’armée il y a plus de deux siècles. Cela remonte juste avant la Nouvelle Donne, quand le gouvernement de l’époque avait littéralement vaporisé trois kilomètres carrés de terrain, là où se terraient les membres d’une organisation complotiste. Il ne les avait pas ratés ; il faut dire que rien ne résiste aux charges à chaleurs de l’amirauté, même le béton s’évapore lorsque le tapis de bombe s’écrase au sol.

Depuis, les Extra-M ont réinvesti les lieux, mais sans planification architecturale et sans l’aide de l’état. Chacun a reconstruit un morceau de maison, à sa façon, avec les moyens du bord et les matériaux récupérés des bâtiments effondrés. Il en résulte un quartier curieux, bigarré, à des années-lumière des avenues larges et droites du reste de la colonie. Les rues tournent en tout sens et personne n’a pris la peine de les recouvrir de macadam. À quoi bon ; aucun véhicule digne de ce nom ne peut se frayer un chemin dans les allées étroites où les sommets des bâtisses se touchent presque. Mais cela n’empêche pas les murs de ballotter à la moindre bourrasque de poussière. De fait, le quartier est ombragé, assez sombre d’ailleurs, ce qui apporte un peu de réconfort aux visiteurs plombés par la chaleur qui auraient la mauvaise idée de se perdre ici.

Autour d’eux, les locaux sont de plus en plus nombreux à sortir pour essayer de comprendre ce qu’il se passe. Plus rien ne fonctionne, du moins, plus aucune transmission ni canal vidéo : tous les écrans, des tatouages holographiques jusqu’aux immenses panneaux publicitaires qui peuplent les carrefours renvoient le même message : « JE SUIS BÉNÉVOLENT ».

Paul dépose Daphné contre un mur, la jeune femme s’effondre et se recroqueville en gémissant.

— Qu’est-ce qui lui arrive, elle est… cassée ? demande Naomi.

Paul hausse les épaules et s’éponge le front du plat de la main, laissant une trace brune se mêler à sa sueur. Il dégrafe le col de son uniforme, retire sa veste et la jette au sol. Avec cette chaleur, son t-shirt noir fera l’affaire.

— Je n’en sais rien. J’ne suis ni médecin ni purgeur. Tout ce que je comprends, c’est que ces satanés exos la recherchent.

Naomi regarde autour d’elle. Elle n’est jamais entrée de plein gré dans ce quartier. Il faut dire que sa réputation n’est plus à faire : coupe-gorge, haut lieu du non-droit, le cloaque en périphérie que tout le monde tente d’oublier, le genre d’endroit qu’elle évite plus que tout. Il y a quelque temps, l’amirauté avait essayé d’y remettre de l’ordre, d’y installer des sondes et autres caméras de surveillance, mais sans succès : les équipements sont détruits avec zèle, le Triumvi déploie même des brouilleurs de puce géoloc aux quatre coins de l’arrondissement. La Nouvelle Goutte est donc l’épicentre des trafics qui inondent toute la bordure de Langkah, une zone franche, et paradoxalement le seul coin de la ville où vous pouvez être vraiment anonyme.

Dans la rue surpeuplée, personne ne semble se soucier d’eux. L’uniforme de Carter-Yuko en fait tiquer quelques-uns, mais un regard appuyé du commandant détourne leurs curiosité. De toute façon, il est accompagné de deux Extra typiques qui paraissent avoir passé un mauvais quart d’heure, d’une junkie krystée jusqu’à la moelle et d’une femme, à priori distinguée, mais couverte de particules fines, et au pantalon déchiré au genou. En somme, une compagnie qui ne dénote pas particulièrement au sein de la Nouvelle Goutte.

Juste à côté d’eux, un attroupement s’est formé sous le panneau holographique publicitaire et son message persistant. Plusieurs groupes font de même un peu plus loin, et de nombreuses personnes s’échangent à voix basse leurs inquiétudes devant l’avis qui défile en permanence.

