31/ départ en guerre

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 "Est-ce que le Kyton est bel et bien mort, Thanis ? Ou est-ce que c’est comme un troll, il revient à la vie ?

 - Non, la plupart des démons sont mortels et ne se régénèrent pas. Restons tout de même quelques minutes pour vérifier…Juste au cas où.

 Ils restent auprès du cadavre de leur adversaire un moment, sans dire mot. Chacun est perdu dans ses pensées. Rien ne se passe, Thanis considère au bout d'un temps que tout danger est écarté.

 - Parfait, dans ce cas allons réveiller tout le monde, déclare Carseb.

 Ils s’engouffrent dans la grotte.

 - Qu’est-ce qu’il faisait devant l’entrée à votre avis ? Pourquoi n’est-il pas entré ? demande Fitz perplexe, en marchant en tête.

 - Je ne sais pas trop, répond Thanis. Peut-être qu’il ne voulait pas risquer une confrontation directe avec tout le monde.

 - Ou peut-être qu’il vérifiait juste que personne ne sorte, déduit Carseb. Du temps de la grande guerre, La Guilde était spécialiste de la destruction de démons…Si l’on fait face à une nouvelle invasion, ce n’est pas impossible qu’ils envoient des troupes vers toutes les antennes de La Guilde. Juste histoire de nous empêcher de nuire et nous surprendre.

 - He bien c’est ce Kyton qui a été surpris, ricane Fitz, en caressant la cicatrice de son visage. 

 Ils atteignent la salle principale. Quelques bruits se font entendre. Des chuchotements, des bruits de pas précipités, des chuintements d’armes qui glissent de leurs fourreaux…Fitz commande d’une voix forte

 - Hoé ! Réveillez-vous tout le monde, rassemblement extraordinaire et immédiat !

 Il continu d’un ton plus bas, en se tournant vers ses deux amis :

 - Thanis, rameute Palra’Tai et Otaku. Carseb, la jungle, Portuas et Slar’arik. Faites vite.

 Sans tarder, ils se dirigent vers la salle des portails. Ils en traversent chacun un différent, qui les amène vers leur destination respective.

 Fitz se retrouve seul, le visage toujours ensanglanté. Sans prendre le temps de se nettoyer, il saute sur l'immense table au centre de la pièce et appelle à ce qu’on le rejoigne. Rapidement, l'endroit se rempli. Le couloir qui mène à la salle des portails vomit un flot incessant d’hommes et de femmes, venus des autres antennes de guilde, répondant à l’appel. Plus de deux cents braves, la plupart sont déjà équipés, armés jusqu’aux dents.

 Au bout d’une dizaine de minutes, Carseb réapparait. Thanis est déjà là. La salle est pleine à craquer, les couloirs y amenant sont remplis eux aussi, sur quelques mètres. Le mage et le roublard rejoignent Fitz sur la table. Ils sont entourés d’une mer de visages tournés vers eux, impatient de savoir ce qu’il se passe. Fitz se racle la gorge et commence. Il embrasse l’assemblée de ses bras.

 - Partisans de La Guilde ! Mes amis ! Connaissez-vous la raison de votre présence en ces lieux ?!

 Un murmure d’approbation s’élève de l’attroupement. Sans leur laisser le temps de répondre, Fitz continue d’une voix forte. Il commence à marcher sur la grande table, pour faire face tour à tour à toute l’assemblée.

 - Nous relevons depuis des mois une antique guilde, Huzumil ! Cette organisation avait pour but, jadis, d’épauler la sentinelle, Maragnus dans sa mission. Faire face aux incursions extra-planaires ! Après la grande guerre, La Guilde a été dissoute pour une durée de mille ans, mais ce temps est révolu ! Et aujourd’hui, une fois encore la sentinelle et l’empire ont besoin de nous !

Il désigne d'un geste vigoureux le couloir qui mène vers l'éxterieur.

