Chapitre III . Deux semaines avant Noel

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La neige recouvre les montagnes aux alentours, le ciel s’est à son tour rempli de petits moutons, il joue à un deux trois soleil avec l’astre qui se fait de plus en plus discret en cette fin de journée. Ce soir, nous regagnons les terres de nos ancêtres pour passer les fêtes avec mon grand-père dans sa cabane au milieu des bois, ce petit coin de paradis comme nous aimons à le renommer dès que nous posons nos valises pour quinze jours. Je suis comme les enfants qui attendent avec impatience que la sonnerie retentisse, que les grilles du grand portail s'ouvrent et libère toutes les petites têtes blondes pour qu’elles puissent profiter au mieux de ces quelques jours de partage en famille.

Je rejoins ma classe qui m’attend bien sagement, chacun est assis à la place qu’il a choisis, ils discutent provoquant une jolie cacophonie d’ensemble. Je ne souhaite pas les interrompre, j’apprécie la façon dont ils ont instauré les échanges. Chaque matin, je leur offre cette tribune ouverte et les observe sans me mêler de leurs histoires. Depuis que j’ai instauré ce cadre, il n’y a plus de disputes ou de malentendus, ils sont beaucoup plus calmes. Je franchis la porte, les murmures remplacent les grandes envolées. Je commence toujours la matinée par un chant que nous avons choisi la veille, les jeunes reprennent le refrain avec une douceur envoutante. Aujourd’hui j’accompagnerai cette mélodie d’un de nos contes “le Vieil Homme Hiver” c’est ainsi que les indiens d’Amérique du Nord appelait la saison froide.

Pour nos ancêtres, l’hiver prenait la forme d'un géant très vieux aux longs cheveux blancs, ils étaient convaincus que, chaque année, le vieil homme s’installait dans sa maison de glace. Quand j’étais petite fille, j’ai toujours pensé que cette histoire parlait de mon grand-père, avec l’arrivée de ma sœur j’ai fait perdurer cette légende. Aujourd’hui encore je crois que nous ne sommes pas si loin de la vérité. Les enfants assis en tailleur sur leur pouf, ne me quittent pas des yeux, je peux percevoir les lueurs de curiosité aviver le feu dans leur prunelle. Cette journée, je la consacrerai à leur conter cette histoire pour qu’à leur tour un jour ils puissent la transmettre à la future génération.

Je me lève un instant pour ouvrir la porte fenêtre qui donne sur la cour de récréation, nous avons la chance de pouvoir observer la crête du mont Habrich qui culmine à 1792 mètres. Nos joues rougissent par la bise posée par le vent frais venu du fjord. Ce vent du nord froid, vivifiant, hurle au travers de la forêt, lui le meilleur ami du Vieil Homme Hiver. Les premiers temps, nous l’avons craint parce qu’il pouvait briser des branches sur son passage puis peu à peu nous apprenons à l’apprécier, il nous parle et transporte avec lui nos rêves vers les étoiles. Quand Ania la plus jeune de la classe m’interroge sur le lieu où vit Le Vieil Homme Hiver, je lui parle de sa maison sans foyer et sur le sol il y a installé son lourd tapis de neige blanche. Je nous revois les premières années où nous montions dans la cabane, le sol était fait de terre et mon père petit à petit réalisa des travaux pour rendre le lieu plus chaleureux. Son premier gros chantier fut de construire l’âtre dans lequel nous aimons voir danser les flammes.

Avec les enfants, nous attrapons nos manteaux, la pluie vient de se transformer en neige, je leur propose d’aller marcher sur le sentier qui longe l’école jusqu’au ruisseau. Nous nous transformons en explorateurs, à la recherche des traces des animaux. Tout est si calme, le temps semble s’être mis en pause, nos pensées s’apaisent, le rythme de nos pas ralentit, nos battements cardiaques diminuent. Comme l’ours qui cherche sa grotte pour passer l’hiver, nous découvrons le plaisir de la méditation. Le temps passe sans que nous puissions le contraindre, les secondes effacent les minutes qui font taire les heures, le silence nous enveloppe quand tout à coup Pony le plus intrépide m’interpelle en m’annonçant qu’il s’ennuie.

Comme le Vieil Homme Hiver, il découvre que ne rien faire peut-être lassant quand on a l’esprit vif d’un pur-sang. Par certains côtés, il me fait penser à Milia. Alors je poursuis mon conte, et lui parle du Vieil Homme Hiver qui après avoir répandu la neige de partout, glacé les ruisseaux, décorer les branches de stalagmites, il ne savait plus quoi faire. Alors qu’il se tenait assis devant sa maison glaciale, il vit arriver de loin une jeune fille, son sourire était splendide, des étoiles brillaient dans son regard, elle était vêtue de vert mousse et de broderies qui rappelaient les pétales de fleurs de pommier. Quand elle parlait, l’air devenait doux. Charmé par tant de grâce et de beauté, il ne perçut pas que la neige fondait sous ses pas. Il l’invita à s'asseoir à ses côtés.

Pony et tous ses copains m’écoutent attentivement en découvrant que les flocons de neige recouvrent peu à peu nos pas faisant disparaître les traces de notre passage. Emmitouflés dans leur manteau, leurs mains bien au chaud dans leurs gants, leurs cheveux dissimulés sous leur bonnet, les têtes blondes se métamorphosent en petits anges, comme les animaux, ils changent de fourrures pour s’adapter. Nous poursuivons notre aventure pour découvrir le ruisseau couvert d’une fine pellicule de glace où des petits diamants se déposent tout doucement.

Après ce spectacle magique, nous regagnons l’école pour finir notre matinée au chaud blotti contre le poêle. Je donne un petit texte à Poni et Ania et leur demande de jouer le rôle du Vieil Homme Hiver et de la jeune fille. Trop contents, ils m’offrent l’un et l’autre un sourire rayonnant qui réchauffe instantanément le cœur de la maîtresse que je suis. Je les écoute avec attention, ils sont concentrés et jouent leur rôle avec beaucoup de bienveillance. Poni commence : “d'un simple soupir, je réussis à transformer les rivières et les sources en glace”. Ania sans le quitter de son regard vert émeraude lui répond:”Moi, quand je soupire, l’air se réchauffe et les sources se mettent à fondre puis à couler”. À peine l’échange entre les deux terminé, je tente de retenir les larmes prêtes à déborder. La cloche retentit juste à temps, l’heure du repas est annoncée. Dans le calme, nous rejoignons la cantine qui pour l’occasion est décorée aux couleurs de noël, un sapin trône au milieu de la pièce, des boîtes de décorations sont posées à son pied. Chacun après le repas pourra contribuer à son embellissement. Je m’installe avec mes collègues

A.R

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