— C’est qui ce Bénévolent ? demande un Extra en levant les yeux vers l’affiche.

— Ce n’est pas un nom, se moque son voisin.

— Qu’est-ce que t’en sais ? se vexe le premier en crachant par terre. En tout cas, depuis qu’il y a ce message, il n’y a plus rien qui fonctionne sur la sphère. J’étais en holovideo avec ma meuf, alors, qui que ce soit, il a plutôt intérêt à réparer le réseau !

— Avec ta meuf, c’est ça, s’esclaffe son camarade. Pas une nouvelle synthétique, par hasard ?

— Ta gueule, réagit l’Extra-M. De toute façon, je parie que c’est encore un coup de l’amirauté.

« Je ne prendrai pas ce pari », songe Paul en se retournant vers les autres fugitifs. Il jette un œil à son poignet : les lettres blanches scintillent toujours sur son tatouage holographique que rien ne semble pouvoir désactiver.

— Naomi, balancez votre intercom, ordonne-t-il à la jeune femme à ses côtés. Vous aussi, si vous avez des machins qui se connectent à l’holosphere, faites de même.

— Je l’ai… perdu, hésite l’ingénieur en palpant les poches de sa cape. Vous pensez vraiment qu’ils sont capables de nous suivre avec nos interfaces ?

— J’en ai peur, répond le commandant. Nous devons partir du principe qu’ils accèdent à toute la sphère. Tant que l’on reste dans le secteur, ils auront beaucoup de mal à nous géolocaliser, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne le peuvent pas : on laisse des traces numériques partout, et on finit toujours par faire une erreur. Je crois qu’il vaut mieux se déconnecter complètement.

— Et pour nos modules sous-cutanés, on fait comment ? demande Benedict en se grattant l’avant-bras avec insistance.

— Aucune idée, soupire le commandant. Je n’imaginais pas donner un jour raison au parti Contre-Courant, mais les opposants à toute augmentation mécanique gagnent des points aujourd’hui.

— Moi ça va, je n’en ai pas, déclare Naomi en affichant un air soulagé.

— Parle pour toi, rumine Carine en lui lançant un regard mauvais. Ces Intras… franchement, ils ne pensent vraiment qu’à eux.

Naomi devient écarlate et s’excuse platement, mais la technicienne l’ignore. Elle fait semblant de ne rien entendre puis elle harangue Carter-Yuko :

— Hé, le militaire, tu t’appelles comment ?

— Paul, répond le commandant en décidant de ne pas dévoiler tout de suite son rang.

— Et bien, Paul, j’ai peut-être une solution pour ça. Je connais quelqu’un qui pourrait nous aider. Ces trucs, ça se pirate et il sait modifier leurs profils.

Le soldat acquiesce lentement, se retenant de préciser que ce type d’opération est parfaitement illégal. Mais il faut supposer que dans leurs situations, une entorse au droit n’est plus vraiment un problème, et que la perspective de se faire repérer par de nouveaux exosquelettes ressemble à une menace bien plus dangereuse dans l’immédiat.

— Je vous suis, se contente-t-il de dire. De toute façon, nous devons bouger, ce n’est pas bon de rester trop longtemps au même endroit, même dans ce quartier.

Il lève Daphné, atone et recroquevillée dans sa veste imperméable orange, puis demande encore une fois à Benedict de l’aider. Le purgeur se plie de mauvaise grâce et le petit groupe reprend sa route dans les ruelles poussiéreuses de la Nouvelle Goutte, à pas soutenu.

Au bout de quelques minutes de marche silencieuse, Carine se permet de poser la question qui la démange depuis longtemps :

— Paul, vous savez qui a fait ça et pourquoi ? demande-t-elle en regardant franchement Carter-Yuko.

