La limbique III.

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Ma couchette en plastique souple, sans draps ni coussin, buvait mes sueurs froides. Je surenchérissais dessus à chaque fois que l'envie me prenait. N'est de bon cocktail qui ne se mélange. Sur cette alaise improvisée, transformée en bassin où j'avais pied, nageaient mes créations merdiques. Je faisais la planche au milieu de mes eaux troubles. Ne voulant pas me rendre coupable, collaborer ; donner à leur calcul, leur analyse, le moindre fluide. Je me chiais dessus par conviction. Une contestation Manhattan, sans cerise ni cuite. J'étais en manque. J'étais gelé. Tout était flou.

Ҫa faisait bien trois buvards que le vantail n'avait pas ouvert ses battants, peut-être bien cinq. Il refusait d'entendre mes appels, d'écouter les propositions que je lui faisais :

" Laisse-moi passer... Allez... Je te polirai les écrous" lui avais-je dit à plusieurs reprises : sans résultat.

La porte était parfaitement indifférente, inflexible face à mes avances — teintée d'un extra-blanc elle puait le propre. Seule la caméra, fixée sur son front, donnait des signes de vie par sa lente rotation biquotidienne.

Malgré son refus, j'avais décidé de me faire entendre par tous les moyens possibles. Peut-être que le doc allait revenir, attiré par le bordel. Eventuellement voir, à travers son petit moniteur de spécialiste tout en s'écrasant la raie sur sa chaise d'expert, mes essais d'art moderne qui minaient la pièce. Il allait venir me serrer la pince et me dire avec son bonheur éclatant, celui qui le défigurait toujours d'un sourire imperturbable, que tout allait bien se passer pour moi. J'avais peur. Je promenai l'espoir de le revoir avec ce bureau, il ne restait plus que lui, aux quatre coins de ma cellule. Il n'était pas lourd et volait bien sous mes projections. Rebondissant, par-ci par-là, avec pour seul bruit mes encouragements hilares et quelques-uns de mes airs les plus joyeux.

L'effort, à la longue, avait été pénible. Ma cible, immobile, sidérée, ne m'avait opposé qu'une passivité désarmante. Indemne, devant moi, elle était aussi fière que pouvait être une table venant de découvrir son invulnérabilité. Je compressais mes tempes de mes paumes, pleurant à chaudes larmes. Pourquoi ne se brisait-elle pas ? C'était comme si je n'avais rien fait. Une voix éteinte sortit de la baffe encastrée au plafond :

— Nous vous prions d'optimiser la gestion de vos émotions. Nous vous avons fournis, à cet effet, le stabilisateur qui vous a été prescrit. De plus, afin de vous aider dans votre rémission, nous allons juste après la fin de ce message, diffuser des sons de bol tibétain.

Un extrait, qui grésillait des sons de hautes montagnes, tranchait la déclaration en deux :

— Nous tenons à vous rappeler que, tout comportement inapproprié à l'égard du code de bonne conduite, prolongera votre traitement. Bonne journée.

Optimiser ma gestion des émotions... Pour qui me prenaient-ils ? Un DRH ? Devais-je donc licencier toutes les ressources humaines inutiles, pesantes, qui menaçaient mon efficacité ? Ou je pouvais en garder quelques unes en stock ? Afin de rire et pleurer sur commande ? Livraison immédiate garantie. C'était absurde. J'avais avalé une des gélules laissée par le bon docteur. Allongé sur ma couchette en plastique souple, j'attendais que la normalité se pointe.

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