La bâtisse était une espèce d'empilement de pierres qui n'était plus entretenue depuis des années. Elle laissait mal passer la lumière du jour. Cela faisait assez de temps qu'ils eurent élu domicile ici, et ils comptaient changer pour un modeste atelier de menuiserie qu'un retraité eut mit en vente.

Ses yeux ré-ouverts furent très humides, à la limite de laisser échapper une petite larme sur sa joue rouge. Adam l'observait sans dire un mot, elle semblait trembler dans un silence angoissant. Il ne savait pas ce qu'elle avait découvert mais constata à quel point cela l'eut bouleversé. Lola se laissait rarement intimider, elle n'était jamais expressive. Il l'a connaissait, elle était très forte mentalement. Les autres qui restèrent silencieux attendant une prise de parole remarquèrent aussi son attitude soudaine. Ce fut plus percutant pour eux parce qu'ils n'ont vu que trois minutes se dérouler. Rodrigo qui était assez confiant se leva de son meuble et parti se resservir en café, de l'autre côté de la pièce. Rory se leva pour se dégourdir les jambes à travers la pièce et voir le temps moins long. L'excitation d'apprendre ce que Lola avait découvert était de plus en plus forte. Ils savaient que ce ne serait qu'une question de temps avant de tout savoir et restèrent attentifs, scotchés sur ses lèvres dès qu'elle commença à ouvrir la bouche.

- C'est Marvin. Dit-elle très simplement.

Le silence pesant à l'origine devint glaciale à présent. On regarda Adam espérant obtenir une réaction de sa part. Celui-ci demeura silencieux.

- Le cinglé ? Il a fait quoi ? Demanda Élisa après un long moment de flottement.

- Il lui a parlé.

Lola cherchait ses mots pour dire ce dont elle pouvait se souvenir à propos de cet étrange personnage que Marvin lui avait déjà décrit. Cette fille semblait l'importuner, le harceler à plusieurs moments durant sa jeunesse, avant qu'il ne se fasse interner. Elle n'était pas agressive, juste envahissante car elle n'était pas réelle et contribuait à ce qu'il plonge plus vite dans la folie. Lola récita ce qu'elle avait pu retenir des comptes rendu brûlés. Elle se leva ensuite, s'approcha de la cafetière pour s'y servir une tasse.

- Donc, pour résumer, notre quête s'arrête là ! Tout ce temps passé à planifier l'enlèvement d'un membre de Torem, à récolter le plus minable des indices pour se retrouver au final dans une impasse. Conclu Danill abattu.

Tout le monde y allait de sa réflexion à propos des conséquences que cela pouvait induire. Une discussion spontanée pris place pour tenter de comprendre les implications de cette nouvelle. Marvin aurait non seulement été la seule personne capable de se souvenir de cette chimère mais surtout de l'avoir côtoyé. Lola n'était pas la seule à croire en lui, mais c'était celle qui en espérait. Ils ont tous décidé qu'il fallait que Marvin disparaisse. Ils en étaient tous convaincu du potentiel de sa puissance, mais ils étaient aussi tous convaincu du potentiel qu'il se sert de cette puissance contre eux. Il voyaient tous en lui quelqu'un de particulièrement instable qui, s'il s’avérait qu'il ai bien les capacités que Lola lui prétendait, pourrait être une arme redoutable.

- Ce gars était dangereux et pas claire. Nous avons fait ce qu'il fallait. Le fait qu'il vienne nous hanter n'y change rien. S'expliqua Danill.

- Oui, bon maintenant, on fait quoi de tout ça ? Demanda Rodrigo.

L'idée de réutiliser Fabien Floch revint rapidement sur la table, mais d'une autre manière, en se servant de lui comme otage pour soumettre des revendications. Rory demeurait silencieux, il était le principal protagoniste voulant la mort de Marvin, il redoutait donc Lola qui ne lui avait toujours pas adressé un regard. Elle avait le dos tourné à l'assemblé, elle écoutait d'une oreille ce qui se tramait derrière et demeurait songeuse, à côté de Rodrigo. Adam ne prenait pas part à cette discussion qui s'animait de plus en plus. Il resta assis sur sa chaise, lisant la situation qui se déroulait sous ses yeux et se résigna à répondre à un appel qu'il recevait depuis quelques minutes. Au vu de la réaction qu'il adopta, il venait visiblement d'apprendre une mauvaise nouvelle. Les autres continuèrent leur conversation en ayant observé la mine basse que le coup de fil provoqua sur Adam. L'on commençait à peine à regretter la mort du malheureux qui n'a du rien y comprendre. L'on se défendait surtout d'avoir pris la bonne décision pour ne laisser aucune chance de compromettre définitivement leur lutte. Lola ne se décida aucunement à intervenir, sentant pourtant le regard d'Adam peser sur son dos.

