11- Complicité

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Klük n'aime pas les Ondins. A peine la vigie les a prévenu qu'une dizaine d'individus aquatique sautent sur le pont. Encore plus hideux que les Varals, les Ondins sont moins intelligents mais plus redoutables. Leur absence de méfiance et de stratégie fait d'eux des créatures complètement imprévisibles. 

"Laurina, j'espère que tu es d'attaque pour une bataille ! Il y en a probablement une autre dizaine qui attend de monter à bord. " 

Son équipage s'affaire déjà pour défaire les ennemis. Mais effectivement, au moment où deux Ondins perdent la vie, deux autres sautent de l'Océan pour atterrir sur le pont. Laurina, joignant ses mains, commence à préparer un sort. 

"Tu as l'air inquiet Klük. N'est ce pas là le quotidien d'un marin ? 

"Je n'ai jamais vu d'Ondin de jour." 

Le ton du capitaine et cette révélation veut tout dire. Cette situation n'est pas normale. Mais cela signifie aussi que ces créatures ne sont pas habituées à la lumière du jour. Laurina sourit : ils ont choisi le mauvais bateau. 

Aux côtés de Klük, surplombant le pont, elle écarte ses bras, paume en avant. Klük est ébahi devant la scène qu'il a sous les yeux. Comme si les rayons de Primara sont soudainement attirés par la jeune humaine, Laurina se met à briller. Ses doigts tendus semblent pianoter dans l'air quand soudain, ils cessent de bouger. Tout à coup, un mince rayon de lumière s'échappe de chacun de ses doigts allant directement frapper les Ondins au niveau des yeux. Ceux-ci, désormais aveuglés et désorientés tentent de fuir le bateau : l'équipage de Klük n'en laisse s'échapper aucun. 

Klük laisse éclater un grand rire : la jeune humaine est réellement surprenante.

"Prodigieux..." murmure l'Ancien. 

Il a déjà vu ce tour. Il a déjà vu une jeune humaine, ressemblant beaucoup à Laurina, mettre en déroute une meute de monstres. Ceux-ci tentaient de s'attaquer aux champs d'Aurielle. Il y a si longtemps... 

"Et bien voici une attaque rondement menée." se réjoui Klük. "Je t'embauche Laurina, c'est décidé !" 

La jeune femme lui répond en souriant :

"Je suis hors de prix, capitaine !" 

En rigolant, ils regardent les marins jeter les corps des Ondins par dessus bord. Primara est désormais bien réveillée et Laurina peut enfin observer l'Intrépide au grand jour. Le navire est magnifique, bien que marqué par le temps ; ses trois mâts surplombent fièrement l'océan. 

"Splendide, n'est ce pas ?" 

Klük a remarqué ses grands yeux émerveillés. 

"C'est toi qui l'a construit ?" 

"Nop, mes parents adoptifs. Enfin, je les ai aidé mais tout le mérite leur revient. Il a pris quelques coups, il faut l'avouer, mais il n'a rien perdu de sa beauté" 

Laurina acquiesce. 

"Je dois dire que je suis autant impressionné par le navire que par ton équipage Klük. Quelle harmonie !" 

"Ma fierté. Il n'y a pas un autre endroit au monde où quatre races se serrent autant les coudes !" 

"Même pas sur l'île où tu m'emmènes ?" 

"Arf. Au final, cette île, c'est peu une extension de ce navire. C'est moi qui ai amené tout ceux qui ne sont pas nés là bas, alors bon... Oui, j'imagine que tu retrouveras la même harmonie." 

"Combien en as tu amené ?" 

"Des centaines ? Des milliers ? Je ne sais plus. Tant d'âmes souhaitant fuir les villes du continents, leurs règles et leurs préceptes. Sur cette île, ils ont retrouvé une nouvelle vie. La population ne cesse de s'accroître, chaque fois que j'y vais, de nouveaux enfants sont apparus. "

Au mot" enfants", Laurina s'est rembrunie et ce changement d'humeur n'est pas passé inaperçu aux yeux de Klük. Se passant la main derrière le cou, conscient d'avoir gaffé, Klük l'interpelle d'une voix douce. 

"Viens par ici Laurina."

Surprise, la jeune femme reprend pied et s'avance vers le Nain. Celui s'écarte du gouvernail et lui dit :

"Vas y. Prend la barre un peu, je vais te montrer comment on navigue." 

Pendant une bonne partie de la matinée, Klük enseigne les bases de la navigation à Laurina. Rapidement, une certaine complicité se crée entre eux. Sans lui poser aucune question sur son passé, il apprend à la connaître : ses gestes, ses habitudes, ses réflexions et ses interrogations... Tout ça lui permet de dresser un bon portrait de la jeune femme : sous une grande timidité, celle-ci cache pourtant une certaine confiance en elle. Ses yeux pétillants témoignent d'une immense soif de connaissance et la jeune femme apprend beaucoup, rapidement. Son sourire qui dévoile ses dents blanches montre à quel point naviguer au grès du vent lui sied ; un oiseau trop longtemps enfermé dans une cage. Klük s'interroge énormément sur ce dernier point : pourquoi Laurina n'a-t-elle jamais quitté Noxus. Si la question lui brûle les lèvres, il n'en fait rien, elle lui en parlera quand elle le souhaitera. 