— Non, réplique le commandant après quelques secondes de réflexion. Je n’en ai pas la moindre idée. Il y a quelques jours, j’étais encore persuadé que ce type d’attaque ne pouvait pas être tentée, pas avec les organes de surveillance de l’amirauté. Je ne connais pas non plus les motivations de notre ennemi. « Je suis bénévolent », c’est le seul message compréhensible que nous ayons reçu jusqu’à présent, et on peut dire qu’il est adressé à toute la colonie, pas particulièrement au gouvernement. Tout ce que l’on sait pour le moment, c’est que l’organisation derrière tout ça possède de très fortes compétences en informatique.

— Oui, reprend Naomi et se portant à hauteur de la technicienne. Ce ne sont pas des amateurs. Ils pilotent une IA en mesure de contourner les protections les plus poussées de la sphère et de l’armée. Ce n’est pas rien et j’en connais quelque chose.

Paul se remémore sa dernière discussion avec Karim Vert-Otok. Le pauvre cybernéticien avait exprimé une remarque étrange, qu’il avait balayée d’un revers de la main. Vu les évènements, il ne demande s’il n’y a pas un peu de vérité dans sa découverte.

— Ça me fait réfléchir à un truc, reprend le commandant. Karim a dit que cette IA posséderait une empreinte cognitive valide. Vous en pensez quoi ?

— C’est impossible, répond vivement Naomi en secouant la tête. Les intelligences artificielles ne peuvent remplir ces critères.

— Et pourquoi pas ? renchérit Carine. Elles ne sont pas intelligentes, justement ?

La technicienne évite un chariot autonome chargé de citernes en plastique qui slalome entre les nids de poule. La machine s’arrête au carrefour, hésite un instant puis poursuit sa route en faisant vrombir ses suspenseurs. Une allée étroite remonte en pente sur sa droite ; trois, quatre mètres de large pas plus, jonchée de détritus à moitié ensevelis sous des monticules de sels. Le chemin est sombre, les toits des bâtiments de bric et de broc qui la bordent forment presque une arche ramassée au dessus de leurs têtes, et des relents de pisse et de vapeurs de krys s’en échappent. Quelques silhouettes efflanquées discutent dans un recoin. Elles s’arrêtent lorsque le groupe se fige dans l’ouverture, mais reprennent leurs conversations à voix basse quand Carine décide de s’engouffrer dans l’allée.

— Ce n’est pas une question d’intelligence, explique Naomi en accélérant le pas pour se soustraire aux regards sur sa nuque. Une empreinte cognitive, c’est la marque de la pensée, un indice de conscience… On n’en a jamais mesuré chez une IA.

— Ouais, ça ne me surprend pas, déclare Carine en vérifiant le nom de la rue inscrit à la bombe sur les murs de parpaing. Il faut être vivant pour ça, une machine, ça n’a pas de cerveau.

— Détrompez-vous. En fait, ce n’est pas lié.

— Ah bon ? s’étonne la technicienne en indiquant un escalier qui grimpe vers une passerelle métallique. Je ne vois vraiment pas comment une intelligence, qui n’est pas vivante, pourrait être consciente.

— « Qu’importe le processus, tant que nous avons la fonction », clame alors Benedict comme s’il récitait un mantra. Désolé, ajoute-t-il lorsque tout le monde se retourne vers lui, c’est l’un des premiers cours pour devenir purgeur.

— Et vous avez tout à fait raison, renchérit Naomi en le gratifiant d’un sourire timide. J’avais oublié votre métier, vous devez connaître ça sur le bout des doigts. Le corps, le cerveau, l’enchevêtrement de neurones qu’il contient ne sont que les composants d’une machinerie complexe sur laquelle se développe notre conscience. La pensée, le Moi et tout le reste, ne sont que des fonctions que réalisent ce processus physique, pas le processus lui-même.

— Je n’ai pas compris, s’agace Carine.

Elle gravit rapidement quelques marches et se retourne pour attendre ses camarades d’infortune sur une petite plateforme de béton mangée par des giclées de gula.