- Il vit toujours. Finit par dire celui-ci.

Le silence revint mettre à l'honneur les bruits les plus insignifiants.

- Qui vit toujours ? Demanda Rory de manière rhétorique. Il voulu forcer Lola à assumer.

Elle se retourna, café coincé entre les paumes des mains pour se réchauffer.

- Je suis retournée à l'hôpital psychiatrique quelque temps après, j'ai vu qu'il était toujours là bas, je l'ai observé. Répondit-elle.

Personne ne su comment réagir, il fallait intégrer cette nouvelle perspective. Un fantôme revenait à la vie en un claquement de doigts à un moment opportun.

- Donc, on risque encore qu'il se fasse repérer et utiliser par les autres. Lui glissa délicatement Rodrigo à l'oreille de Lola.

- C'est peut-être même déjà le cas. Ajouta Rory qui a retrouvé de l'entrain.

- Nous l’aurions su s'ils avaient eu le moindre doute. Il n'y a que moi qui l'ai reprérer. Tenta de défendre seule au milieu d'eux.

Devant l'incompréhension qui ne s'estompait pas, Adam se leva de son siège pour se rapprocher de Lola et lui parla une fois très proche d'elle.

- Tu as donc échoué à le tuer, et tu ne nous en as rien dit ? Demanda t-il d'un ton accusateur et bienveillant à la foi.

Elle soutint son regard.

- Je vous ai trahis. Dit-elle avec regrets de manière coupable en supportant tant bien que mal son regard.

- Elle a fait ce qu'il fallait, mais ça n'a pas marché. Tenta de défendre Rodrigo.

Adam continua de l'observer calmement avec un sourire en coin qui ne détrompait pas un mécontentement.

- Te souviens-tu de ce que nous disions quant à ce que nous devons avoir comme réaction en cas de divergences dans le groupe. Lui demanda t-il.

- Il est préférable de garder sa conviction pour sois lorsque on a raison et que le groupe à tort, même si l'on est sûr d'avoir raison. Cela empêche le chaos à l'intérieur du groupe et nous garde soudé.

- Tu respectes pourtant très bien cette règle. Tu n'enfreins jamais les règles.

- J'ai laissé le destin décider.

Adam jeta un regard nerveux à Rory qui s'approchait furtivement sur sa droite. Il releva délicatement son bras droit pour agripper en douceur, de sa robuste main, Lola qui senti venir sur sa gorge pâle les doigts froids la serrant lentement.

- Tu sais parfaitement comment tuer. Tu l'a quitté sans t'assurer de sa mort. C'était à l'intérieur d'un hôpital à risque, donc très surveillé, avec des gardiens partout, et une infirmerie équipée. Le destin n'a pas eu de mal à décider. Dit-il en l'étranglant de plus en plus fermement.

- Est ce que tu imagines ce que les autres feront s'ils le repèrent ? Demanda Rory qui paraissait moins redoutable d'un coup.

Lola tenta de répondre sans y arriver. Adam du être forcé de relâcher la pression légèrement.

- Ils tenteront certainement de le tuer aussi.

- Pourquoi ? Parce qu'ils se méfient tout autant de nous que nous d'eux ?… Essaie seulement de concevoir qu'il puisse leur être utile. Répond t-il.

- Non, c'est de lui dont ils se seraient méfié. Lui dit-elle avant de se tourner vers Adam. Regardes-nous, on ne leur fait pas peur. Ils craignent beaucoup plus Darius que toi. Combien d’échecs va t-on encore subir en restant soudés ?

Le silence raisonna de nouveau, chacun resta dans sa position sans bouger. Il était très rare de voir Adam en colère réagir de la sorte, il perdait facilement ses moyens devant Lola car il savait qu'elle n'était pas impressionnable.

- Et maintenant, retires tes mains s'il te plaît. Osa t-elle lui demander.