Laurina rayonne. Voir ce navire réagir à ses mouvements lui donne des ailes, observer cet équipage qui s'agite sous les hurlements de Klük lui met du baume au cœur. Chaque fois que le capitaine leur cri un ordre, il explique à la jeune humaine ce qu'il signifie. 

Les deux étoiles sont déjà hautes lorsque Klük décide de reprendre la barre. 

"Merci, capitaine" murmure Laurina. 

Klük sourit. Ce "merci" vient du cœur, il le sent. 

"Ça ne te dit pas de rester avec nous, sur l'Intrépide ? Apprendre tout ce qui a à savoir sur la vie d'un marin ? Tu ferais une excellente seconde !" 

Prête à accepter l'offre, Laurina secoue la tête. 

"Mais tôt ou tard, tu reviendras à Noxus, n'est ce pas ?" 

"En effet..." 

"Je ne pense pas pouvoir y retourner un jour..." murmure la jeune Humaine. 

Seul le bateau perçant les flots et l'équipage s'afférant sur le pont brisent le silence. Klük finit par demander à la jeune humaine :

"Pourquoi y es tu restée ? À Noxus ?" 

Laurina prend son temps pour reprendre. Si les souvenirs restent durs à se remémorer, le Nain mérite des réponses. 

"Je n'avais vécu que dix rotations lorsque je suis arrivée à Noxus. Seule. Mes parents et moi, nous vivions en ermites, aux abords de la forêt. Malheureusement, un matin, un groupe d'individus a vu ma mère pratiquer la magie. Ils ont eu peur et sont partis alerter leur village : peu de temps après, l'entièreté de celui venait, armé, à la rencontre de mes parents. Mon père, comprenant qu'il n'y aurait pas de justice dans ce procès, me cacha, en me laissant comme ordre de m'enfuir le plus loin d'ici, en sécurité dans une ville lorsque tout ceci serait terminé. J'étais jeune, mais je comprenais ce qu'il voulait dire par là. Alors... "

La jeune femme s'arrête, la voix brisée par le chagrin. C'est d'une voix légèrement enrouée qu'elle reprend :

"Alors j'ai attendu. Et entendu. Mes parents n'ont même pas essayé de se défendre. Seul mon père hurlait d'épargner ma mère. Puis des cris de douleur se sont fait entendre. Et soudain, plus rien. Lorsque je suis enfin sortie, au bout de deux levers de Primara, les braises brûlaient encore. Leurs corps étaient méconnaissables. Alors j'ai couru, couru, couru. Jusqu'à arriver à Noxus. Là bas, on ne m'a même pas posé de question. Cachant ma magie au plus profond de moi, j'ai vécu de petits boulots, jusqu'à ce que je trouve ce travail chez Thonin, il y a trois rotations. Je ne pouvais plus quitter cette ville. L'extérieur de ces murs m'apparaissait barbare et cruel..."

Une larme coule sur la joue burinée du Capitaine. L'Ancien s'avance vers Laurina et prend la main de la jeune humaine entre les siennes. 

"Personne ne devrait se cacher de ce qu'il est, Dame Laurina. Les épreuves que vous avez traversées sont affreuses mais je suis persuadé qu'une nouvelle et meilleure vie vous attend." 

"J'ai eu de la chance de tomber sur Klük. Nous avons eu de la chance." précise-t-elle en apercevant Solembum monter les marches qui mènent à la barre. 

Le Félinet approuve d'un hochement de tête. Il a entendu l'histoire de Laurina. Au fond, ils ne sont pas si différent l'un de l'autre : tout deux ont beaucoup perdu. 

" Bien reposé Solembum ?" demande Klük. 

"Pas vraiment. Le Félinet pense qu'il a le mal de mer." 

Laurina, en souriant, reprend :

"Pour un magicien qui semble affilié à l'Eau, c'est caucasse !" 

Cette anedocte lance la jeune humaine dans un fou rire. Rire communicatif, car il ne faut pas longtemps à Solembum et Klük pour la rejoindre. 

"Entrepôt en vue !" 

Le cri de la vigie leur fait reprendre leur sérieux. 

"Au fait Klük" demande la jeune humaine. "Que veux-tu récupérer ici ?" 

"Quelques vivres et de quoi soigner ta plaie. J'aurais dû en récupérer à Noxus mais notre départ a été un peu précipité et..." 

Klük se coupe et se pétrifie au moment où Laurina tourne de l'œil et tombe sur le plancher du bateau. 

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