 - Dehors, des forces infernales et démoniaques se massent une nouvelle fois aux portes de notre monde ! Nous devons les retenir, le temps que Draac’Vio puisse réagir. Markal et Vrael sont déjà partis à sa rencontre, c’est une affaire de minutes...! C’est à nous qu’il incombe de leur faire gagner du temps ! Nos terres, nos familles, nos amis sont menacés.

 Pendant le discours de son ami, Thanis trace sur la table un cercle avec un bout de charbon. Il marque des runes sur le contour, à intervalles régulier. Une fois terminé, il fait un discret signe de la main au prêtre. Celui-ci entre dans le cercle. Progressivement, il s’élève alors de quelques centimètres, sur une plateforme de feu. Des flammes sans chaleur lui lèchent les mollets. Il continue de marcher naturellement, le plancher incandescent suit ses pas. Les torches, aux murs, peinent à dissiper les ténèbres, assombries par le nombre de spectateurs. Dorénavant, seul Fitz est dans la lumière. Le plateau continue de s’élever lentement.

 - Le combat est inégal, et pas en notre faveur, je ne vais pas vous mentir. Regardez mon visage. C’est le travail d’un seul de ces démons alors que nous étions trois contre lui. Il y aura des blessés, des morts…Mais nous seuls pouvons faire face...

Il ménage un suspense d'une poignée de secondes le temps de trouver ses mots. Pas un bruit n'émane de la foule pourtant nombreuse. Dans ce silence, on jurerait entendre le lent et régulier battement des coeurs présents.

 - Mes frères ! Mes sœurs ! Reculerons-nous devant notre mission ? Laisserons-nous sombrer notre terre dans le chaos, la mort et le désespoir ?! Je ne le veux pas. Et si vous êtes devant moi, c’est que vous non plus ! Que les couards déguerpissent sur le champ ! Quant aux autres, rassemblez vos armes et gonflez vos cœurs de fierté, cette nuit nous entrons dans la légende !

 La grotte n’a sans doute jamais entendu telle clameur qui suit le discours. Les boucliers sont frappés du poing, le bruit de l’acier retentit, les armes sont levées. Les voix graves et bourrues des nains résonnent, se mêlant aux voix plus aigües des elfes et des Hommes. L’air résonne du brouhaha ainsi créé.

 Peu à peu, la salle se vide, chacun retournant en vitesse dans ses quartiers. Le prêtre a terminé d’haranguer la foule à quelques pouces seulement du plafond. Il redescend vers la table et pose un pied sur la pierre froide.

 - Tu as bien parlé Fitz, dit Carsebe en lui prenant l'épaule.

 - Et comment, j’en ai les poils tout hérissés ! Ce promontoire de feu était du plus bel effet, si vous voulez mon avis, renchérit Thanis en appuyant ses propos d’un lourd clin d’œil.

Ils descendent de la table. Sur une parole du mage, la carte réapparait.

 - Je vais me nettoyer ! s’exclame Fitz. J’en ai pour une minute, ce sang séché est très désagréable !

 Il fonce à travers un couloir, à la recherche d’eau. Une minute après, pas une seconde de plus, comme promis, il réapparait, le visage clair. Une balafre lui barre néanmoins encore le visage, d’au-dessus de l’œil droit jusque sous l’œil gauche, en passant par le nez.

 - Wouaw, s’exclame Carseb, cette saloperie ne t’as pas raté…Tu as failli y laisser un œil voire les deux !

Le silence se fait autour d'eux, aucun ne sachant quoi dire. Le malaise est brisé par Thanis.

 - Tu es…Intimidant, tranche-t-il. Ça te change, on ne s’imagine pas un prêtre bon et droit en te voyant maintenant...Surtout avec ton énorme marteau qui dépasse. Pourquoi ne l’as-tu pas complètement soigné ?

 Fitz met du temps à répondre, cherchant ses mots pour s’expliquer. Il finit par dire:

 - Les récents évènements m’ont fait réfléchir…Le désert, le vers pourpre "mauvais", les Dovas "bons", un mort-vivant sympa... Je ne veux pas finir comme ces anges, complètement hermétique à un quelconque esprit critique… Un monstre n'est pas fondamentalement mauvais ou cruel comme Vrael essaye de me l'enseigner...