Après quelques secondes de flottement, Rodrigo posa sa main sur le bras d'Adam pour le faire lâcher prise. Celui-ci retira sa main aussi lentement que lorsqu'il agrippa Lola. Ce moment de tension fut arrivé sans prévenir et rappela à tout le monde à quelle point leur situation était dangereusement sensible. C'est comme ci inconsciemment, ils sentirent la fin approcher et abattirent leurs cartes, démunis.

- Ce type t'as dévié. Je t'avais bien expressément dit de ne pas faire trop d'efforts, de ne pas placer trop d'espoir en lui. Ça t'a affaibli. Ajouta Rory.

- Et toi ? Tu ne vis pas dans un espoir qui t’affaiblis de jour en jour ? On est réduit à des pestiférés, reclus dans des cachettes toujours plus sordides les unes que les autres à attendre un jour qui ne viendra peut-être jamais. Mais tant qu'on reste persuadé que ça va venir, on continu parce que ça nous rassure. On a finit par l'aimer cette vie là. N'est-ce pas ? Rétorqua t-elle convaincue.

- Pourquoi te bats-tu Lola ? Demanda Adam. Nous avons tous quelques chose à espérer de ce combat. Toi, tu n'en attend rien. Tu ne nourris plus aucun espoir depuis longtemps. Tu te bats à nos côtés car tu n'as rien d'autre à faire. C'est toi qui as finit par aimer cette vie.

- Souviens toi que tu rêvais d'un monde meilleur avant. Continua d'ajouter Rory. Adam t'a sauvé, il t'a montré une autre façon de voir le monde, une bonne raison de quitter tes anciens acolytes, de te retourner contre eux. À ta place, j'aurais été plus revanchard que jamais. Finit-il avant de faire quelques pas en arrière.

Lola repris quelque gorgées de café pour rétablir sa trachée, elle affronta Adam dans les yeux. Même le sentiment de vengeance, elle l'avait laissé s'échapper. Son seul espoir venait de réapparaître, c'était aussi une malédiction. Adam réfléchissait à l’attitude la plus sage à adopter, il ne pouvait pas se permettre de perdre davantage sur ce conflit. À présent qu'il fut véritablement convaincu du potentiel de Marvin, le principe de précaution devint moins facile à soutenir, l'affaire était bien plus concrète.

- Vous allez me faire pleurer vous deux avec votre émotivité qui se dégage. Intervint, pour se moquer d'eux et baisser la tension, Rodrigo qui assistait à ce jeu de regards, pris entre deux eaux. Maintenant qu'on sait que le fou est vivant et qu'on a possiblement besoin de lui parce que Lola n'avait peut-être pas si tort que ça, je répète la question, que fait-on ?

Adam s'éloigna progressivement d'eux et commença à se détendre. Élisa se resservit un café à son tour, elle était pensive. Elle repensait à la fois où l'un de ses indics au Parlement l'a tenait régulièrement informé des projets de lois à venir. Elle se remémora celui visant à faciliter les internements en psychiatrie. Cela devait concerner évidement toute personne contredisant maladroitement une politique de prospérité, de vivre ensemble et d'épanouissement sans précédent qui satisfaisait la population. Cela concernait ces pseudo groupes révolutionnaires qui, se pensant détenir la lumière, tentaient de guider les troupeaux de moutons. Adam détestait ces gens-là qui desservaient sa cause en s'élevant de la sorte dans leur inculture. Ceux qui critiquaient la nation plus souveraine que jamais dans un pays plus démocratique que jamais, à coup d'arguments fallacieux avaient certainement des problèmes mentaux pour se prendre à ce point au sérieux. Cette réflexion soudaine, en conséquence de quoi, poussa Élisa à redouter une nouvelle intrusion dans un hôpital psychiatrique qui se devait d'être beaucoup plus surveillé.

- Nous allons prendre cette bonne nouvelle empoisonnée à notre avantage. Lola, j'imagine que tu sais ce que tu as à faire. Demanda Adam plus relâché.

- Il faut d'abord voir dans quel état il est. Ensuite, nous prendrons les décisions qui en résultent. Répondit t-elle.

- C'est à dire ? Interpella Rory avec saveur.

- J’entends par là que nous ne somme pas sûr du succès de la mission. Marvin peut toujours autant nous servir à rien.

Elle semblait se revigorer doucement, et lorsque l'on voyait de la détermination en elle, il ne valait mieux pas s'interposer.

- Ce sera à toi de jouer Lola. Acquiesça Adam. Il ne s'agit plus de savoir si cette personne est exploitable ou pas, il faut trouver comment elle peut l'être. Nous devons l'accueillir quoi qu'il arrive.