— Il ne faut pas confondre cerveau et conscience, explique Naomi en la rejoignant. Vous bossez où ? rajoute-t-elle.

— Je suis technicienne à l’usine de recyclage, répond Carine en haussant les épaules. Je passe mes nuits à réparer des robots et à entretenir les fours de l’entreprise.

— Et bien, réfléchissez à ça : il faut bien que, tous les jours, vous vous rendiez au dépôt. Vous pouvez le faire en marchant, ou prendre un glisseur, comme vous voulez. Les processus physiques en œuvre sont bien différents. Pourtant, vos pieds ou le véhicule qui vous y conduit remplissent tous les deux la même fonction : vous transporter. Et bien la conscience, c’est similaire, une fonction qui semble émerger de l’organisation complexe notre cerveau, mais elle n’est pas le cerveau lui-même.

— Carine, ce qui compte, c’est le résultat, pas le mécanisme, renchérit Benedict en aidant le commandant à soulever Daphné jusqu’à la plateforme.

— Tout à fait, assure Naomi. Et c’est ce que l’on mesure avec une empreinte cognitive. Ce sont les indices de cette fonction de pensée, de cette conscience. Nous sommes capables de reconnaître ce motif, nous maîtrisons les algorithmes pour l’identifier. Et aujourd’hui, malgré tout nos efforts, seuls les êtres vivants sont réputés détenir une empreinte cognitive valide.

— Pas les IA ? s’étonne Carine.

— Pas les IA. Ce type d’intelligence artificielle « émergente » est un mythe. Techniquement, ces IA seraient envisageables, mais nous n’avons jamais réussi à en créer une. Cela consommerait des ressources considérables, et un temps d’apprentissage monstrueux. Non, nos IA sont hyper spécialisées et elles échouent à chaque détection d’empreinte cognitive : leurs kystes ne possèdent pas de trace de ces systèmes.

— Okay, mais c’est flippant quand même ! s’exclame la technicienne en reprenant la route d’un air songeur. Imaginons que l’on y arrive, qu’une… fonction de pensée émerge d’une machine et que l’on détecte cette fameuse empreinte… Devra-t-on considérer qu’elle est consciente, comme vous et moi ?

— Non, certainement pas ! s’écrit Benedict.

Le purgeur s’est exprimé très vivement, attirant une nouvelle fois l’attention sur lui.

— Et bien, rajoute-t-il en bredouillant, avoir une empreinte : c’est une chose... Ça ne veut pas dire que l’on ressente quelque chose…

— Monsieur Orca-Nino n’a pas tort, acquiesce Naomi, et c’est tout le problème. Ce n’est pas parce qu’une machine reproduit la toile d’un maître que l’on peut la qualifier de peintre. Rien ne dit qu’elle éprouve quelque chose, qu’elle sait ce que ça fait, d’être conscient. Vous ressentez des émotions ? demande-t-elle à Carine. Vous vous sentez consciente, n’est-ce pas ? Vous savez ce que ça fait ?

— Oui, bien sûr, sourit Carine en reprenant son chemin.

— Et qu’est-ce qui vous prouve que je suis consciente, moi, que j’éprouve réellement des sentiments devant une couleur, ou en écoutant de la musique ?

La technicienne fonce les sourcils en jetant un regard en coin à l’Intra-M. Elle lisse sa natte épaisse, hésitant à répondre.

— Rien… Absolument rien, finit-elle par reconnaître. Mais si ce n’est pas le cas… Rien que d’y penser, c’est encore plus perturbant… J’en ai la chair de poule.

— On touche ici le point sensible, ajoute Naomi de manière très sérieuse, personne n’accède au vécu de son voisin, à cette conscience que l’on appelle phénoménale. Je ne peux pas être certaine que vous éprouvez quelque chose, comme vous ne pouvez pas vous en assurer pour moi. En fait, il n’existe pas d’expérience permettant de vérifier l’existence de ce ressenti. Je pourrai bien être une machine qui mime et reproduit un processus conscient, mais qui resterait indifférente à tout phénomène extérieur. Une mécanique bien huilée, mais parfaitement inconsciente.

