La limbique II.

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Il n'était pas en retard... Il n'était jamais en retard ce brave toubib... Dommage. Sur ma langue, c'était encore l'effervescence. Une petite fête avait été organisée dans ma bouche et lui — installé sur la caqueteuse modèle lola blanc, style lynette, montée sur roulettes — était celui qui s'invitait aux sauteries des autres grâce à un pote. Le même qui, une heure plus tard, dégobillait ses toxines dans le ponch. Eut été discret passe encore, mais il était planté là, au milieu de ce carré stérile, cherchant de ses yeux rieurs et son sourire agrafé, ma participation à son délire. Plus vite il commencerait et plus vite il me laisserait seul, en tête-à-tête, avec mon trip. Nous nous serrâmes la main. Je grimaçais.

— Vous avez l'air en forme aujourd'hui, me dit-il, tout en se retournant vers le seul moniteur à sa disposition.

Déjà ? Que pouvait-il bien taper ? Je n'avais rien dit. Les petits fichiers bleus apparurent sur l'écran vitré.

— Vos analyses confirment encore l'ingestion de stupéfiant.

Je n'arrivais pas à savoir qui du docteur ou de l'appareil me talochait ces paroles en pleine gueule. Je me rebiffai, brûlant sur mon pucier.

— La colère ne résout rien, respirez profondément.

Il joignait le geste à la parole dans un exemple paternel.

J'avais envie de lui crier que la colère n'était pas là pour résoudre quoi que ce soit. Qu'elle était la manifestation d'un mal réel. La soupape d'une machine qui devenait folle. Que j'avais le droit de la vivre. Mon bide se prenait pour un contorsionniste ; ce charlatan en costume vert venait de nous disqualifier, moi et ma révolte, avec sa bonne humeur impassible. Je me surprenais à l'imiter dans ses inspirations et ses expirations exagérées.

— Voilà... C'est bien... Continuez... me dit-il avant de renchérir sans variation. Vos urines affirment la présence de narcotique dans votre organisme.

Je pissais, ils savaient. Ce n'était pas plus compliqué que ça. Je jetai un regard furieux vers le Juda qui me trahissait à chaque envie pressante. Ce faux frère, monstre à deux têtes, mi-douche mi-chiotte. Fumier.

— Vous devez être raisonnable. Je vous rappelle la dangerosité d'une telle consommation. Si vous persistez, nous nous verrons dans l'obligation d'activer, pour votre propre bien, une restriction totale.

J'ignorais ce que cela voulait dire exactement. Je captais les mots, ça ne semblait pas génial.

Il se redressa tout en posant sur le bureau un lot de gélules. La visite était finie. Une nouvelle poignée de main et une nouvelle grimace. J'avais même eu le droit à une petite tape sur l'épaule en guise d'encouragement. Mon cas devait être désespéré. Il partit sous les gémissements de la porte automatique. Elle se verrouilla. J'avais le temps avant qu'elle ne se réouvre. D'après les derniers mots du médecin, je savais que mes permissions allaient être lentes à venir. Mes buvards allaient se payer cher, mais au moins j'en avais... C'était tout ce qui comptait...

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