La décision d'éliminer Marvin avait été prise par l'ensemble du groupe, Lola voulait une dernière fois y croire car ce fut elle qui l'avait découvert alors qu'elle se battait au côté de ceux qu'elle combattait à présent. Elle recherchait des possibles voyageurs de mémoire qu'elle devait ensuite tuer pour ne pas engendrer d'adversaires. Elle faisait souvent ses recherches chez des personnes présentant des troubles de la mémoire. Marvin était un cas à part qu'elle oublia très vite tant il était inoffensif et insignifiant. Elle conclu la première fois qu'elle l'eut vu que c'était juste un malade mental noyé dans un délire. Ce fut après avoir rejoint le groupe d'Adam qu'elle repensa à ce personnage totalement paumé qu'il en devenais beaucoup plus intrigant. Elle percevait une singularité troublante dans sa maladie. Elle avait pourtant réussit à ne plus croire en lui, à délaisser ses attentes jusqu'à ce qu'il fut lié à Fabien Floch par le mystérieux dessin.

- Comment penses-tu qu'il va t’accueillir ? Ne serait-ce pas plus prudent que nous y allions tous ? Questionna Danill.

- S'il veut s'en prendre à elle, c'est qu'il se souvient d'elle. Ce serait une bonne nouvelle. Ajouta Élisa.

-Vous n'aurez pas envie d'avoir à faire à lui. Il faut être mentalement fort. Rétorqua Lola en se rapprochant de la table. Souvenez-vous quand vous êtes allé le voir.

Elle s’assit sur son siège, en face d'Adam de nouveau. Ils se regardèrent dans les yeux.

- Maintenant Adam, nous allons dans ma mémoire, il faut que tu la répares. Retrouves toutes les fois où Marvin m'a parlé de cette fille.

Danill et Rory vinrent en soutien, ils se chargèrent de brancher Lola à un casque cérébral relié à un logiciel spécial afin de faciliter les connexions neuronales pour aider Adam dans sa tâche.

Pendant ce temps, Élisa intervint auprès de Rodrigo, qui encadrait l'opération, en émettant les craintes qu'elle eut plus tôt. Le Gouvernement avaient commandé une étude sur l'état des services psychiatrique en France qu’Élisa songeait à acquérir. S'il faille de nouveau pénétrer un bâtiment à risque, il fallait mieux s'y préparer. Rodrigo l'a chargea de s'informer auprès de ses indics pour recueillir les garanties nécessaires afin que Lola puisse retourner dans ce même hôpital situé à presque sept heures de routes, non loin de Gap. Élisa devait faire jouer ses réseaux. C'était là son principal atout, elle disposait de personnes dont elle pouvait s'appuyer pour obtenir des informations venant de la capitale. Elle avait suffisamment de quoi intimider et faire chanter son réseau pour ne pas risquer de se faire trahir.

La journée toucha à sa fin, Lola avait retrouvé sa mémoire mais craignait qu'elle ne s'évapore de nouveau. Il fallait agir rapidement. Les autres aussi eurent voyagé dans sa mémoire pour se familiariser avec ce que lui avait dit Marvin, à propos de la petite fille, en espérant ne pas complètement l'oublier. Tous étaient conscient de vivre une période tendue. Angèle qui fut démasquée, la bâtisse qu'il fallait quitter sous peu, Fabien qu'il fallait garder en lieu secret et cet interné psychiatrique qu'il fallait entretenir.

Le jours commençait à disparaître. Lola se tin debout, dehors, à quelques pas devant la bâtisse qui s'assombrissait. Elle regardait le soleil se coucher derrière les arbres à l'horizon. Cette journée a été rude, mais productive. Elle s'autorisait un moment éloignée des autres, à repenser, et à anticiper. Elle allait retourner à sa besogne et n'en n'était pas si totalement enthousiasmée.

Adam s'approcha paisiblement par derrière. Il vint lui aussi contempler le cadeau des astres.

- Nous devons impérativement réussir cette mission tout en restant parcimonieux. Vint-il admettre.

- Que t'as apprit Dylan de si perturbant ? Demanda t-elle sans transition.

- Il faut absolument que nous mettions la main sur ce Marvin. Le temps nous est compté. Répondit-il sans cacher la crainte qu'apporta ce coup de téléphone.

Leurs pensées disparates s'envolèrent parmi les étoiles que la nuit s'entretenait à révéler.