3 - Solembum

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La lumière de Primara vient à peine d'éclairer la plaine, les monstres de rentrer dans leurs tanière, qu'une silhouette déambule déjà parmi les buissons.

Écrasés par la chaleur, les muscles de Solembum hurlent de douleur. Les Félinets vivant au sommet des plus hautes montagnes de ce monde, le climat tempéré de la plaine qu'il traverse est pour lui un supplice. Nu ; ses vêtements rangés en boule dans un sac en bandoulière, sa fourrure n'en reste pas moins beaucoup trop chaude pour cette région.

Haletant, Solebum cesse sa course pour reprendre son souffle. La lumière de Primara à peine levé et le Félinet n'a pas attendu une minute pour continuer son trajet. Courant à petites foulées, il compte bien arriver à Noxus avant la nouvelle nuit. En plus des monstres, la terre se trouve actuellement en Période Sombre : résultat, une fois les deux étoiles couchées, la nuit est aussi noire que le charbon ; et même l'excellente vision de Solembum ne suffit pas à se déplacer prudemment, à son grand malheur ; les nuit étant fraîches.

S'épongeant le front, le Félinet regarde autour de lui jusqu'à apercevoir une rivière ; suivant des yeux son cours, il finit par tomber sur une ligne grise, au loin. Probablement la muraille de Noxus, se dit-il. Soupirant, il reprend son voyage en trottinant, se dirigeant droit sur le cours d'eau.

Pour oublier la chaleur meurtrière qui l'accable à chaque seconde, Solembum se laisse submerger par ses souvenirs. Il pense à la tribu. Autrefois, elle vivait avec les autres races, supportait ce climat, ne connaissait pas la chaleur qu'expérimente le Félinet. Mais la venue des Dragons avait tout changé ; la seule arme de la race à fourrure, la magie, n'avait pas fonctionnée contre les mastodontes ailés. Sans défense, ils s'étaient quand même battus ; naturellement, ils avaient le plus perdu. Pas seulement des représentants de leur race, mais aussi tout le savoir qu'ils protégeaient, brûlé par les flammes destructrices des Dragons. Honteux, ils avaient décidé de s'exiler loin des autres races. Comme les autres peuples, ils avaient choisi d'abandonner la magie et leurs croyances et choisirent de ne s'en remettre qu'à une seule chose : le clan. Rien ne peut surpasser cette notion de clan, l'individu même n'existe pas, il n'est qu'une partie du clan.

Des larmes brûlantes ramènent Solembum à la réalité ; en ignorant leurs préceptes, en agissant égoïstement, il avait tout perdu. Il a donc décidé lui même de quitter son clan ; un vieux Félinet lui ayant conseillé de se rendre sur une île, au Sud du continent. Il s'est mis en route vers Noxus, connu pour son port avant la guerre. Coupé du monde depuis trop longtemps, il ne savait même pas si la ville avait survécu, et voir ses murailles intactes le réconforte un peu.

La rivière n'est plus si loin, mais Primara sera sûrement à son Zénith lorsqu'il atteindra la porte de la ville. Secondara sera levée elle aussi ; brûlant un peu plus le corps du Félinet. Solembum soupire ; il n'a pas le droit de se plaindre : cette situation, c'est lui qui l'a déclenché. Si seulement il n'était jamais rentré dans cette grotte...

Enfin, il arrive à la rivière. La clarté et la pureté de celle-ci lui remonte un peu le moral. S'agenouilllant devant le torrent d'eau, Solembum regarde son reflet. De ce qu'il sait, exceptée la fourrure grise et les deux grandes oreilles sur les côtés de son crâne, il ressemble presque en tout point à la race Humaine. Les mains en coupe, il boit le liquide frais, véritable salut pour sa gorge en feu. Hydratant également sa fourrure trempée par la sueur, Solembum suspend son geste et lève la tête lorsqu'il entend un fort clapotis de l'autre côté de la rivière.

Une bête, couverte d'écailles, une tête allongée se terminant par une gueule remplie de dents acérées et se déplaçant sur quatre pattes pourvues de griffes le regarde. Un Ondin. Très surpris d'en trouver un sous la lumière de Primara, le Félinet ne bouge pas ; ces créatures peuvent se montrer extrêmement violentes lorsqu'elles sont affamées. Solembum se dit qu'avec un peu de chance, l'Ondin a pu festoyer cette nuit. Un rictus déforme le visage déjà laid de la créature, dévoilant l'intégralité de ses dents, pendant qu'il commence à avancer dans l'eau en direction du Félinet.

"Apparemment, il a faim."

Surpris par la voix rocailleuse qui sort de sa bouche, Solembum reprend rapidement ses esprits, se levant doucement et reculant pas à pas. S'enfuir en courant n'est pas une solution, les Odins étant capable de sauter incroyablement loin. La créature ayant senti la détresse de sa proie se met à traverser le bras de rivière plus rapidement. Se préparant à fuir, Solembum est arrêté au moment où tout son corps se met à brûler de l'intérieur. Hurlant de douleur, il tombe sur ses genoux, se rattrapant in extremis avec les mains pour éviter de s'étaler complètement sur le sol. Levant la tête, des larmes de douleur sur les joues, il aperçoit l'Ondin qui n'avance plus, paniqué. Au moment où le corps de Solembum s'est enflammé, une zone de la rivière, englobant la créature , s'est mis à bouillir. La créature hurle à son tour, se débat et essaye de rejoindre la rive, mais elle se retrouve sans vie, la peau calcinée, bien avant d'être sur la terre ferme. Avec son cris cesse le bouillonnement de l'eau, le calme se fait soudain entendre sur la plaine.

Solembum regarde la créature, les écailles brûlées, flottant à la surface de l'eau. Il sait qu'il est responsable de ça. Quelque chose de similaire s'est déjà produit, mais le Félinet se refuse à repenser à ce jour funeste ; il doit continuer à avancer et rejoindre cet île.

Après avoir sorti le corps de l'Ondin de la rivière, pour éviter de contaminer l'eau, Solembum reprend son trajet, en marchant cette fois ci : ses provisions commencent à s'amenuir ; sans savoir si les habitants de Noxus vont partager leur nourriture, le Félinet préfère garder de quoi manger, au cas où. De plus, la ville n'est plus si loin et même en marchant il l'atteindra avant le coucher des étoiles. Cela l'arrange, il n'a pas envie de chercher un autre endroit sûr où passer la nuit, ni de se présenter aux portes de la ville sans y voir et sans être vu.

En effet, Solembum est un peu anxieux. Les autres races n'ont pas dû croiser de Félinet depuis la guerre contre les Dragons et il ne sait pas comment les habitants vont réagir. Ce n'est pas tant pour lui que Solembum s'inquiète, mais plus pour ceux qu'il va avoir en face de lui : récemment, de terribles choses se produisent lorsqu'il panique.

L'immense porte en fer est en vue, Primara à son zénith et Secondara réchauffe fortement la plaine. À l'abri d'un buisson, Solembum passe à nouveau ses habits, bien qu'il aurait préféré les garder dans son sac : mieux vaut se montrer civilisé, même s'il ne s'agit que d'une simple toge.

Le Félinet s'arrête devant la porte, sous les yeux des gardes.

"Qui va là ?" hurle l'un d'eux, un Orc selon les connaissances de Solembum.

Il respire, ferme ses yeux brûlés par les rayons de Secondara, les œuvre à nouveaux et finis par répondre, la voix enrouée :

"Un simple voyageur".

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