— Une enveloppe vide. soupire Benedict en s’épongeant le front.

À ces mots, Daphné grogne quelque chose. « J’ai la tête qui tourne », siffle-t-elle entre ses dents. Elle semble encore groggy, toujours incapable de tenir debout.

— Pourtant… Vous, les purgeurs, vous avez bien un test pour les différencier des autres, non ? s’étonne le commandant Carter-Yuko, attentif à l’explication de l’experte IA. D’ailleurs qu’est ce qu’elle a, notre enveloppe ?

Daphné gémit une nouvelle fois, forçant les deux hommes à s’arrêter. Ils l’assoient contre le mur délavé, Paul lui redresse la tête, mais elle bascule sur son épaule, sans force. Son visage est devenu encore plus pâle, effrayant, et ses lèvres sèches gercent à leurs commissures. Carine revient sur ces pas et se penche sur la jeune femme. Elle renifle un coup :

— Béné, ça fait combien de temps qu’elle est sortie de sa cuve ?

— Une journée, une journée et demie.

— Et à la clinique, vous lui avez donné quoi à bouffer ? reprend la technicienne.

— Le verre d’eau réglementaire...

— Sérieux, les mecs, râle Carine en levant les yeux au ciel. Vous n’avez jamais vu quelqu’un faire une crise d’hypoglycémie ? C’est peut-être une enveloppe vide, mais son corps, lui, est bien réel !

Paul et Benedict, légèrement vexés, regardent Carine fouiller dans la poche ventrale de sa salopette. Elle sort une barre énergétique qu’elle coupe en deux et en glisse un morceau entre les dents. Daphné réagit à peine, elle mâche faiblement et déglutit avec difficulté.

— Je n’ai pas d’eau sur moi, reprend Carine en se redressant, mais dès qu’on peut, il faut la faire boire sinon elle risque d’être un boulet pour un bon moment.

— Je ne suis pas... murmure la jeune femme emmitouflée dans sa cape orange, incapable de terminer sa phrase.

— Comment s’appelle votre test, déjà ? redemande le commandant à son voisin. Celui utilisé pour repérer les enveloppes vides ?

— Le VK2, dit Benedict en se relevant. Une mesure Phi. Mais il est difficile à mettre en oeuvre, son résultat dépend un interprète. D’un interprète conscient.

Le purgeur se retourne et regarde par-dessus la balustrade rouillée la ville en contrebas. Ils sont à hauteur de toit : le quartier se situe sur une colline qui surplombe Langkah, la perspective porte loin. Les deux vaisseaux-capsules s’élancent dans le ciel, brillant de mille feux sous les éclats du soleil. La colonie s’étend tout autour, comme une immense toile d’araignée de béton et d’acier, jusqu’aux vestiges brisés d’une troisième tour gigantesque dans leurs dos, noire et austère. L’atmosphère est dégagée, les tourbillons de vents chauds se sont calmés et charrient moins de sels. Les grandes plaines sont même visibles au loin, ainsi que les ondulations des herbes grasses qui gravissent les premiers contreforts rocheux de la verticale de Dante.

— On est à découvert, remarque le commandant. Je suggère d’avancer, nous pourrions être repérés par une caméra autonome à l’extérieur de la Goutte.

— On n’en a pas pour longtemps, annonce Carine en frappant des mains. On traverse la passerelle et dans cinq minutes, nous arrivons à destination.

— Tu n’as toujours pas dit qui nous allons voir, demande Benedict en réajustant l’imper de Daphné.

Carine grimace et fait mine de ne rien entendre. L’attitude de son amie ne rassure pas le purgeur, mais il ne cherche pas plus loin, il sera de toute façon bientôt fixé. Benedict passe son épaule sous le bras de Daphné et la soulève, puis ils rejoignent le reste de la troupe.

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