10 - Aurore

5 minutes de lecture

L'immense lanterne fixée sur la proue fend l'obscurité : encore quelques minutes pour que les premiers rayons de Primara se lèvent.

Klük regarde son équipage qui ne cesse de s'affairer ; leur efficacité leur a permis de quitter le grand port de Noxus en très peu de temps. Comme prévu, aucun garde ne les en a empêché : Klük n'a pas besoin de tourner la tête pour savoir que le troisième cercle brûle encore.

Il a envoyé Solembum et Laurina se reposer. Ils en avaient grandement besoin. De plus, ne pas les avoir a ses côtés permet à Klük de mieux réfléchir à la situation.

Laurina a été assez claire : temps que le Félinet n'est pas en danger, ce qu'il s'est produit sur la place de Noxus ne devrait pas se reproduire. Oui mais voilà, ils naviguent sur un Océan plutôt colérique et d'humeur changeante. Sans oublier les monstres. Le Nain soupire. Encore une belle aventure.

"Bon, nous sommes au large et nos nouveaux amis dorment. Peux-tu m'expliquer maintenant."

L'Ancien. Si Klük ne dort pas en mer, le capitaine n'est pas sûr que le vieux Nain dort tout court. Klük lui raconte donc cette terrible fin d'après-midi près de la fontaine.

"C'est affreux ce qui est arrivé à cette jeune enfant..." reprend l'Ancien. "Mais Solembum ne peut se flageller pour cet acte : Laurina a raison, si les cinq peuples n'avaient pas abandonné la magie, alors tout ceci ne serait pas arrivé. Quant à la jeune femme... Tu m'as dit qu'il y avait une fleur sur le bouclier qu'elle a créé ? "

"Ouaip. Mais mes compétences en botanique étant limitées, je t'avoue ne pas avoir reconnu de quelle fleur il s'agit. Tu as une idée derrière la tête ?"

"Il n'était pas rare de voir les magiciens et magiciennes placer le blason de leur famille dans leurs créations. Une fleur... Beaucoup avaient une fleur comme symbole..."

"Mais peu étaient représentés par une pivoine n'est ce pas ?"

Plongés dans leur discussion, Klük et l'Ancien n'ont pas remarqué que Laurina ne dort plus et qu'elle monte lentement les marches menant à la barre. L'Ancien s'avance devant elle et, à la surprise de Klük, s'incline.

"Dame Laurina, j'ignorais que nous avions à bord une Prêtresse Du Jour. J'ignorais même que votre lignée avait survécu. Mais le nom aurait dû m'aiguiller. Pardonnez le vieux Nain que je suis. "

Laurina s'incline à son tour.

"Ne vous excusez pas maître Nain. Je ne pensais pas que notre lignée avait une quelconque renommée. Ni que des gens se souvenait encore d'elle. Qui avez vous connu de ma famille ? "

"La belle Juliana. Vous lui ressemblez énormément maintenant que je vous vois mieux... "

"Maman me parlait beaucoup d'elle. Il paraît qu'elle était vraiment aimée à Aurielle."

Klük ne laisse pas son vieil acolyte reprendre.

"Est ce que quelqu'un voudrait bien expliquer à un capitaine un peu débordé par les événement ce qu'il se passe ?"

Laurina s'avance vers lui. Si elle a pu trouver des habits à bord, elle n'a pu s'empêcher de reprendre une robe, la capuche fixée sur sa tête.

"Mes ancêtres priaient essentiellement la déesse du Jour. Beaucoup prétendaient que c'était elle qui faisait briller Primara, voir qu'elle était Primara elle même. Et certains l'appelaient... Laurina. Ses prêtres et prêtresse possédaient une des plus puissantes magies. Quoi qu'il en soit, après la guerre, ma famille a refusé d'abandonner les anciennes croyances et a donc dû fuir les villes et se cacher."