Il est secoué d'un petit rire nerveux en repensant à leurs discussions stérils ou chacun campait sur ses positions.

 - Il peut "être", tout simplement...Et je ne peux pas être seul juge de leur survie ou non. Je reste fidèle à moi-même, bien sûr, mais à travers mon apparence, je veux que tout le monde sache que je ne suis pas qu’un justicier. Le monde n’est pas blanc ou noir, et moi non plus, je ne veux pas l’être. Cette cicatrice disgracieuse, qui tranche avec ma droiture, me le rapelera maintenant, finit-il en souriant.

 Carseb serre une fois de plus l’épaule du prêtre. Thanis, plus petit, s’approche. Le voleur lui attrape le bras, lui aussi. Pendant quelques secondes, les trois amis restent là, à se tenir et sourire.

 - Bon ! tranche Thanis en se dégageant. Comme je vous le disais nos ennemis devront sortir du désert à pieds. En plus de cela, ils sont guidés par leur unique soif de massacre. La vie les attire, comme un vautour fond sur une charogne.

 - On pourrait donc en profiter pour les attirer sur un terrain à notre avantage…Réfléchis Fitz, effaçant son sourire bienveillant pour reprendre sa stature de chef.

 - Exactement !

 Thanis agrandit la carte, sur un secteur en bordure du désert. Il pointe du doigt une zone de dense végétation.

 - Nous allons les attirer ici ! C’est une forêt épaisse en bordure du désert. Il n’y a pas âme qui vive sur des lieux à la ronde. Nous n’aurons pas à nous soucier des dégâts que le combat causera. De plus, il y’a dans cette forêt, une ancienne tour imposante. Il sera plus facile de défendre un bastion plutôt que d’être en rase campagne.

 - Ça me paraît une bonne idée, approuve Carseb. J’ai formé une cinquantaine de nos Hommes à l’archerie ces dernier mois. En positionnant des fantassins, menés par Fitz, au pied de la tour, nous aurons l’avantage de la hauteur et pourrons essayer de les repousser efficacement.

 - Je mènerai les mages, certains d’entre eux sont invocateurs. En règle général, les infernaux craignent l’eau. Invoquer des élémentaires de flotte devrait les ennuyer au plus haut point. Quant à moi...

 Une lueur de folie éclate dansses yeux.

 - Rien n’a jamais résister à un barrage de feu, termine-t-il avec un sourire mauvais.

 - C’est étonnant que les Dovas n’aient pas perçu ta véritable nature perverse, souligne Fitz d’un ton moqueur.

 - Ce sont des démons ! Ne me fait pas la morale ou tu iras seul à la rencontre des envahisseurs !

 - Je plaisante Thanis ! Fait comme bon te semble. Mais les démons craignent le feu ?

 - Nombre d’entre eux sont littéralement des brasiers incandescents, je te l’accorde. Le feu ne leur fait rien ou au pire les nourrie. Mais je te parle là de démons et diables majeurs. Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’espère n’avoir à faire qu’à des ennemis mineurs, des éclaireurs rapides. De toute façon, si un Diantefosse arrive jusqu’à nous, cela fera déjà un moment que nous serions morts…

 - Charmant...Alors en route pour…hésite Carseb.

 - Katdefa, termine le mage. La tour de Katdefa, du nom de celui qui l’a érigé.

 - …En route pour Katdefa ! je vais réunir La Guilde dehors et la séparer en trois groupes. Archers, guerriers et magiciens. Tu pourras nous ouvrir un portail, Thanis ?

 - Bien sûr, j’ai des souvenirs assez clairs de cette endroit ! Et puis d’autres mages connaissent certainement ce lieu et pourront aussi nous y mener.

 - Alors c’est parti, allons repousser du démon…

 Les trois amis sourient froidement, l’œil vif. Cette bataille est la leur, ils vont la mener jusqu’au bout.

 - Arrivés là-bas, je vous exposerai une idée que j’ai depuis tout à l’heure, qui pourrait grandement nous aider, dit Carseb, un sourire en coin avant de se diriger vers la sortie.

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