Elle s'arrête là. Beaucoup de questions viennent à Klük, mais il se retient. Une enfant est morte dans les bras de cette jeune femme, pas la peine de la brusquer plus.

"Comment va ta blessure ? "

"Elle est plus profonde que ce que je pensais... Cela me fait mal encore, mais rien de grave."

"Tu devrais te reposer Laurina."

"Je voulais voir l'aurore. Et je n'arrive pas à trouver le sommeil..."

Le Nain hoche la tête. Il serait hypocrite de la forcer à dormir.

Soudain, l'océan s'embrase. Le premier rayon de Primara touche son horizon. Chacun cesse ce qu'il fait, profitant de ce moment.

Laurina ferme les yeux. Sa magie, en tant que Prêtresse du Jour, lui vient principalement de la lumière de Primara. Cette nuit, elle a vidé ses réserves, et ces rayons lui font grand bien. Elle ré ouvre les yeux et observe le pont qui commence à être parfaitement visible. Voir ces hommes et ces femmes travailler ensemble lui réchauffe le cœur. Quatre races unies pour le même combat : maintenir ce bateau à flot.

Regardant l'horizon, ses pensées vont vers Olga. Des larmes viennent se mélanger aux embruns, rapidement emportées par la brise du matin. Ce chagrin ne disparaîtra jamais : elle sait qu'elle n'est pas responsable de la mort de l'enfant, c'était un accident. Elle sait aussi qu'elle aurait pu la sauver. Mais toutes ses années, Laurina s'est entraînée à cacher sa magie, en faire en sorte que personne ne sache qu'elle est une prêtresse. Si elle avait mis tout ces efforts dans la pratique, elle aurait pu sauver Olga.

Mais elle pense ce qu'elle a dit à Solembum lors de leur fuite. Le monde, les gens, les mœurs. Tout ça a entraîné cette situation. Certes, la magie s'apprend. Néanmoins certains, comme Laurina ou Solembum, naissent avec une forte présence de magie en eux. Et personne ne peut aider ces gens aujourd'hui.

La jeune humaine respire un grand coup et enlève sa capuche, laissant ses long cheveux noirs courir dans l'air frais du matin. En fixant l'horizon illuminé par Primara, elle comprend qu'elle est enfin libre. Elle n'a plus à se cacher, ni à ignorer ses pouvoirs. Elle ne sait pas où Klük a prévu de l'amener, mais elle sait qu'elle y vivra librement.

"Nous serons à l'Entrepôt au prochain coucher de Primara" l'informe Klük. "Ensuite, nous continuerons à descendre au Sud !"

"L'Entrepôt ? Et qu'il y a-t-il plus au Sud ?" questionne Laurina.

"L'Entrepôt est un îlot sur lequel je stocke beaucoup de choses. Matières premières, nourriture, soins... Il me permet de ravitailler les villes et l'Intrépide si besoin. Évidemment, il n'apparaît sur aucune carte. Pour ce qui est de ce qui se cache au Sud, ton salut, Laurina ! Une immense île, trois fois plus grande que Noxus, où vivent librement quatre races. Bientôt cinq avec Solembum. Là bas, tu n'auras plus à cacher ta magie. Tu rencontreras même d'autres magiciens. "

Il regarde la jeune humaine. Elle s'est assise sur la balustrade, à sa gauche, au dessus de l'eau. Les cheveux dans le vent, sa peau noire humidifiée par les embruns et son sourire la rendent rayonnante. Il a du mal à reconnaître la jeune femme détruite d'il y a quelques heures.

"Et cet Entrepôt, personne d'autre ne l'a jamais trouvé ?"

"Ah, tu parles. Personne n'est assez fou pour s'éloigner des côtes ! Non, personne ne connaît son emplacement, même s'il est vrai que beaucoup connaissent son existence."

"Et qu'est ce qui empêche les gens de prendre le large ?"

Un cri la coupe.

"Ondin !"

"Ce genre de connerie, par exemple." répond Klük.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Damien Dumas ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0